8: PATHOLOGIE INFECTIEUSE

CHAPITRE 8


PATHOLOGIE INFECTIEUSE



8.1


TUBERCULOSE PULMONAIRE ET MYCOBACTÉRIOSES ATYPIQUES




TUBERCULOSE PULMONAIRE


La tuberculose pulmonaire est une cause majeure de morbidité et de mortalité dans le monde. Après un rebond du nombre de cas au début des années 1990, l’incidence de la maladie est aujourd’hui en légère diminution [34, 75]. Cependant, le contrôle de la maladie reste un problème majeur de santé publique, en particulier du chez les patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et du fait de l’émergence de souches résistantes au traitement antituberculeux dans certains pays [34, 75]. La difficulté du contrôle de la maladie vient de la prévalence élevée des cas de tuberculose latente, susceptibles de réactivation [47]. Les groupes les plus à risque sont les migrants, les milieux socio-économiques défavorisés et les patients porteurs de maladies chroniques [24, 47]. La tuberculose reste de ce fait une maladie commune, avec un nombre de cas de tuberculose maladie déclarés en France en 2008 de 5 758 cas, soit 9,0/105 habitants et une forme pulmonaire représentant 72 % des cas déclarés [19].


Les manifestations radiologiques de la tuberculose pulmonaire peuvent varier selon des facteurs liés à l’hôte, en particulier les antécédents de tuberculose, l’âge et le statut immunitaire du sujet [35].


La radiographie thoracique reste l’imagerie de première intention et est toujours utilisée, malgré ses insuffisances, pour le dépistage des formes actives chez les patients à risque [1]. Des présentations variées incluant un aspect normal sont observées [115, 125]. La TDM est généralement requise pour détecter des lésions de petite taille invisibles sur les radiographies standard, préciser les aspects équivoques ou analyser les complications [9, 45, 60, 141]. La TDM-HR a en outre prouvé son efficacité dans l’évaluation de l’activité de la tuberculose [81].


Après un rappel physiopathologique, nous développerons les aspects en imagerie et préciserons le rôle de la TDM dans le diagnostic et le traitement de la tuberculose pulmonaire. Nous garderons la séparation entre les formes primaire et post-primaire (réactivation d’une infection latente) à des fins didactiques. Cependant, une distinction formelle entre tuberculose primaire et post-primaire peut être impossible à effectuer en l’absence d’imagerie antérieure ou d’une histoire récente de contage ou de notion de conversion du test tuberculinique [32, 70]. Certaines formes radiologiques – cavi-taire [94] ou miliaire en particulier – sont semblables dans chacun des types et d’impact clinique plus important que le type de la maladie lui-même. Par ailleurs, la notion de tuberculose post-primaire fait l’hypothèse que la forme tuberculose maladie de l’adulte (forme active) est due à une réactivation d’une forme endogène, contractée dans l’enfance et contenue par l’organisme sous forme d’infection latente. Cette théorie reste vraie, mais l’étude des profils génomiques montre qu’une partie des tuberculoses actives de l’adulte sont des (ré) infections exogènes, survenant dans un contexte endémique (d’où l’importance de rechercher les sujets contacts).



Rappel physiopathologique et aspects en imagerie



Tuberculose primaire




Rappel physiopathologique

La tuberculose primaire est acquise par l’inhalation de bacilles de Koch par voie aérienne. Elle consiste en une pneumonie focale avec nécrose caséeuse secondaire. Avant que la réponse immune cellulaire ne se développe, l’infection peut progresser localement et aller au-delà du foyer primaire.


Une extension des germes par voie lymphatique aux ganglions hilaires et médiastinaux et une dissémination hématogène, généralement infracliniques, surviennent simultanément. Certains sites sont préférentiellement secondairement infectés, en particulier les régions sous-apicales des poumons.


Chez 90 à 95 % des sujets, le développement de l’immunité aboutit à la cicatrisation des lésions, avec formation de granulomes pulmonaires et hilaires. La cicatrisation de lésions parenchymateuses plus larges peut laisser des séquelles fibreuses ou des nodules persistants connus sous le nom de tuberculomes. Toutes ces lésions peuvent se calcifier [98].



Aspects en imagerie

Les adénopathies médiastinales sont un élément essentiel de la tuberculose primaire. Leur prévalence décroît avec l’âge des patients [87]. Elles ont une prédilection pour les chaînes paratrachéale droite (fig. 8-1), trachéobronchique droite, sous-carénaire et hilaire. Toutes les combinaisons, incluant des adénopathies hilaires bilatérales ou des adénopathies médiastinales isolées, sont néanmoins possibles. Des hypodensités centrales avec rehaussement périphérique représentant l’hypervascularisation inflammatoire du tissu granulomateux sont typiquement observées en TDM avec injection de produit de contraste [54, 67, 83] (fig. 8-2). Les diagnostics différentiels devant être évoqués sont une infection fongique, des lésions métastatiques, un sarcome de Kaposi, une sarcoïdose et un lymphome.




