carcinologiques de la prise en charge chirurgicale des sarcomes des tissus mous et des fibromatoses pariétales de l’adulte

Chapitre 2 Principes carcinologiques de la prise en charge chirurgicale des sarcomes des tissus mous et des fibromatoses pariétales de l’adulte




Les sarcomes des tissus mous représentent en France environ 3000 nouveaux cas par an. Le risque essentiel de ces tumeurs rares est de méconnaître initialement le diagnostic, ce qui entraîne des gestes inadaptés (drainage sur un diagnostic d’hématome ou d’abcès, effraction tumorale, liposuccion, énucléation) qui peuvent compromettre une chirurgie carcinologique ultérieure. La chirurgie initiale conditionne l’avenir du patient et les reprises chirurgicales élargies ne permettent pas toujours de replacer le patient dans des conditions optimales [20].


Afin d’éviter des gestes inadaptés sur une tumeur des tissus mous pariétale, il est nécessaire de réaliser avant toute chirurgie une imagerie adaptée (imagerie par resonance magnétique [IRM]), puis une biopsie sur le trajet de la future exérèse afin d’adapter d’emblée la démarche thérapeutique et le geste chirurgical au diagnostic histologique définitif (un examen extemporané ne permet pas toujours de trancher entre bénin et malin ni de certifier s’il s’agit bien d’une tumeur conjonctive) [3].







CLINIQUE ET IMAGERIE


Les sarcomes des tissus mous sont une tuméfaction dans les tissus mous de la paroi thoracique ou abdominale. L’apparente « banalité » est le risque principal pour le chirurgien non specialisé et surtout pour le patient, ce d’autant qu’il y a beaucoup plus de tumeurs bénignes que malignes. En pratique, toute lésion intramusculaire de plus de 3 cm est a priori « suspecte ».


L’ancienneté de la lésion n’est pas un critère de bénignité, car les sarcomes de bas grade peuvent croître sur des années. Les sarcomes pariétaux ou les fibromatoses agressives (ou tumeurs desmoïdes) sont fréquemment indolores, contrairement à des lésions pariétales endométriosiques qui se voient chez les femmes jeunes mais sont douloureuses, parfois rythmées par le cycle. Chez une femme jeune, a fortiori au décours d’une grossesse, on pensera également à une fibromatose agressive, surtout située dans les muscles droits de l’abdomen.


Les masses pariétales survenant en territoire irradié (antecedent de cancer du sein ou de maladie de Hodgkin par exemple) doivent faire penser certes à une récidive, mais également à un sarcome radio-induit. Souvent, ces lésions sont situées en bordure de champ d’irradiation, survenant après une dizaine d’année d’intervalle libre.


La réalisation d’une imagerie adaptée est nécessaire. Le scanner apprécie mal les lésions des tissus mous. L’IRM est l’examen de référence, mais elle ne permet pas de faire le diagnostic avec certitude. Elle permet d’apprécier le pourcentage de nécrose tumorale dans les sarcomes, non évaluable par les microbiopsies, mais faisant partie du grading histopronostique. Les lésions très nécrotiques sont de haut grade de malignité. En revanche, l’IRM n’apporte pas de facteurs prédictifs d’évolution des fibromatoses [4]. Très souvent, les sarcomes sont bien circonscrits, trompant encore le clinicien. Les sarcomes mal limités tronculaires sont plus rares, correspondant à certaines histologies : angiosarcomes, hémangio-endothéliomes épithélioïdes, etc. On recherche l’extension dans les espaces intercostaux et éventuellement dans les trous de conjugaison dans les situations pariétales dorsales. Sur l’IRM, les fibromatoses sont fréquemment moins bien limitées qu’un sarcome, d’apparence nodulaire, avec des ramifications dans l’axe des fibres musculaires.



BIOPSIE


La biopsie est le plus souvent nécessaire pour :





La plupart des tumeurs conjonctives bénignes peuvent être énucléées alors qu’un sarcome ou une fibromatose agressive relève d’une chirurgie élargie. Dans le cas des fibromatoses agressives de la paroi abdominale ou thoracique, une surveillance initiale peut être discutée.


Par ailleurs, les reprises d’exérèse élargies après chirurgie initiale inadaptée ne sont pas toujours possibles et ne permettent pas toujours de se replacer dans des conditions optimales, en particulier quand il y a eu une effraction tumorale dans la cavité abdominale par exemple.


Enfin, il importe de discuter en comité multidisciplinaire un traitement néoadjuvant (chimiothérapie intraveineuse) lorsqu’il s’agit d’une tumeur localement évoluée ou de progression rapide ou dans certaines histologies (sarcome d’Ewing de la paroi thoracique par exemple).




