Chapitre 7 Adénopathies
Les ganglions lymphatiques sont des formations lymphoïdes présentes sur les trajets lymphatiques. Leur fonction est de détruire les pathogènes (phagocytose) et de permettre les réponses immunitaires spécifiques.
La lymphe arrive dans le ganglion par un lymphatique afférent, s’écoule par un réseau de sinus lymphatique, puis quitte le ganglion par un lymphatique efférent.
Les ganglions sont également vascularisés (artère et veine).
La structure ganglionnaire comporte de la superficie vers le hile une capsule, un cortex superficiel, un cortex profond et une médullaire.
Dans le cortex superficiel, les lymphocytes sont organisés en follicules. Les follicules primaires sont constitués de lymphocytes non stimulés, tandis que les follicules secondaires contiennent des centres germinatifs, apparus après stimulation antigénique. Ces centres germinatifs sont le site de différenciation secondaire des lymphocytes B (cellules présentatrices d’antigène : cellules dendritiques folliculaires).
Le cortex profond correspond au site d’induction de la réponse cellulaire T (cellules présentatrices d’antigène : cellules interdigitées).
La médullaire contient surtout des macrophages et des plasmocytes.
DIAGNOSTIC
Clinique
Une adénopathie superficielle est diagnostiquée par la palpation des aires ganglionnaires. Les aires ganglionnaires superficielles comportent les aires cervicales (pré et rétro auriculaires, sous mentonnières, sous maxillaires, occipitales, cervicales profondes, superficielles, et postérieures), sus et sous claviculaires, axillaires, épitrochléennes, inguinales. Parfois, c’est une imagerie qui va mettre en évidence des adénopathies superficielles ou profondes.
Devant des adénopathies, l’interrogatoire s’attachera à rechercher une notion de contage récent, de contact avec des animaux (professionnel ou familial), des voyages, une cause locorégionale de type blessure dans le cas d’une adénopathie localisée, une altération de l’état général, une fièvre, des sueurs nocturne, un prurit, des arthralgies, des antécédents tumoraux, des prises médicamenteuses, une notion de syndrome sec…
L’examen des adénopathies doit les situer, les mesurer, et décrire la peau en regard, leur consistance, leur mobilité, leur sensibilité.
L’examen clinique complet doit permettre de rechercher des signes associés comme une hépatosplénomégalie, des lésions cutanées, des arthrites, des signes neurologiques…
Examens complémentaires
La biologie doit au moins comporter un hémogramme avec frottis sanguin (recherche de cellules anormales, de lymphocytes hyperbasophiles), un bilan inflammatoire (dont une électrophorèse des protides), un bilan hépatique (classiquement perturbé dans un contexte viral). En fonction du contexte, un phénotypage lymphocytaire, un bilan immunologique, un dosage pondéral des immunoglobulines, une immunofixation, des sérologies pourront être demandées.
L’échographie et le scanner peuvent permettre de mettre en évidence une composante nécrotique ou suppurée.
La cytoponction ganglionnaire peut permettre d’orienter le diagnostic, malheureusement elle est souvent non contributive. Elle est intéressante dans le cas des adénites infectieuses car elle peut permettre l’identification du germe.
La biopsie ganglionnaire est l’examen clé. Le principe est de retirer chirurgicalement l’adénopathie dans sa totalité. Il faut choisir le plus gros ganglion et si possible éviter l’aire inguinale. Le ganglion est mis frais dans une compresse de sérum physiologique ; des appositions ganglionnaires sur lame sont réalisées ; une partie est fixée et permettra les coupes pour l’étude histologique, une partie peut être mise en culture, et une autre cryopréservée. L’étude histologique permet dans la grande majorité des cas de porter un diagnostic.
Dans certains cas, une imagerie thoraco-abdomino-pelvienne sera nécessaire afin de visualiser les autres organes.
ÉTIOLOGIE ET TRAITEMENT
Adénopathie infectieuse
Adénopathies localisées (une aire ganglionnaire)
Adénite à pyogène
Mécanisme
L’adénopathie est douloureuse, s’accompagne de fièvre et d’une élévation des polynucléaires neutrophiles à la numération formule sanguine ; il peut exister un œdème en regard de l’aire ganglionnaire, voire une lymphangite ou une cellulite périganglionnaire. Les germes responsables sont le plus souvent des staphylocoques ou des streptocoques ; la porte d’entrée peut être une plaie cutanée, une infection buccodentaire ou amygdalienne.