Les adénopathies sont le plus souvent associées à des anomalies parenchymateuses (voir fig. 8-1). Il s’agit le plus souvent d’un petit infiltrat ou d’une condensation segmentaire ou sous-segmentaire de topographie sous-pleurale [73]. Il s’agit plus rarement d’une pneumonie lobaire résistante aux antibiotiques conventionnels ou d’une atteinte multifocale. Le lobe moyen et les lobes inférieurs sont les plus fréquemment atteints du fait de leur plus grande ventilation et, plus rarement, le segment antérieur d’un lobe supérieur. Tout lobe, tout segment peut néanmoins être concerné lors de la tuberculose primaire [83] et une atteinte non segmentaire ou multifocale est également possible [81] (fig. 8-3) :




– une lésion cavitaire dont la paroi peut être d’épaisseur et de régularité variables est notée dans 10 % des cas environ [81] ; les cavités sont surtout l’apanage de la tuberculose pulmonaire progressive ou de la tuberculose de réactivation ;


– les épanchements pleuraux, plus fréquents classiquement dans la tuberculose primaire que secondaire (cette notion est aujourd’hui remise en cause [89], en particulier chezles patients infectés pour le VIH), peuvent être révélateurs (fig. 8-4) ;



– d’autres manifestations de la tuberculose primaire plus rares, telles que la dissémination bronchogène ou la miliaire, sont détaillées ci-après ;


– les radiographies de thorax restent normales chez plus de 15 % des patients [102].



Évolution

La régression du foyer parenchymateux est lente, nécessitant de 6 mois à 2 ans pour une résolution complète. La résolution des adénopathies est encore plus lente. Le traitement antituberculeux accélère la résolution des anomalies radiographiques, bien qu’une réaction paradoxale avec majoration lésionnelle au cours des 3 premiers mois ne soit pas rare [87]. Cette notion de réaction paradoxale est également vraie pour les formes post-primaires et sera rediscutée dans le chapitre concernant les patients infectés pour le VIH. Dans ce cas, des condensations et du verre dépoli homo- ou controlatéraux aux lésions initiales sont rapportés, alors qu’en cas d’aggravation réelle d’une tuberculose, des macronodules et des nodules centrolobulaires, avec fréquente excavation, sont observés [3]. Une réaction paradoxale a également été décrite en cas de tuberculose pleurale. Cette réaction consiste en des nodules pulmonaires uniques ou multiples, de siège essentiellement périphérique, homolatéraux à l’épanchement pleural, survenant dans les 3 mois après le début du traitement, avec disparition ou persistance d’opacités résiduelles les 3 à 18 mois suivants sous traitement [21].


Une régression sans séquelle radiologique est observée dans deux tiers des cas. Dans un tiers des cas, la cicatrice persiste, parfois calcifiée : c’est le complexe de Ghon (fig. 8-5). L’association de ganglions hilaires et d’une cicatrice parenchymateuse calcifiés est dénommée complexe de Ranke. La cicatrisation de sites secondairement infectés peut également être responsable de séquelles plus ou moins calcifiées.




Tuberculose pulmonaire progressive

Une maladie parenchymateuse chronique progressive est observée dans 5 à 10 % des cas de tuberculose primaire. Cette forme concerne des patients dont l’immunité acquise est inadéquate pour contenir l’infection primaire. Les sujets les plus touchés sont les enfants de moins de 2 ans [111], les patients âgés, avec immunodéficience T ou de race noire. Le test tuberculinique peut rester négatif et donc être source d’erreurs diagnostiques [16].


Les signes radiologiques de tuberculose pulmonaire progressive sont semblables à ceux de la tuberculose post-primaire et attribués au même mécanisme. Une atteinte multilobaire avec des lésions exsudatives plus extensives [98] et une nécrose du poumon sont communes [125] (fig. 8-6). Une atteinte des foyers secondaires lobaires supérieurs est fréquemment observée.



Une dissémination bronchogène résultant d’une excavation d’une pneumonie tuberculeuse ou d’une rupture de ganglion nécrotique dans les bronches peut survenir, de même qu’une dissémination hématogène [143].



