CHAPITRE 8 Le torticolis, étymologiquement « cou tordu » (tortum collum), est une attitude anormale de la tête et du cou qui impose un bilan clinique et paraclinique à la recherche d’une étiologie. Il existe divers types de torticolis, oculaires ou non oculaires. Les torticolis non oculaires, qui ne sont pas abordés dans ce chapitre, sont de type orthopédique (muscle, vertèbre), vestibulaire, neurologique, médicamenteux [3]. Les torticolis oculaires vont dépendre de l’obtention d’une amélioration visuelle, qui peut être : – monoculaire : augmentation de l’acuité visuelle ; – binoculaire : développement ou recherche d’une stéréoscopie ; – motrice : recherche d’une moindre déviation dans une paralysie en sachant que la position du torticolis, plus ou moins permanente, résulte d’un compromis entre l’amélioration visuelle et l’inconfort de la position cervicale qui elle-même dépend de l’anatomie des vertèbres cervicales. – les antécédents personnels : accouchement, déroulement de la période néonatale, pathologie déjà connue (aberration chromosomique, maladie de système, etc.), facteurs de risque vasculaire (diabète, hypertension artérielle), dysthyroïdie, absorption de neuroleptiques, etc. ; – les antécédents familiaux : hérédité de désordres oculomoteurs. Ils sont importants à préciser car ils peuvent être évocateurs de certaines pathologies. Ce sont : – l’âge et le mode d’apparition du torticolis ; – le caractère constant ou intermittent de l’attitude ; – les circonstances déclenchantes ou d’apparition (traumatisme, prise de médicaments, contexte pathologique connu, etc.) ; – les aspects douloureux ou non du torticolis ; – le caractère isolé du torticolis ou accompagné de signes essentiels à dépister : diplopie, troubles de l’équilibre, céphalées, troubles de la vision, de l’écriture et du relief. L’inspection permet une évaluation globale du patient. Il peut être horizontal, vertical ou torsionnel, avec des composantes souvent intriquées. On peut évaluer le degré du torticolis horizontal et l’inclinaison de la tête (fig. 8-1) : Fig. 8-1 Évaluation du degré du torticolis dans le plan horizontal. – inspecter le sujet de face, de dos : on étudiera la morphologie globale de l’enfant (tête, cou, face et globes oculaires) ; – effectuer une palpation du muscle sterno-cléido-occipitomastoïdien (SCOM) à la recherche d’une contracture, de points douloureux au niveau des apophyses épineuses, des muscles antérieurs et postérieurs du cou ; cet examen pourra orienter le sujet vers un avis orthopédique ; – rechercher la variabilité du torticolis selon le muscle atteint, l’œil fixateur, la fatigabilité ; – rechercher l’ancienneté à l’aide d’anciennes photographies du sujet ; – examiner le patient dans sa position inverse de torticolis. Il comprend (cf. chapitre 11 « Méthodes d’examen ») : – l’étude de l’acuité visuelle. Le torticolis peut être induit par la fixation d’un œil en particulier ou n’apparaître que les deux yeux ouverts ; dans ce cas, l’utilisation de la vision binoculaire ou sa recherche peuvent être incriminées. – l’examen de la sensorimotricité [16] ; – l’examen du globe oculaire : il permet d’éliminer toute pathologie organique responsable d’un torticolis et/ou d’un strabisme associé ; – des photographies du torticolis et du fond d’œil (rétinophotographie : torsion). Actuellement, les méthodes classiques utilisées pour mesurer le torticolis sont : – l’étude clinique ophtalmologique et orthoptique : méthode subjective, peu reproductible et peu fiable dans le temps ; – le torticolimètre de Gracis, mesurant l’angle du torticolis par rapport au cou, uniquement dans le sens de la rotation droite-gauche [8] ; mais les déformations cervicales d’origine oculaire sont à majorité en inclinaison associée à des rotations : il n’y a pas de rotation pure ; ce qui explique les limites de cette mesure ; – la mesure à partir de photographies : Goddman propose une mesure en degré de l’inclinaison de la tête à partir de photographies des patients ; la valeur de l’angle formé par la ligne médiane de la face et la verticale de la photographie mesure le torticolis [7]. Plus récemment, une équipe coréenne a mis au point un système de mesure et d’évaluation des torticolis à partir de la Nintendo Wii. Cette nouvelle méthode est comparée