9: Principes et techniques de réparation des pertes de substance cutanées de la face et du cou

Chapitre 9 Principes et techniques de réparation des pertes de substance cutanées de la face et du cou


Les grandes reconstructions : lambeaux pédiculés et lambeaux microanastomosés





Introduction


La chirurgie réparatrice des pertes de substance cutanées peut faire appel aux techniques de réparation par lambeaux complexes mono- ou pluritissulaires. Ces lambeaux prélevés à distance sont multiples, aux caractéristiques propres variables, permettant de répondre au cas par cas aux besoins de réparation en termes de type tissulaire, volume, localisation anatomique et ainsi de restaurer au mieux les composantes cosmétique et fonctionnelle. Les pertes de substance cutanées de la région cervicofaciale peuvent également intéresser les tissus adjacents osseux (mandibule, maxillaire, orbite), musculaires, muqueux et nécessitent dans ce cas des réparations par lambeaux composites.


En cas de transfert tissulaire libre, il est nécessaire de réaliser des anastomoses artérielles et veineuses entre le pédicule du lambeau prélevé et des vaisseaux du cou. Il est essentiel de s’assurer en préopératoire de la qualité des vaisseaux au niveau de la région cervicale et du site de prélèvement tissulaire, particulièrement chez les patients à risque d’athérosclérose, nécessitant un examen clinique rigoureux et des examens complémentaires. Une échographie-Doppler est le plus souvent réalisée en région cervicale et un bilan vasculaire spécifique doit être demandé en fonction de la région du prélèvement tissulaire. Il est parfois important d’évaluer le risque de séquelles d’un site donneur en fonction de l’activité du patient, pouvant ainsi modifier le choix du lambeau. Les lambeaux pédiculés ou microanastomosés peuvent être effectués chez des patients aux antécédents de radiothérapie, et la radiothérapie en postopératoire ne compromet en rien la vitalité du lambeau.


L’utilisation des lambeaux microanastomosés en chirurgie reconstructrice cervicofaciale nécessite une formation spécifique et une prise en charge rigoureuse par des équipes spécialisées et expérimentées. Les interventions s’effectuent généralement en double équipe, l’une en charge de l’exérèse tumorale et l’autre de la reconstruction afin de diminuer la durée de l’intervention.



Définitions et principes des lambeaux en chirurgie reconstructrice




Lambeaux microanastomosés


Le principe est de prélever un ou plusieurs tissus (fascia, peau, muscle, os) reliés à un même pédicule nourricier qui est sectionné le plus souvent à son origine pour être ensuite réanastomosé sur des vaisseaux receveurs de la région cervicale. Il est donc essentiel d’évaluer la qualité des vaisseaux receveurs et donneurs garants d’une bonne vitalité postopératoire du lambeau. Les anastomoses vasculaires (figures 9.19.4) sont réalisées sans tension en terminoterminal ou terminolatéral en fonction des possibilités locales, les pontages veineux en cas d’insuffisance de longueur du pédicule étant finalement rarement nécessaires. Les tissus prélevés sont ainsi utilisés pour la réparation de la perte de substance. Les lambeaux microanastomosés répondent généralement idéalement aux besoins tissulaires parfois multiples (lambeaux composites). Le nombre et la variété des lambeaux microanastomosés constituent un véritable arsenal thérapeutique en chirurgie reconstructrice cervicofaciale. Dans ce chapitre où il est question de reconstruction cutanée, les lambeaux employés à cet effet sont décrits, de même que ceux utilisés pour les reconstructions cutanées étendues aux structures adjacentes, notamment osseuses : lambeau antébrachial ou chinois, lambeau antérolatéral de cuisse, lambeau de grand droit de l’abdomen, lambeau de fibula, lambeaux de la région scapulodorsale et lambeau (gastro)épiploïque.







Lambeau de grand pectoral (imagecas clinique e9.1)




Il s’agit d’un lambeau musculaire pur ou musculocutané pédiculé qui reste largement employé en chirurgie reconstructrice cervicofaciale en raison de sa facilité de prélèvement et de sa fiabilité. Les indications sont néanmoins actuellement moins fréquentes en raison de l’émergence et de la variété des lambeaux microanastomosés répondant aux spécificités de chaque perte de substance. Ce lambeau est utilisé en région cervicale, dans un but de protection muqueuse et/ou vasculaire, voire de reconstruction d’une perte de substance cutanée ou musculocutanée cervicale.




Technique opératoire





Prélèvement du lambeau











Lambeau antébrachial (imagecas cliniques e9.2, e9.3 et e9.4)






Le lambeau antébrachial, également appelé lambeau chinois, a été décrit en 1981 en Chine par Yang et al. [1]. Il s’agit d’un lambeau fasciocutané prélevé au niveau de la face antérieure de l’avant-bras dont la vascularisation est assurée par le pédicule radial. La surface cutanée prélevée est adaptée à la perte de substance et peut correspondre au maximum à la quasi-totalité de l’avant-bras en dehors d’une bande cutanée du bord ulnaire systématiquement préservée. Il s’agit du lambeau microanastomosé le plus fréquemment utilisé en reconstruction cervicofaciale en raison de ses indications multiples, de sa facilité de prélèvement, de sa fiabilité, de sa plasticité et du peu de séquelles engendrées au niveau du site donneur.