Technique de la biopsie




Technique de la biopsie chirurgicale






FIBROMATOSES AGRESSIVES


Les processus fibroprolifératifs représentent un groupe de pathologies caractérisées par une prolifération excessive de cellules fusiformes qui ressemblent à des fibroblastes. Ils comprennent les cicatrices chéloïdes, mais également des tumeurs comme les fibromatoses agressives ou tumeurs desmoïdes [5]. Les fibromatoses sporadiques (non liées aux polyposes familiales) sont des proliférations monoclonales de cellules fusiformes localement invasives, mais qui ne métastasent pas [1]. L’incidence est faible : 2,4 à 4,3 nouveaux cas par million d’habitants et par an [21], ce qui représente environ 180 nouveaux cas par an en France.


Ces tumeurs des tissus mous n’ont pas de capsule et envahissent les structures avoisinantes. Elles exposent à un risqué élevé de récidive locale, même après une chirurgie apparemment adéquate. En effet, ces taux s’échelonnent de 25 à 60 % à 5 ans [2,11]. Des régressions spontanées ont été rapportées dans 4 % des cas. Dans 85 % des cas, des mutations somatiques de la bétacaténine sont observées, et certains types de mutations pourraient être prédictifs de l’évolution clinique [16].



INDICATION OPÉRATOIRE




Tumeurs desmoïdes


La chirurgie était historiquement la base du traitement initial, quelle que fût la forme évolutive. Mais son implication, avec l’apport de facteurs de cicatrisation qui sont également des facteurs de croissance, est ambiguë, en particulier sur des reliquats microscopiques. Cela peut expliquer des reprogressions rapides après exérèse marginale. Contrairement aux sarcomes des tissus mous, où des marges positives sont, de manière reproductible, un facteur prédictif de rechute locale [23], l’impact des marges positives après excision des fibromatoses reste incertain. Les discordances sur l’impact de la qualité de la chirurgie suggèrent que des facteurs supplémentaires influencent l’histoire naturelle de ces maladies. Parmi eux, les caractéristiques biologiques intrinsèques des cellules tumorales et l’environnement de l’hôte pourraient être importants.


Récemment, il a été rapporté initialement dans une etude mono-institutionnelle [2], puis dans une étude bi-institutionnelle portant sur 140 patients présentant une fibromatose agressive primitive initialement surveillés [9], qu’environ 50 % des fibromatoses sont non évolutives après une période initiale de progression. Lorsque le diagnostic a été prouvé par une biopsie, on discute une surveillance initiale, de façon à ne proposer de chirurgie mutilante (pariétectomie le plus souvent) qu’aux patients réellement évolutifs.


Ces tumeurs sont susceptibles de répondre à la chimiothérapie [19] ou à d’autres traitements systémiques comme l’hormonothérapie ou les anti-inflammatoires [12]. Plus récemment, l’imatinib a été testé sur les fibromatoses évoluées [14]. Ces traitements systémiques peuvent éviter les conséquences fonctionnelles de la chirurgie ou de la radiothérapie. Ils sont discutés en cas de progression documentée (IRM comparative) après une surveillance initiale, et avant de décider d’une pariétectomie.



EXÉRÈSE TUMORALE


La chirurgie s’intègre dans le cadre d’une prise en charge pluridisciplinaire. L’extension de la chirurgie ne doit pas se décider sans biopsie préalable et sans un bilan d’extension complet (scanner thoracique surtout). Il convient de ne pas faire un traitement chirurgical mutilant type pariétectomie si le patient est métastatique.



Règles générales de l’exérèse chirurgicale





La chirurgie doit être effectuée en un bloc, la tumeur étant entourée de tissu sain d’emblée [23]. On ne va pas « disséquer » la tumeur ; les zones de section sont bien définies sur l’imagerie préopératoire en fonction des contraintes anatomiques. De plus, disséquer la tumeur à son contact expose au risque de l’ouvrir, car ces lésions souvent nécrotiques peuvent être friables. Il n’est donc pas indiqué de faire des recoupes musculaires (qui sous-entendent que l’on a d’abord énucléé la tumeur puis effectué les recoupes pour réséquer le « coquetier » de la tumeur, ce qui expose en pratique à une contamination du champ opératoire, même si les marges définies in fine sur les recoupes par l’anatomopathologiste sont saines). La tumeur ne doit pas être vue lors de l’exérèse.




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Apr 27, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on carcinologiques de la prise en charge chirurgicale des sarcomes des tissus mous et des fibromatoses pariétales de l’adulte

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