Traitement
Le traitement doit comporter une antibiothérapie adaptée et nécessite parfois une ponction évacuatrice voire une incision suivie d’un drainage lorsque l’adénopathie est suppurée. De telles adénites, lorsqu’elles surviennent chez l’enfant, se répètent, et sont le fait d’un bacille gram négatif, doivent faire suspecter une granulomatose chronique familiale en rapport avec un déficit de phagocytose des polynucléaires.
Mycobactéries
La tuberculose ganglionnaire est à l’origine d’adénites avec coalescence sur un même site ; les adénopathies sont initialement fermes et peu douloureuses, puis se ramollissent, adhèrent à la peau qui devient inflammatoire, avant de fistuliser (« écrouelles »). La biopsie ganglionnaire peut montrer un granulome tuberculoïde avec nécrose caséeuse, une coloration de Ziehl positive (rare) et permet surtout une mise en culture qui établit le diagnostic. Plus récemment, des techniques de Polymerase Chain Reaction (PCR) ont permis des diagnostics plus rapides. Les signes généraux, la survenue d’un érythème noueux, la notion de contage, l’origine ethnique, le statut immunitaire peuvent orienter vers cette étiologie. Toute adénopathie tuberculeuse doit faire rechercher une autre localisation et nécessite un traitement antituberculeux de 6 à 9 mois.
Les mycobactéries atypiques peuvent également donner des tableaux proches ; la conduite diagnostique est la même. Les infections à Mycobacterium scrofulaceum et kansasii se voient surtout chez l’enfant. Les infections à Mycobacterium avium intracellulare sont secondaires à l’ingestion de lait cru non bouilli et se voient surtout chez les patients VIH.
Il faut également citer la BCGite qui associe une lésion papuleuse ou ulcérée du site vaccinal, et parfois une adénopathie satellite qui peut évoluer vers la suppuration et la fistulisation. Le traitement est une monothérapie par isoniazide.
Lymphoréticulose bénigne d’inoculation ou maladie des griffes du chat
Le vecteur de cette infection est Bartonnella henselae, bactérie retrouvée dans la terre ; l’inoculation est classiquement le fait d’une griffure ou d’une morsure de chat, mais d’autres animaux comme les lapins et les furets ou simplement des épines peuvent être responsables. L’incubation dure entre 7 et 60 jours ; la présentation comporte une cicatrice, une papule indurée ou une vésiculopustule à l’endroit de l’inoculation, et une adénopathie satellite douloureuse, parfois volumineuse avec peu ou pas de signes généraux. Cette adénopathie peut persister plusieurs mois. Elle évolue fréquemment vers la suppuration et doit alors être ponctionnée afin d’éviter une fistulisation ; la ponction ramène un pus jaune verdâtre apparemment stérile. Les complications comportent des méningoencéphalites, des glomérulonéphrites, des pneumopathies et des atteintes osseuses. Le diagnostic peut être fait grâce à la sérologie qui est positive si les immunoglobulines M ou G (IgM ou IgG) sont multipliées par quatre, ou par culture et PCR d’une biopsie ganglionnaire. L’histologie ganglionnaire n’est pas spécifique montrant des lésions granulomateuses et des microabcés ; parfois, les bacilles sont observés dans et à l’extérieur des cellules.
Le traitement associe la ponction/exérèse du ganglion et une antibiothérapie par cyclines, fluoroquinolones, macrolides ou rifampicine ; la durée du traitement n’est pas consensuelle et s’échelonne entre quinze et trente jours.
Pasteurellose
Cette infection est due à un bacille gram négatif, Pasteurella multocida. La contamination se fait par morsure ou griffure d’animaux tels que les chats, chiens et autres mammifères, mais aussi par piqûre végétale. L’incubation dure toujours moins de vingt quatre heures ; le tableau clinique est bruyant, la plaie d’inoculation devenant très douloureuse, œdématiée, érythémateuse et laissant sourdre une sérosité et du pus. En un à deux jours apparaît une adénopathie satellite. L’évolution précoce se fait vers un phlegmon, une arthrite voire une septicémie si le patient est immunodéprimé. Les complications tardives sont le fait de formes subaiguës après une rémission de durée variable et sont dominées par des tableaux d’algoneurodystrophie. Le diagnostic est porté dans les formes aiguës grâce à l’isolement du germe dans les sérosités et les hémocultures, et dans les formes subaiguës par la notion de plaie d’inoculation très douloureuse.
Le traitement des formes aiguës doit durer 10 jours ; l’antibiotique de choix est la doxycycline à la dose de 200 mg/j qui peut être substitué chez l’enfant par de l’amoxicilline ou un macrolide. Les formes septicémiques sont traitées 15 jours, par amoxicilline 100 mg/kg/j ou doxycycline 300 mg/j. Malheureusement, dans les formes subaiguës, l’antibiothérapie n’est plus efficace. La prévention des pasteurelloses repose sur l’antibioprophylaxie des plaies à risque par doxycycline 200 mg/j ou amoxicilline 50 mg/kg/j pendant 5 jours.
