Chapitre 9 Innovations en imagerie du sein
L’imagerie mammaire connaît depuis quelques années de nouveaux développements que ce soit dans les domaines des rayons X, de l’échographie et de l’IRM. D’autres techniques comme la médecine nucléaire (scintimammmographie, TEP dédiée sein) permettent aussi de détecter ou caractériser des lésions tumorales infracliniques. Enfin, des domaines de recherche comme l’imagerie optique trouvent des applications en imagerie du sein. La plupart de ces méthodes sont orientées sur l’évaluation fonctionnelle des tumeurs comme l’étude de l’angiogenèse tumorale. Nous décrivons dans cet article les principaux nouveaux développements en imagerie mammaire.
Nouveaux développements en mammographie
Angiomammographie
L’apparition récente de la mammographie numérique plein champ permet d’envisager de nouvelles applications que l’utilisation classique du couple écran–film avait jusqu’à présent exclues. L’objectif de l’angiomammographie est comme en IRM mammaire ou en scanner mammaire de détecter, après injection d’un produit de contraste iodé, une prise de contraste tumorale. La technique développée aujourd’hui est l’angiomammographie en double énergie ou mammographie spectrale.
En pratique, la patiente est perfusée au pli du coude ou au poignet, avec un long raccord ; on injecte un produit de contraste iodé identique à celui utilisé en scanner (300 mg/mL d’iode) à la dose de 1,5 mL/kg avec un injecteur automatique. Le mammographe est programmé en mode acquisition double énergie, et l’acquisition des clichés se fait classiquement aux alentours de 2 minutes pour la première incidence. Ensuite les clichés sont acquis dans la foulée, comme pour une mammographie bilatérale classique avec deux incidences (face et oblique) par sein. Des clichés de haute et basse énergie sont réalisés simultanément, l’intervalle de temps entre les deux énergies est de 1 seconde. Les images sont ensuite transférées sur une console dédiée où la recombinaison des clichés de haute et basse énergie peut être effectuée. Sur les systèmes commercialisés actuellement, l’image recombinée peut être réalisée directement sur le mammographe.
Comme il n’y a pas d’information cinétique, l’analyse des images se fait essentiellement sur la morphologie et la distribution du rehaussement de contraste dans le sein. L’image de basse énergie est équivalente à une mammographie numérique normale, et l’image recombinée permet une analyse fonctionnelle du rehaussement. Une image suspecte est classiquement rehaussée intensément avec des contours irréguliers ou spiculés, alors qu’une image bénigne est peu ou pas rehaussée, avec des contours réguliers. Une étude évaluant 142 lésions chez 120 femmes a permis de montrer que l’angiomammographie associée à la mammographie avait des performances diagnostiques significativement supérieures par rapport à la mammographie numérique seule, et également supérieures mais non significativement par rapport à la mammographie combinée à l’échographie [1].
Les indications de l’angiomammographie sont calquées sur certaines indications de l’IRM mammaire :
• impasses diagnostiques en imagerie conventionnelle (fig. 9.1) : images vues sur une seule incidence, distorsions architecturales, asymétrie de densité, etc. ;
• bilan d’extension de certains cancers du sein (fig. 9.2 et 9.3) : risque néanmoins de faux négatifs en cas de cancer lobulaire infiltrant ou carcinome intracanalaire, donc il faut privilégier le bilan d’extension des cancers canalaires infiltrants ;
• recherche de récidive après traitement conservateur d’un cancer du sein ;
• évaluation de la réponse tumorale à la chimiothérapie néoadjuvante.
Fig. 9.2 Femme 48 ans. Cancer canalaire infiltrant de l’union des quadrants supérieurs du sein gauche.
Fig. 9.3 Femme 45 ans. Cancer lobulaire infiltrant multifocal du sein gauche.
Les seins sont de densité 4. Une asymétrie de densité est visible en rétro-aréolaire gauche (a).
L’angiomammographie (b) met en évidence des prises de contraste nodulaires multiples à gauche.
Les avantages de cette technique sont :
• une analyse facile et rapide des images, et une comparaison facile à la mammographie (mêmes incidences) ;
• la possibilité de réaliser l’examen immédiatement après la mammographie–échographie, et un accès facilité par rapport à l’IRM.
