Chapitre 8
Pathologies génitales
8.1
Anomalies des organes génitaux externes
L’examen des organes génitaux externes (OGE) au cours des échographies de dépistage du 2e et du 3e trimestre de la grossesse présente un intérêt qui dépasse celui de satisfaire la curiosité légitime des parents concernant le sexe de l’enfant à naître. À côté des anomalies isolées des OGE dont l’évaluation nécessite un recours en urgence à un centre de diagnostic prénatal spécialisé, les anomalies des OGE s’intègrent dans une multitude de syndromes polymalformatifs.
Embryologie du déterminisme sexuel et de la formation des organes génitaux externes
La transformation des canaux génitaux indifférenciés (canaux de Wolf et canaux de Müller) en canal génital mâle ou femelle est déterminée par les gonades. Les cellules de Sertoli du testicule produisent de l’hormone anti-müllérienne (AMH) et les cellules de Leydig de la testostérone. L’AMH provoque une résorption des canaux de Müller. La testostérone transforme les canaux de Wolf en épididyme, canaux déférents et vésicule séminale induisant ainsi la formation des organes génitaux mâles. La testostérone est réduite dans le cytoplasme des cellules cibles par la 5α-réductase en dihydrotestostérone (DHT) qui peut alors se lier aux récepteurs aux androgènes pour exercer ses effets. À l’inverse, les organes femelles se constituent comme suit : en l’absence de testostérone, les canaux de Wolf se résorbent et en l’absence d’AMH les canaux de Müller sont conservés et se développent pour former les trompes, l’utérus et la partie haute du vagin.
Écho-anatomie normale des organes génitaux externes
Plusieurs publications ont démontré qu’il était possible de déterminer le phénotype sexuel dès la fin du 1er trimestre à partir d’une coupe sagittale stricte du fœtus dont l’axe est perpendiculaire à l’axe de propagation des ultrasons, en étudiant l’orientation du tubercule génital par rapport à l’axe de la colonne [1, 2]. La précision de la détermination du sexe fœtal passe d’environ 70 % à 11 semaines pour dépasser 90 % à 13 SA. Initialement proposé pour réserver un geste ovulaire invasif aux fœtus mâles dans les familles à risque pour les génopathies liées à l’X, cette approche n’est d’aucune utilité depuis le développement du sexing fœtal non invasif par amplification de SRY sur sang maternel dès 7 SA [3].
À partir du 2e trimestre, l’étude échographique des OGE est possible en dehors des situations particulières d’examen (position fœtale défavorable, mauvaise transmission acoustique). Les sources d’erreur demeurent cependant possibles, invitant à un contrôle systématique au 3e trimestre. Chez le garçon, le diagnostic est le plus souvent facile, mettant en évidence la verge et les bourses. Cependant, au 2e trimestre, les bourses sont petites et vides pouvant conduire à une erreur diagnostique si la verge n’est pas correctement visualisée. Il existe des données biométriques pour le périmètre des bourses et surtout la longueur de la verge [4, 5]. Cette dernière mesure n’est valide que si elle prend en compte toute la longueur des corps caverneux. Dans les cas où la verge paraît courte ou coudée, il est important de s’efforcer de suivre le trajet de l’urètre en coupe sagittale ce qui est devenu plus facile en mode harmonique, en particulier en hautes fréquences. Enfin, un couplage en mode couleur en flux lents pourra permettre de visualiser à la partie terminale de l’urètre l’origine du jet urinaire et ainsi compléter l’analyse anatomique des cas avec suspicion d’hypospadias. Chez la fille, en coupe coronale, on visualise les petites lèvres et les bourrelets des grandes lèvres réalisant une image en trident. Le mode volumique de surfaçage pourra, si les conditions d’examen le permettent, compléter l’analyse anatomique en cas de doute sur une anomalie des OGE. Enfin, en particulier chez la fille, un examen attentif du pelvis complètera l’analyse du cas (cf. le chapitre suivant Images anormales du pelvis).
Circonstances du diagnostic et conduite pratique en prénatal
Le cas le plus simple est celui d’une famille à risque de récidive pour une maladie génétique ou syndromique comportant une anomalie des OGE. Il s’agit en particulier des cas avec risque de virilisation pour un fœtus féminin. Dans cette situation, un conseil génétique préalable à la grossesse est indispensable. Parmi les outils disponibles à la surveillance et la prise en charge prénatale, la recherche de SRY dans le sang maternel dès 6–7 SA a contribué à améliorer la prise en charge de ces couples [6]. Certaines affections, telle l’hyperplasie congénitale des surrénales, pourront bénéficier d’un traitement prénatal avec pour objectif la diminution du risque de virilisation d’un fœtus féminin. Pour cette pathologie, de la dexamethasone est donnée à la mère dès 6 SA et confirmation d’un fœtus féminin. Une biopsie de trophoblaste ne sera réalisée qu’en cas de fœtus féminin et le traitement interrompu si le fœtus n’est pas porteur de la mutation. Dans tous les autres cas, l’examen des OGE participera à la recherche prénatale d’une récidive éventuelle d’une pathologie génétique ou syndromique impliquant les OGE.