Tuberculose post-primaire



Rappel physiopathologique

Malgré le développement d’une immunité spécifique résultant en la cicatrisation avec fibrose des granulomes, des organismes viables survivent fréquemment au niveau des sites secondairement infectés. Cela concerne 5 à 15 % de tous les patients ayant eu une primo-infection, plus volontiers au cours des 2 premières années suivant l’épisode initial [98].


Ce mécanisme de réactivation représente la grande majorité des cas de tuberculose post-primaire [115], avec un taux de développement d’environ 1 % par an. Les autres formes de tuberculose maladie sont dues à des infections ou réinfections exogènes. La tuberculose post-primaire peut survenir chez des patients précédemment immunisés par le BCG, celui-ci ayant une efficacité certaine pour la prévention des formes méningées et miliaires de l’enfant [7]. À l’inverse de la tuberculose primaire, la tuberculose post-primaire est typiquement chronique, lentement progressive, avec une haute morbidité et mortalité si elle n’est pas traitée de façon adéquate [75, 137]. Des localisations systémiques extrathoraciques peuvent être rencontrées.



Aspects en imagerie

Les séquelles de l’infection primaire sont souvent visualisées.


Bien que certains signes radiographiques de tuberculose post-primaire puissent être communs avec ceux de la tuberculose primaire, une prédominance lobaire supérieure, une absence d’adénopathie et une tendance à l’excavation sont plus volontiers retrouvées [35].


La tuberculose de réactivation survient généralement au niveau des foyers secondaires dans les segments apicaux et postérieurs des lobes supérieurs, moins fréquemment dans le segment supérieur des lobes inférieurs. Cela est attribué à l’environnement plus riche en oxygène et/ou au drainage lymphatique moindre des segments concernés. Une localisation lobaire supérieure bilatérale est notée dans 32 à 64 % des cas, avec un aspect asymétrique dans la plupart des cas [98]. Une atteinte multilobaire est commune, une progression vers une atteinte lobaire ou pulmonaire complète avec destruction pouvant être rencontrée.


Les principales anomalies rencontrées sont des infiltrats ou des condensations qui peuvent être minimes ou extensifs, réalisant des opacités hétérogènes, des cavitations et des nodules. Des nodules acinaires (aspect en rosette) peuvent être visualisés à proximité d’une condensation alvéolaire, d’une cavité ou siéger dans des régions lobaires indemnes [9].



Cavitation: La cavitation signe la tuberculose post-primaire et est retrouvée dans environ 40 % des tuberculoses post-primaires de l’adulte (fig. 8-7 et 8-8). La présence d’une cavité est un signe suggestif d’activité de la maladie. Les cavités sont fréquemment multiples et siègent typiquement au sein de condensations parenchymateuses. L’excavation débute en regard des portions les plus anciennes des lésions, de siège centrolobulaire. La fistule avec la bronche de drainage est parfois visible [113]. Lorsque la maladie progresse, plusieurs cavités centrolobulaires d’un diamètre de 2 à 4 mm confluent pour former une cavité plus large [52]. Cette cavitation a pour conséquence l’évacuation de nombreux bacilles responsable d’une dissémination endobronchique avec atteinte de territoires au préalable indemnes. Les cavités ont des parois volontiers épaisses avec des contours externes indistincts au stade de condensation alvéolaire caséeuse active. Après traitement antituberculeux, l’épaisseur des cavités diminue et les contours externes sont plus nets. Les remaniements fibreux sont plus marqués que pour les lésions non excavées. La persistance d’une cavitation stérile est rare [35]. Des niveaux hydroaériques peuvent témoigner d’une surinfection à Gram négatif ou à anaérobie surajoutée [144].





Dissémination bronchogène: La dissémination bronchogène est le mode de dissémination le plus caractéristique de la tuberculose post-primaire [52]. Elle survient lorsqu’une zone de nécrose caséeuse se liquéfie et communique avec l’arbre bronchique [35], avec constitution d’une cavité (voir plus haut) (voir fig. 8-8). Une telle atteinte peut néanmoins survenir en l’absence de cavité visible [143].


