Chapitre 1 Anémie
DIAGNOSTIC
Critères
L’anémie est définie en se basant exclusivement sur le dosage de l’hémoglobine. En son absence, l’hématocrite pourrait le remplacer mais l’hémolobine est le meilleur critère.
Il y a anémie si l’hémoglobine est :
On doit initialement s’orienter sur le volume globulaire moyen (VGM) et la numération des réticulocytes, qu’il faut demander immédiatement s’il n’y a pas de microcytose.
Types d’anémie
On peut distinguer d’emblée quatre groupes d’anémie qui ont chacun leurs causes propres.
Anémies régénératives (réticulocytes ⩾150 000/mm3)
Elles peuvent être dues à une hyperdestruction périphérique de globules rouges (hyperhémolyse), à une hémorragie aiguë, ou à la réparation d’un déficit antérieur de la production érythrocytaire, car le taux de réticulocytes élevé montre que la moelle fonctionne bien.
Anémies microcytaires (VGM ≤ 80 µ3)
Elles sont dues à un défaut de synthèse de l’hémoglobine quelle qu’en soit la cause. En effet, le caractère microcytaire montre qu’il y a eu trop de mitoses dans la lignée érythroblastique (et chacune réduit la taille des cellules) parce que la concentration d’hémoglobine n’avait pas atteint le seuil qui les arrête. La plupart du temps, ces anémies sont arégénératives (taux faible des réticulocytes) car la production médullaire est diminuée. Il est à noter qu’une anémie microcytaire est quelquefois régénérative : ce cas est rare.
Anémies arégénératives macrocytaires (VGM ≥ 98 µ3, réticulocytes 100 000/mm3)
Elles ont toujours une origine centrale, le taux faible des réticulocytes montrant l’insuffisance de production. L’élévation du VGM témoigne en outre d’un ralentissement des mitoses des érythroblastes, ce qui correspond à certaines étiologies particulières.
Anémies arégénératives normocytaires (réticulocytes < 100 000/mm3 et VGM entre 80 et 98 µ3)
Elles sont également d’origine centrale et dues à des troubles de la production liés à d’autres causes que celles des deux groupes précédents. Toutefois une hémodilution crée une pseudoanémie qui a des caractéristiques identiques.
Avant d’entreprendre l’enquête étiologique il faut se souvenir de quelques règles (Encadré 1).
Encadré 1 Conduite à tenir initiale
Avant de se lancer dans l’exploration d’une anémie, il faut s’assurer que les autres lignées sont normales car le comportement serait différent s’il y avait bicytopénie, pancytopénie ou anémie associée à une hyperleucocytose faite de lymphocytes, à une myélémie ou avec présence de cellules anormales dans le sang.
ÉTIOLOGIE
Anémies régénératives
Définition
Il s’agit d’anémies s’accompagnant d’un nombre élevé de réticulocytes : plus de 150 000/mm3.
Problème technique : vérifier la numération de réticulocytes dans les formes incertaines (110 000 à 150 000/mm3).
Diagnostic
Si elle est vraiment régénérative, l’anémie ne peut avoir en théorie que deux causes : l’hémorragie aiguë et l’hyperhémolyse. Mais il existe une situation trompeuse : la phase de récupération d’une anémie qui était arégénérative (Encadré 2).
Encadré 2 Conduite à tenir en présence d’une anémie régénérative
Urgence
Toute anémie régénérative à moins de 8 g d’hémoglobine/100 mL est a priori une urgence et doit être adressée le plus tôt possible en milieu spécialisé car, hémorragique ou hémolytique, elle peut rapidement mettre la vie du patient en danger.
Thérapeutique
De préférence ne rien prescrire en attendant l’hospitalisation et ne transfuser que si l’anémie est presque certainement hémorragique. Dans ce cas, prélever du sang avant la transfusion pour divers examens ultérieurs, indispensables s’il s’agissait d’une hyperhémolyse.
Hémorragie aiguë
Constituant une urgence, elle doit être envisagée en premier lieu. Sauf hémorragie extériorisée accidentelle très récente, épistaxis massives ou ménorragies abondantes, il s’agit surtout de saignements gynécologiques ou digestifs. Ces derniers sont les seuls parfois non extériorisés lors du premier examen. Il faut donc rechercher systématiquement un méléna (examen des selles, interrogatoire, toucher rectal), une symptomatologie abdominale (interrogatoire et examen, toucher vaginal au moindre doute), tout antécédent suspect (ulcère, prise d’anti-inflammatoires, perte de poids, etc.) et tout autre signe de saignement (soif, tachycardie).
Anémie hémolytique
Elle peut parfois être soupçonnée sur l’existence d’un ictère et/ou d’une splénomégalie, ainsi que sur des antécédents personnels ou familiaux d’épisodes semblables, mais ces signes sont inconstants et non spécifiques. Le diagnostic doit absolument être confirmé par :
Si la preuve de l’éhmolyse est faite, la recherche de la cause nécessitera presque toujours le recours au spécialiste.
Réparation d’anémie centrale
Une anémie de cause centrale en train de se corriger est régénérative pendant quelques jours (quand l’hyperréticulocytose vient compenser l’anémie). Il ne faut évoquer ce diagnostic que si l’on a formellement éliminé les deux précédents. Les cas les plus fréquents d’observation de ce tableau sont :
Anémies hémolytiques
Définition
Il s’agit d’anémies par augmentation du taux normal de destruction des hématies circulantes. Ce sont des anémies régénératives car la moelle osseuse tend à compenser cette perte en produisant un nombre accru de réticulocytes.
Diagnostic
Le diagnostic étiologique est souvent très complexe et faire appel à des explorations très spécialisées. En outre, les conséquences thérapeutiques sont très sérieuses et les indications relèvent le plus souvent d’équipes spécialisées.
Pour l’essentiel, les anémies hémolytiques ne sont donc pas du domaine du généraliste.
Le diagnostic repose d’abord sur la notion d’anémie régénérative (réticulocytes > 150 000/mm3) avec la nécessité d’éliminer d’urgence une anémie par hémorragie aiguë.
Il exige en outre la preuve de l’hyperhémolyse sur des signes de destruction anomale des hématies :
Bilan étiologique initial
Chercher l’existence d’épisodes antérieurs semblables ou d’un contexte familial pouvant évoquer l’une des grandes causes d’hémolyse constitutionnelle : sphérocytose héréditaire (maladie de Minkowski-Chauffard), drépanocytose homozygote, déficit en glucose-6-phosphate-déshydrogénase, etc.
Ne faire ce bilan que si l’anémie est modérée et ne jamais retarder l’hospitalisation en cas de grande hémolyse :
En conclusion : ces quatre étapes mènent immédiatement ou dans un second temps à la consultation spécialisée ou à l’hospitalisation (Encadré 3).
Encadré 3 Conduite à tenir en présence d’une anémie hémolytique
Urgence
L’hyperhémolyse aiguë, c’est-à-dire à déclenchement brutal, est toujours une urgence en raison du double risque d’anoxie et d’anurie.
Thérapeutique d’urgence
Aucun médicament antianémique ne peut être utile. La corticothérapie parfois nécessaire ne doit pas être entreprise sans diagnostic. Des transfusions peuvent être indispensables si l’anémie est profonde (moins de 6 g/Hb/100 mL). Ne les faire qu’après les prélèvements permettant le diagnostic a posteriori de certaines causes que pourraient masquer les transfusions (test de Coombs érythrocytaire notamment).

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