Peste
Le microorganisme responsable est un bacille gram négatif : Yersinia pestis. Le vecteur est la puce qui transmet la bactérie par piqûre et le réservoir est constitué de petits rongeurs. La peste est retrouvée en Asie, en Russie, en Afrique de l’est, à Madagascar, en Amérique du sud et dans l’ouest des États-Unis. La transmission interhumaine se fait par voie respiratoire. La peste bubonique débute brutalement après une incubation de 2 à 7 jours ; elle se manifeste par des malaises, une fièvre élevée et un tableau toxique (pâleur, polypnée). L’examen retrouve une ou plusieurs adénopathies dans un site ganglionnaire avec des signes inflammatoires locaux. L’examen direct du liquide de ponction permet le diagnostic en mettant en évidence le bacille. L’évolution en l’absence de traitement est le plus souvent le décès du fait de la dissémination du germe ou du syndrome toxique. La peste pulmonaire débute elle, après une incubation de quelques heures à 3 jours ; le tableau est celui d’une pneumopathie avec hémoptysies. Cette forme est très contagieuse et aboutit pratiquement toujours au décès malgré l’antibiothérapie. Le diagnostic est établi grâce aux hémocultures qui mettent en évidence le germe.
L’antibiothérapie fait appel aux aminosides, cyclines, quinolones, rifampicine ; cette maladie doit faire l’objet d’une déclaration nationale et internationale. L’antibioprophylaxie des sujets contact fait appel aux cyclines ou à la rifampicine.
Infections sexuellement transmissibles (IST)
Syphilis primaire
Treponema pallidum est une spirochète qui est transmise dans 95 % des cas par contact sexuel. L’incubation dure 3 semaines puis apparaît un chancre muqueux superficiel mesurant 5 à 20 mm de diamètre, bien limité, indolore, propre, accompagné d’adénopathies satellites (parfois bilatérales) non inflammatoires. Le diagnostic peut être fait par mise en évidence du tréponème au microscope à fond noir ou par positivation de la sérologie : FTA-abs (Fluorescent Treponemal Antibody Absorption) positif à 3 semaines, puis TPHA (Treponema Pallidum Hemagglutinations Assay) et VDRL (Venereal Disease Research Laboratory) positifs.
L’évolution spontanée se fait vers la cicatrisation du chancre en quelques semaines avec persistance d’une induration tandis que l’adénopathie persiste plusieurs mois. Le traitement fait appel aux pénicillines retard (Extencilline® 2,4 MU, une injection intramusculaire pour la syphilis primaire de moins de 1 an) ou en cas d’allergie aux macrolides et cyclines. Le chancre sous traitement disparaît en 1 à 3 semaines.
Chancre mou
Cette infection endémique en région tropicale est due à Haemiphilus ducreyi (bacille de Ducrey). L’incubation est courte (4 à 10 jours) ; les signes cliniques comportent un ou des chancres muqueux, douloureux, sales, non indurés parfois associés à une adénopathie satellite inflammatoire qui peut évoluer vers la fistulisation. Le diagnostic est établi par mise en évidence du bacille sur le prélèvement par grattage des berges de l’ulcération. Le traitement de choix est un traitement minute par ceftriaxone 500 mg en intramusculaire ou Ciflox® 500 mg per os en une prise.
Maladie de Nicolas Favre ou lymphogranulomatose vénérienne
Cette pathologie est également fréquente sous les tropiques ; elle touche plus les homosexuels masculins (rectite) en France. Le germe impliqué est Chlamydia trachomatis. L’infection évolue en trois phases après une incubation de 3 à 30 jours : Initialement, survient une ulcération non indurée, indolore, puis apparaissent des adénites satellites douloureuses, inflammatoires qui tendent à confluer, risquent de fistuliser ; enfin, en l’absence de traitement, survenue d’une fibrose locale avec insuffisance lymphatique secondaire. Le diagnostic est fait par culture cellulaire sur prélèvement local, PCR sur premier jet d’urine voire par sérologie qui est toujours positive dans ce cas. Le traitement fait appel aux cyclines ou aux macrolides pendant 21 jours ; si les adénites sont suppurées, il faut les ponctionner afin d’éviter la fistulisation.
Remarque : rappelons la nécessité pour toutes les IST de dépister et de traiter les partenaires du patient.

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Full access? Get Clinical Tree