Anomalies des organes génitaux externes chez le garçon
Chez le garçon, la suspicion d’anomalie des OGE est en pratique accessible à partir de 15-16 SA. En cas de suspicion d’OGE anormaux, la précision de l’évaluation prénatale (incluant l’échographie) est voisine de 100 % alors que la pertinence d’un tel diagnostic est inférieure à 50 % chez la fille [7]. Les anomalies peuvent concerner la verge (anomalie de forme ou de longueur, angulation anormale), le trajet et l’abouchement de l’urètre ou les bourses et leur contenu.
Anomalies des bourses
L’ectopie testiculaire est physiologique avant 32 SA : au moins un testicule est en place dans 7 %, 62 % et 98 % des cas respectivement à 23 SA, 28–32 SA et après 32 SA [5, 8]. Rappelons que, dans les cas d’ectopie bilatérale, un aspect de petit volume scrotal ne doit pas inquiéter outre mesure. Les cryptorchidies bilatérales au-delà de 32 SA ne nécessitent pas de bilan dès lors que le reste de l’examen morphologique est normal et que la verge a un aspect habituel.
Anomalie de la verge
• s’assurer du caractère isolé de l’anomalie (croissance fœtale, anomalies morphologiques autres) ;
• décrire l’anatomie de la verge en étudiant l’aspect de corps caverneux, le trajet de l’uretère en haute résolution en s’aidant éventuellement du Doppler couleur pour mettre en évidence un abouchement anormal du jet urinaire (cette étude impose de pouvoir réaliser des coupes sagittales strictes de la verge) ;
Le diagnostic le plus fréquent devant une verge paraissant plus courte et coudée est celui d’hypospadias. Son incidence varie suivant les séries de 0,2 à 4/1 000 naissances. Il correspond à un abouchement anormal de l’urètre à la face ventrale du pénis par défaut de fermeture de la gouttière urétrale antérieure. À l’échographie, il pourra être évoqué devant une verge paraissant courte et coudée dont l’extrémité est épatée (aspect en tulipe). Un trajet anormal de l’urètre peut être mis en évidence en haute résolution. Parfois, il est possible d’objectiver en Doppler couleur un trajet ventral anormal du jet urinaire. Dans les formes majeures avec absence complète de fermeture de la gouttière urétrale, la partie terminale de l’urètre pourra se situer à la limite du scrotum. Cette situation est souvent associée à un aspect bifide du scrotum conduisant à une présentation anatomique d’OGE ambigus. La découverte d’un hypospadias impose un bilan morphologique complet. Une anomalie uro-génitale est retrouvée dans environ 30 %. Une anomalie autre dans 5 à 10 % des cas. À noter que l’hypospadias est 3 à 4 fois plus fréquent en cas de retard de croissance intra-utérin [9]. Lorsqu’il est isolé avec deux testicules en place après 32 SA, il ne nécessite pas de bilan complémentaire [10].
Anomalies des organes génitaux externes chez la fille
Chez la fille, l’aspect inhabituel des OGE pourra concerner les lèvres et/ou le clitoris. Certaines anomalies peuvent être très difficiles d’approche en échographie. C’est en particulier le cas des fusions des grandes lèvres qui lorsqu’elles ne sont pas associées à une hypertrophie clitoridienne dans le cadre d’une virilisation. Elles pourront échapper à un examen de routine. L’hypertrophie clitoridienne peut parfois être difficile à apprécier. Quelques éléments de la conduite échographique de l’examen pourront cependant aider à l’analyse du cas : étude de l’abouchement du jet urinaire en Doppler couleur, mise en évidence du trajet urétral en haute résolution. Par ailleurs, dans l’attente des résultats de biologie moléculaire et de cytogénétique, d’autres éléments pourront orienter le diagnostic : aspect de fusion postérieur des grandes lèvres, aspect inhabituel des surrénales ayant perdu la différence d’échogénicité habituelle entre cortico- et médullosurrénale [11]. Quelques rares anomalies isolées des grandes lèvres ont été décrites : tumeurs, hydrocèle méconiale.
Références
[1] Whitlow, B. J., Lazanakis, M. S., Economides, D. L. The sonographic identification of fetal gender from 11 to 14 weeks of gestation. Ultrasound Obstet Gynecol. 1999; 13:301–304.
[2] Efrat, Z., Akinfenwa, O. O., Nicolaides, K. H. First-trimester determination of fetal gender by ultrasound. Ultrasound Obstet Gynecol. 1999; 13:305–307.
[3] Costa, J. M., Benachi, A., Gautier, E., Jouannic, J. M., Ernault, P., Dumez, Y. First-trimester fetal sex determination in maternal serum using real-time PCR. Prenat Diagn. 2001; 21:1070–1074.
[4] Johnson, P., Maxwell, D. Fetal penile length. Ultrasound Obstet Gynecol. 2000; 15:308–310.