En radiographie standard, la dissémination bronchogène s’exprime par des nodules pulmonaires multiples de 5 à 10 mm de diamètre, de limites floues et de distribution lobaire ou segmentaire (fig. 8-9). Plusieurs auteurs ont prouvé que ces nodules de contours flous, initialement décrits comme des nodules acinaires, correspondaient en fait à des lésions péribronchiolaires. En TDM-HR, des nodules centrolobu-laires de 2 à 4 mm de diamètre ou des structures linéaires branchées de contours nets et relativement denses étaient les signes les plus précoces de dissémination bronchogène dans la série d’Im et al. (fig. 8-10) [52]. Ces micronodules témoignent d’une maladie active et sont prédictifs de la présence de bacilles dans les crachats [78, 150]. Il s’agissait, sur le plan histologique, de matériel caséeux au sein ou autour des bronchioles terminales ou respiratoires. Un regroupement en amas est évocateur et peut faire discuter une sarcoïdose [95]. Des structures linéaires branchées multiples de calibre identique originaires d’un seul tronc – the tree in bud appearance ou « aspect en arbre bourgeonnant » – étaient fréquemment visualisées chez les patients avec une dissémination extensive, le tronc étant censé représenter une lésion affectant une bronche de dernier ordre au sein du lobule pulmonaire secondaire et les bourgeons des lésions dans les bronchioles et les canaux alvéolaires. Un épaississement pariétal bronchique et des condensations lobulaires étaient également décrits dans la série d’Im et al. (fig. 8-11). Dans la même étude, sous traitement adapté, une disparition progressive des lésions dans l’ordre suivant était notée : condensations lobulaires, nodules de contours flous, nodules centrolobulaires ou lésions linéaires branchées. Une disparition des nodules centrolobulaires et des opacités linéaires branchées était notée après 5 à 12 mois de traitement, laissant des lésions fibreuses séquellaires de degré variable [52, 81]. Des hyperdensités en verre dépoli et des lignes septales ont également été rapportées avant traitement [118].






Endartérite oblitérante: Une endartérite oblitérante associée à la maladie endobronchique engendre une réduction parallèle de ventilation et de perfusion. Dans la série de Long et al. [90], un aspect de perfusion en mosaïque avec des plages d’hypo-atténuation localisées dans les zones pathologiques était présent chez tous les patients ayant des excavations. Les zones d’hypo-atténuation sont probablement le reflet d’un piégeage des voies aériennes, d’une vasoconstriction hypoxique et d’un traumatisme vasculaire. Ce dernier mécanisme est en relation avec une thrombose artérielle pulmonaire in situ extensive en regard des aires de destruction parenchymateuse produites par Mycobacterium tuberculosis.



Fistulisation pleurale et médiastinale: La fistulisation pleurale d’une cavité pulmonaire [65] peut être responsable d’empyème (fig. 8-12) ou de pneumothorax [30, 124]. La possibilité d’une fistule bronchopleurale responsable d’un pneumothorax pourrait cependant être également observée en cas de séquelle, dans des formes non actives. Des fistules œsobronchiques, par fistulisation de nécrose ganglionnaire, notamment sous-carinaire [65, 131, 141], sont également possibles.




Formes radiocliniques



Tuberculomes

Les tuberculomes sont des lésions granulomateuses de forme ronde ou ovale d’un diamètre généralement inférieur à 3 cm [98, 135] (fig. 8-13). Ils sont une manifestation peu fréquente de la tuberculose, survenant après une tuberculose primaire ou post-primaire. Généralement considérés comme une lésion cicatricielle rétractée, ils peuvent en fait contenir des bacilles viables. Dès lors, ils doivent être considérés comme une forme active de la maladie et traités. Ils sont le plus souvent situés dans les lobes supérieurs. Les bords sont généralement réguliers et lisses mais peuvent parfois présenter des irrégularités.



Leur taille peut augmenter de façon modérée. Cependant, une augmentation de taille ou l’apparition d’un autre nodule doivent faire suggérer une réactivation de la tuberculose ou un nouveau processus, tel un carcinome (fig. 8-14).



Une excavation en croissant excentré, de même qu’une hypodensité avec possible rehaussement périphérique et curviligne après injection de produit de contraste sont fréquemment observées. Cette prise de contraste annulaire fine de la lésion est particulièrement bien mise en évidence par l’IRM. Des lésions satellites sont repérées dans 80 % des cas [135].


Des calcifications nodulaires, centrales, curvilignes ou diffuses surviennent dans 20 à 30 % des cas, parfois dans un délai de 6 mois, mais le plus souvent après 2 ans [107].


Une captation du fluorodésoxyglucose peut être observée en tomographie par émission de positons (TEP) [36].



Tuberculose miliaire


Rappel physiopathologique: La dissémination hématogène d’un grand nombre d’organismes viables résulte en la survenue clinique et radiologique d’une miliaire tuberculeuse [58, 130]. Il s’agit d’une forme grave de la maladie, avec de nombreuses formes pédiatriques. Les foyers granulomateux se développent selon une distribution au hasard. Les atteintes méningées et hépatospléniques associées sont très fréquentes. Une miliaire pulmonaire est parfois observée après BCG-thérapie intravésicale pour cancer de vessie [151].