Technique opératoire





Prélèvement du lambeau


Le prélèvement du lambeau peut être mené sous garrot pneumatique, à 250 mmHg, après avoir vidé le bras par une bande d’Esmach.


L’incision cutanée est pratiquée selon le dessin du lambeau prenant une palette distale et rejoignant le pli de flexion du coude. La dissection sous-cutanée est faite dans le plan du fascia superficialis, avec repérage de la veine superficielle céphalique (figure 9.10), située juste en dessous du fascia superficialis, qui est disséquée et laissée pédiculée au lambeau.



Le pédicule radial peut être repéré en distal (figure 9.11) entre les tendons des muscles fléchisseur radial du carpe et brachioradial.



La dissection sous- ou sus-fasciale est stricte en partant du bord ulnaire du lambeau (figure 9.12) jusqu’au niveau des muscle et tendon du grand palmaire (le périmysium doit absolument être respecté pour permettre un plan de glissement entre les tendons et la greffe ultérieure), puis la dissection est réalisée de la même manière en partant du bord radial jusqu’au niveau des muscle et tendon du brachioradial (figure 9.13) – repérer à ce niveau le rameau sensitif du nerf radial qui se divise à hauteur du poignet en deux ou trois branches qui doivent être préservées (voir figure 9.6).




La dissection se poursuit en passant sous le pédicule radial entre les tendons et muscles fléchisseur radial du carpe et brachioradial, la face antérieure du pédicule étant très au contact de ce dernier dans sa partie distale. Il est essentiel pendant ce temps de préserver tout le méso reliant le pédicule à la palette fasciocutanée qui contient les perforantes vascularisant le lambeau. Le pédicule est ensuite poursuivi de la partie distale vers la partie proximale en liant les perforantes vasculaires à destinée musculaire (figure 9.14). La dissection est menée jusqu’à l’origine de l’artère radiale, repérant ainsi les artères brachiale et ulnaire (figure 9.15). Le réseau veineux profond (deux veines radiales) communique avec la veine céphalique par la veine communicante postérieure (figure 9.16), qu’il est essentiel de préserver afin de pouvoir obtenir un drainage veineux efficace et complet (superficiel et profond) par la veine céphalique qui correspondra au site ultérieur de l’anastomose veineuse.





La levée du garrot est effectuée en clampant l’extrémité distale du pédicule radial permettant de contrôler la bonne vascularisation distale de la main par le réseau ulnaire. Le pédicule peut maintenant être lié et sectionné en distal (figure 9.17), laissant le lambeau uniquement fixé par l’artère radiale et la veine céphalique (figure 9.18).




On vérifie soigneusement l’hémostase, et on met en place un drain et fermeture du fascia du muscle fléchisseur radial du carpe au muscle brachioradial dans sa partie proximale. L’avant-bras est fermé en deux plans et une greffe dermoépidermique est prélevée sur la cuisse et mise en place au niveau de la perte de substance antébrachiale correspondant à la surface de la palette cutanée du lambeau (figure 9.19). Le lambeau peut être laissé au niveau du bras, permettant d’être vascularisé en attendant son sevrage, effectué au moment de la reconstruction (figure 9.20). Sevrage du lambeau par section de son artère radiale et de la veine céphalique (figure 9.21).





Le pansement du bras comprend vaseline, pansement gras, compresses, bande et attelle postérieure à but antalgique, et l’immobilisation du poignet sera laissée en place une semaine.



Complications et séquelles du site de prélèvement


Les complications et séquelles éventuelles du site de prélèvement du lambeau antébrachial sont en pratique relativement rares.








Lambeau antérolatéral de cuisse


Ce lambeau plus récent, décrit par Baek en 1983 [2], est un lambeau fasciocutané ou myocutané qui peut être prélevé en lambeau classique ou lambeau perforant en fonction des besoins ou des impératifs de dissection du pédicule vasculaire qui comporte plusieurs variantes anatomiques. Son intérêt dans les reconstructions cervicofaciales a été largement démontré par Hayden [3]. Il est principalement utilisé dans les reconstructions de la cavité orale, de l’hypopharynx et peut être proposé en reconstruction cutanée cervicofaciale (lèvre, joue, cuir chevelu), avec au besoin une possibilité de réinnervation sensitive par le nerf cutané fémoral. En comparaison au lambeau antébrachial, il bénéficie d’une faible morbidité en raison de la fermeture cutanée directe du site donneur, mais il présente l’inconvénient de variations anatomiques concernant son pédicule vasculaire et, surtout, d’un encombrement spatial et d’une plasticité moindres en raison de l’épaisseur de son panicule adipeux.





Technique opératoire





Apr 27, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 9: Principes et techniques de réparation des pertes de substance cutanées de la face et du cou

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