au Cervical Range of Motion (CROM) examen de référence utilisé pour leur mesure du torticolis [10]. Deux manettes infrarouges (Wii) réceptrices, fixées parallèlement sur un support plan, sont reliées par Bluetooth à une balise infrarouge émettrice fixée sur le front du patient. Ce système permet de mesurer de manière simple, reproductible et à moindre coÛt les mouvements de la tête dans trois dimensions : flexion/extension, rotation, inclinaison. Cette étude a montré l’équivalence d’efficacité entre les deux méthodes. Cet examen se terminera si besoin par une radiographie simple du rachis cervicodorsal (face et profil), du crâne, de la face, avec orientation vers une consultation orthopédique (fig. 8-2). Fig. 8-2 Radiographie de la colonne vertébrale dans une paralysie du IV congénitale gauche. On note une attitude scoliotique de compensation : le bassin est horizontal, la ceinture scapulaire lutte pour être quasi horizontale et entraîne une contre-courbure lombothoracique qui va compenser la courbure cervicale dans le plan frontal. Au terme de ce premier examen, on peut souligner : – l’importance de l’examen ophtalmologique clinique, aidé du bilan orthoptique, qui peut à lui seul orienter d’emblée vers l’étiologie et permettre d’établir un projet thérapeutique et un pronostic dans la plupart des cas ; – la gravité potentielle des conséquences du torticolis par la répercussion sur la croissance de l’enfant (crâne, face, dentition, vertèbres cervicodorsales, muscles du cou) et sur la statique vertébrale chez l’adulte. En d’autres termes, le torticolis est lui-même responsable d’une pathologie qui lui est propre, orchestrée par l’anatomie des structures cervicales qu’il va falloir aussi prendre en charge. Ceci explique l’importance de la collaboration avec les kinésithérapeutes et les ostéopathes pour obtenir la meilleure prise en charge thérapeutique pluridisciplinaire possible. Les torticolis abordés ici (tableau 8-I) sont classés en torticolis d’origine réfractive, torticolis dus aux strabismes, torticolis dus à une impotence, torticolis dus aux nystagmus, torticolis dus à une cause orbitaire. Tableau 8-I Étiologie des torticolis oculaires. Lorsqu’un astigmatisme est non corrigé ou mal corrigé (cylindre mal réglé ou verre qui a tourné dans une monture ronde), le sujet adopte une position de torticolis de meilleure acuité visuelle en utilisant le méridien cornéen le moins astigmate. La correction dans le bon axe fait disparaître ou améliore ce type de torticolis [14]. Dans ce type de strabisme, l’interruption de la maturation et de la symétrisation du système optomoteur se manifeste par une dérive nasale. Cette dérive nasale va générer des signes d’attraction vers l’adduction presque pathognomoniques du strabisme précoce qui vont avoir des conséquences importantes sur la position de la tête (cf. « I – Syndrome de strabisme précoce » au chapitre 12). Ce syndrome (forme acquise du strabisme précoce) s’observe chez les nourrissons présentant une cécité monoculaire ou une amblyopie organique unilatérale congénitale interrompant précocement les connexions binoculaires et donc la symétrisation du système optomoteur (cf. « I – Syndrome de strabisme précoce » au chapitre 12).
Torticolis d’origine oculaire
Examen d’un torticolis
EXAMEN CLINIQUE
INTERROGATOIRE
Antécédents du sujet
Caractères propres
INSPECTION
Configuration du torticolis
Degré
a. Absence. b. Minime : 5° à 10°. Modéré : 10° à 15°. Sévère : 15° à 30°. c. Très sévère > 30°.
Spécificité de l’examen du sujet avec torticolis
BILAN CLINIQUE
MESURE DU TORTICOLIS
RADIOGRAPHIES
AU TERME DE L’EXAMEN CLINIQUE
Torticolis d’origine réfractive
Astigmatisme
Correction optique
Torticolis et strabisme
Strabisme précoce
Syndrome du monophtalme congénital
Déviation alphabétique
Torticolis et impotence musculaire
Paralysies oculomotrices neurogènes
Paralysie monoculaire des deux élévateurs
Atteintes oculomotrices myogènes et fibroses
Torticolis et nystagmus
Nystagmus congénital
Nystagmus acquis
Torticolis et cause orbitaire
Malformation orbitaire mineure
Malformation orbitaire majeure
Torticolis d’origine réfractive
ASTIGMATISME
Torticolis et strabisme
SYNDROME DU STRABISME PRÉCOCE
SYNDROME DU MONOPHTALME CONGÉNITAL
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