Les inconvénients et limites de l’angiomammographie sont :
• une technique irradiante par rapport à l’IRM ;
• un risque faible mais réel d’allergie aux produits de contraste iodés, comme lors de toute injection intraveineuse de produits de contraste iodés.
Tomosynthèse mammaire
La tomosynthèse mammaire est un autre développement de la mammographie numérique. L’image mammographique conventionnelle est une projection en deux dimensions de l’ensemble du volume mammaire composé de structures anatomiques normales et d’éventuelles lésions bénignes ou malignes. Toutes ces structures se superposent sur l’image bidimensionnelle. La tomosynthèse rend possible l’exploration de ce volume mammaire par plans successifs reconstruits. Elle permet la reconstruction d’images mammographiques 3D à partir d’un ensemble de projections du sein acquises sous différents angles de vue : de 11 à 40° d’angulation selon les différents constructeurs (fig. 9.4). Il devient alors possible de visualiser les tissus mammaires entrant dans la composition d’un plan de reconstruction donné, en s’affranchissant au maximum de la contribution à l’image des structures mammaires sus- et sous-jacentes. Les données sont reconstruites typiquement tous les 1 mm permettant l’obtention d’environ 50 coupes pour un sein comprimé de 5 cm d’épaisseur (voir fig. 9.4). Les images reconstruites peuvent alors être visualisées individuellement ou en mode cinédynamique sur une console dédiée. Étant donné que les images sont acquises avec des angulations différentes, elles sont typiquement obtenues sans grille. Cet inconvénient apparent est compensé par un meilleur contraste de la mammographie numérique par rapport à l’imagerie analogique [2]. Cette technique fournit une reconstruction tridimensionnelle du sein pour une dose égale à celle de trois clichés de mammographie numérique standard. Plusieurs constructeurs proposent des produits commerciaux. Les expériences cliniques les plus récentes ont également montré que la tomosynthèse, en éliminant l’effet de superposition des tissus, permet une meilleure différenciation entre les lésions bénignes et les lésions malignes que la mammographie conventionnelle et améliorerait donc la spécificité de la mammographie numérique [3]. Par ailleurs, plusieurs études en dépistage ont montré l’intérêt de la tomosynthèse pour la détection de lésions malignes dans des seins denses [4].
Fig. 9.4 Schéma expliquant le principe de la tomosynthèse en mammographie.
Les images obtenues sont reconstruites en coupes de 1 mm puis fusionnées en 3D.
En pratique, les distorsions ou les lésions suspectes faiblement contrastées dans les seins denses peuvent apparaître plus facilement que sur un cliché de mammographie numérique standard (fig. 9.5 et 9.6). Les microcalcifications apparaissaient dédoublées et floues sur les premiers systèmes, mais les mammographes équipés les plus récents permettent une bonne analyse morphologique des microcalcifications. Elles apparaissent cependant plus contrastées que sur les clichés de mammographie numérique, ce qui pourrait majorer le risque de prendre des microcalcifications poussiéreuses malignes pour des images plus rassurantes.
Néanmoins le positionnement de la tomosynthèse dans la chaîne diagnostique n’est pas encore clair aujourd’hui : faut-il acquérir des images de tomosynthèse sur deux incidences ou une seule ? Peut-on faire la tomosynthèse sur une seule incidence et conserver un cliché de mammographie standard ? De larges séries prospectives sont nécessaires encore pour positionner la technique. Le futur sera probablement à la reconstruction d’une mammographie 2D avec la même qualité que la mammographie numérique actuelle à partir d’une acquisition tridimensionnelle, et avec la même irradiation ou inférieure à celle d’une mammographie numérique standard [5].
Enfin, une des perspectives de la mammographie numérique est de bénéficier en un seul examen des avantages des deux précédentes techniques. L’angiomammographie 3D consiste en l’acquisition de couples d’images de basse et de haute énergie sous différentes incidences après injection intraveineuse de produit de contraste. Les patientes pourraient alors bénéficier d’un examen très accessible, peu onéreux, avec pour conséquence immédiate un diagnostic plus précoce. Pour l’instant, cette technique combinée est à l’état de recherche.