Chapitre 9 Échographie obstétricale à la fin du 1er trimestre de la grossesse
Dépistage précoce des aneuploïdies
Étude de la clarté nucale
Le marqueur le plus performant pour le dépistage échographique précoce de la trisomie 21 est la mesure de la clarté nucale (CN). Cette mesure est réalisée en pratique courante depuis une dizaine d’années en échographie et correspond à l’espace liquidien sous-cutané situé en arrière de la tête fœtale, dans la région occipitale. Cet espace est mesurable quasiment chez tous les fœtus dont l’âge gestationnel est compris entre 11 et 14 SA. Il correspond à un phénomène transitoire [1], pouvant totalement régresser après 14 SA du fait du développement des tissus sous-cutanés. Cette CN subit des variations physiologiques, mais devient pathologique au-delà d’un certain seuil et il existe une corrélation entre l’épaisseur de la CN et l’existence d’une aneuploïdie [2–4].
Différents mécanismes physiologiques peuvent être impliqués [5] :
Technique de mesure de la clarté nucale
La CN évolue avec l’âge gestationnel donc avec la longueur craniocaudale (LCC). Pour chaque mesure de la LCC, l’évaluation de la CN représente un risque spécifique d’aneuploïdie qui élève le risque de base théorique lié à l’âge maternel. Plus la CN est importante, plus le risque d’aneuploïdie ou d’anomalies morphologiques augmente.
L’âge idéal pour la mesure de cette CN est compris entre 11 et 13 SA + 6 jours, soit une LCC comprise entre 45 et 84 mm ; au-delà de ces dates, la mesure n’est pas valide.
Des critères de réalisation ont été établis de façon à optimiser cette mesure et à la rendre reproductible [6, 7] :
Fig. 9.4 Profil fœtal à 12 SA. Technique de mesure de la clarté nucale, position des callipers. OPN présents.
À l’issue de son examen, il est souhaitable que l’échographiste évalue son score d’Hermann, utile pour l’évaluation du risque de trisomie 21 par les marqueurs sériques (voir Chapitre 10, « Principales anomalies chromosomiques »).
La mesure de la CN est exprimée en dixièmes de millimètre et en percentiles. Le 99e percentile est aux alentours de 3,5 mm quel que soit l’âge gestationnel [8] (fig. 9.5).
Les plus récentes études objectivent un taux d’aneuploïdie de 19,2 % pour une CN supérieure au 95e percentile pour une LCC comprise entre 45 et 84 mm [9].
Hygroma kystique
Il s’agit d’une anomalie fœtale précoce avec malformation du système lymphatique responsable d’une accumulation importante de lymphe dans la région sous-cutanée occipitale et latérocervicale. Il en résulte une épaisseur très importante de la nuque avec un cloisonnement médian sur les coupes transversales (fig. 9.6).
L’association à une aneuploïdie est d’environ 50 %, regroupant préférentiellement les syndromes de Turner (45,X0), les trisomies 21 et les trisomies 18. Dans 50 % des cas il n’existe pas d’anomalie chromosomique, mais une pathologie associée, le plus souvent cardiaque ou squelettique qui doit alors être recherchée de façon systématique et attentive. Les fœtus porteurs d’hygroma kystique ont douze fois plus de risques d’avoir une pathologie associée (chromosomique ou malformative), que les fœtus présentant une CN épaisse [10] et six fois plus de risque de mort fœtale in utero ou de décès néonatal.
Pronostic des clartés nucales à caryotype normal
Les études rapportent un taux de retard intellectuel de 0 à 8,7 % chez les enfants ayant présenté une hyperclarté nucale à caryotype normal pendant la grossesse [11–13], mais restent encore très discordantes. Il semble actuellement que, pour les fœtus dont le caryotype est normal et qui ne présentent pas d’anomalie morphologique associée, le pronostic à 2 ans soit favorable [14].
Os propres du nez
Il existe une relation étroite entre l’absence de visualisation des os propres du nez (OPN) au 1er trimestre et l’existence d’une trisomie 21. Sur une étude de 700 fœtus, Cicero et al. [15] ont montré une absence de visualisation des OPN au 1er trimestre chez 73 % des fœtus porteurs d’une trisomie 21 et chez seulement 0,5 % des fœtus normaux.
La visualisation des OPN s’effectue sur une coupe sagittale du profil fœtal occupant les trois quarts de l’écran (voir fig. 9.4 et fig. 9.7). En pratique, il s’agit d’une coupe parfois difficile à obtenir et le repérage des OPN intervient dans les examens de seconde intention, par des échographistes entraînés, dans le cadre du dépistage des populations à risque.
Enregistrement de ductus venosus
L’enregistrement du ductus venosus (ou canal d’Arantius) peut se faire au cours de l’échographie du 1er trimestre, mais la technique requiert une expérience et une formation particulières qui ne permettent pas d’intégrer cet examen en routine. Son intérêt reste limité à un examen de seconde intention, dans les populations à risque élevé d’aneuploïdie ou en cas d’hyperclarté nucale.
Le ductus venosus assure un passage de sang oxygéné de la veine ombilicale vers l’oreillette droite en court-circuitant le foie. Le spectre normal enregistré est un spectre triphasique. Le spectre est pathologique lorsqu’il existe un reverse flow contemporain de la contraction auriculaire (fig. 9.8).