[5] Achiron, R., Pinhas-Hamiel, O., Zalel, Y., Rotstein, Z., Lipitz, S. Development of fetal gender : prenatal sonographic measurement of the scrotum and evaluation of testicular descent. Ultrasound Obstet Gynecol. 1998; 11:242–245.
[6] Morel, Y., Tardy, V., Costa, J. M., Forest, M. G., David, M. 21 hydroxylase deficiency : new strategies emerging from molecular studies. Ann Endocrinol. 2003; 64:456–470.
[7] Cheikhelard, A., Luton, D., Philippe-Chomette, P., Leger, J., Vuillard, E., Garel, C., et al. How accurate is the prenatal diagnosis of abnormal genitalia ? J Urol. 2000; 164:984–987.
[8] Birnholz, J. C. Determination of fetal sex. New Engl J Med. 1983; 309:942–944.
[9] Fujimoto, T., Suwa, T., Kabe, K., Adachi, T., Nakabayashi, M., Amamiya, T. Placental insufficiency in early gestation is associated with hypospadias. J Ped Surg. 2008; 43:358–361.
[10] Devesa, R., Munoz, A., Torrents, M., Comas, C., Carrera, J. M. Prenatal diagnosis of isolated hypospadias. Prenat Diagn. 1998; 18:779–788.
[11] Saada, J., Grebille, A. G., Aubry, M. C., Rafii, A., Dumez, Y., Benachi, A. Sonography in prenatal diagnosis of congenital adrenal hyperplasia. Prenat Diagn. 2004; 24:627–630.
8.2
Images anormales du pelvis
Le pelvis ou bassin est divisé horizontalement par le détroit supérieur en grand bassin en haut et petit bassin en bas. Le grand bassin est occupé par des viscères abdominaux. Le petit bassin ou excavation pelvienne, plus étroit, contient d’avant en arrière la vessie, l’utérus et ses annexes chez le fœtus féminin, et le rectum.
Échographie du 1er trimestre (11–14 SA)
À ce terme, il est exceptionnel qu’une image anormale du petit bassin ne soit pas une image d’origine vésicale. Chez le fœtus normal, après quelques minutes d’attente si la vessie est vide, l’exploration échographique par voie abdominale ou endovaginale permet toujours de déceler la vessie fœtale normale car la production d’urine débute à 10 SA [1] et est continue. La vessie est repérable en coupe axiale ou sagittale sous forme d’une image liquidienne ovalaire centrée au niveau de la partie basse du pelvis, longée de chaque côté par les artères ombilicales toujours bien visibles en Doppler couleur.
Deux aspects anormaux sont possibles.
• Vessie non visible malgré une attente d’une dizaine de minutes : dans ce cas, l’existence des reins doit être affirmée. L’échographie sera répétée une semaine plus tard si le terme est trop précoce (11 SA) ou si les conditions sont défavorables.
– Si les reins sont en place et normaux une exstrophie vésicale est suspectée.
– Si les reins ne sont pas visibles (en excluant une ectopie), une agénésie rénale bilatérale est très probable et une séquence de Potter avec oligoamnios sévère puis anamnios apparaîtra dans les semaines suivantes lorsque le liquide amniotique est uniquement généré par les urines fœtales. Devant cette malformation létale une demande d’interruption médicale de la grossesse (IMG) par le couple sera recevable.
• Vessie trop volumineuse : mégavessie. La mégavessie du premier trimestre est définie par une vessie d’un diamètre longitudinal > 7 mm ou > 10 % de la longueur cranio-caudale (LCC) [2]. Son volume peut aller jusqu’à une masse occupant tout l’abdomen et comprimant diaphragme et thorax. Les différentes études donnent une prévalence moyenne de 1/1 800 grossesses.
Les principales étiologies sont :
• dans les deux sexes : les atrésies urétrales ;
• chez le garçon : les valves de l’urètre postérieur, le syndrome de Prune-Belly (les malformations cloacales sont exceptionnelles) ;
• chez la fille : les malformations cloacales, (le syndrome de Prune-Belly est exceptionnel).
• la présence hypothétique de valves de l’urètre postérieur entraînant une augmentation de la pression intravésicale jusqu’à un point critique où elles se déchirent ;
• un retard de la connexion entre l’urètre postérieur et l’urètre pénien ;
• le rôle de l’innervation autonome de la vessie qui survient seulement à la fin du 1er trimestre, la vidange active pourrait faire régresser la mégavessie s’il n’y a pas d’uropathie obstructive.
Le pronostic est très différent selon la taille de la mégavessie et le résultat du caryotype :
• les cas très sévères d’emblée avec une mégavessie envahissant l’abdomen et devenant sous-diaphragmatique sont létaux à court terme (figure 8.1) ;
Figure 8.1 Mégavessie à 14 SA comprimant le thorax, longée par les artères ombilicales. Les bassinets sont dilatés (flèches). (Clichés C. Lepinard)