Aspects en imagerie: Les radiographies thoraciques peuvent rester normales jusqu’à 3 à 6 semaines après la dissémination hématogène [35]. Un discret voile mal défini au niveau des deux champs pulmonaires ou des micronodules typiques peut être observé sur les radiographies successives (fig. 8-15).



Les signes en TDM-HR consistent typiquement en des nodules de contours nets, de 1 à 3 mm de diamètre, répartis au hasard dans le parenchyme pulmonaire sans prédominance ni au niveau du poumon ni au niveau du lobule pulmonaire secondaire (fig. 8-16 et 8-17). Des nodules de plus grande taille peuvent se voir dans les territoires pulmonaires supérieurs [114]. Des lignes septales, des réticulations intralobulaires et du verre dépoli peuvent être également mis en évidence [35, 85].





Atteinte trachéobronchique


Rappel physiopathologique: L’atteinte des voies aériennes proximales a été rapportée chez 10 à 20 % des patients avec tuberculose pulmonaire [82, 104, 113]. Il s’agit de la cause la plus fréquente de sténose inflammatoire bronchique [35] et c’est encore aujourd’hui une cause fréquente de bronchectasies [93, 112].


À l’inverse de l’atteinte secondaire des voies aériennes survenant selon un mode bronchogène par dissémination de bacilles à partir de lésion(s) cavitaire(s), la tuberculose tra-chéobronchique est principalement en relation avec une dissémination par voie lymphatique péribronchique [104]. Elle peut également résulter d’une implantation des organismes à partir d’expectorations infectées, d’une extension locale par une infection parenchymateuse adjacente, d’une érosion ganglionnaire ou d’une dissémination hématogène [68].


L’atteinte directe de la paroi bronchique consiste en la formation précoce de tubercules dans la couche sous-muqueuse, suivie d’ulcérations et de nécroses de la paroi bronchique, avec cicatrisation et sténose résiduelle. Dans les maladies actives, les sténoses surviennent par des phénomènes hyperplasiques et inflammatoires. Elles sont généralement régressives après traitement [20, 68, 104]. Les sténoses fibreuses sont en règle générale de plus mauvais pronostic [20, 104, 110].



Aspects en imagerie: Les sténoses bronchiques ont un épaississement pariétal concentrique ou un épaississement tissulaire péribronchique. En cas de maladie active, les aspects rapportés sont une atteinte circonférentielle avec rétrécissement irrégulier et rehaussement après injection de produit de contraste, prédominant sur les bronches proximales. En cas de fibrose, un rétrécissement régulier des voies aériennes avec épaississement pariétal minime est mis en évidence. La bronche souche gauche est atteinte de façon préférentielle [68, 104]. Cette prédominance topographique peut être le reflet des différences anatomiques et du moindre drainage lymphatique au niveau de la paroi de la bronche souche gauche [104].


Les autres signes classiquement décrits sont une atteinte d’un long segment bronchique, une atteinte bronchique avec adénopathies tuberculeuses et une obstruction bronchique avec densités anormales péribronchiques [20, 73, 82] (fig. 8-18). Des lésions endotrachéales et endobronchiques liées à la formation de granulomes peuvent apparaître sous la forme de lésions polypoïdes hypodenses intraluminales. De telles lésions sont fréquemment observées en cas de tuberculose de localisation basale [10]. Des collapsus lobaires ou segmentaires avec de multiples zones hypodenses, une pneumonie obstructive, une hyperclarté, des cavités ou une hypodensité ronde tubulée suggérant une impaction mucoïde en aval d’une bronche obstruée peuvent être vus [16, 81].



Les atteintes bronchiques peuvent se compliquer de bronchectasies, le plus souvent de type bronchectasies par traction en rapport avec les phénomènes de fibrose. Elles prédominent typiquement dans les territoires apicaux et/ou postérieurs des lobes supérieurs [141]. Elles sont plus rarement secondaires à une sténose bronchique centrale et/ou une broncholithiase. Les broncholithiases résultent d’une érosion de ganglions calcifiés dans les bronches adjacentes. Elles prédominent à l’origine de la bronche lobaire moyenne et des segments antérieurs des bronches antérieures des lobes supérieurs. Elles peuvent être responsables d’obstruction et générer collapsus segmentaire, impaction mucoïde ou hyperclarté avec piégeage bien visible en expiration [65, 129] (fig. 8-19). L’anthracofibrose [64, 91, 109] a récemment été identifiée comme une autre cause de sténose bronchique. Elle est caractérisée par la visibilité en endoscopie d’une pigmentation muqueuse anthracosique sans qu’il soit noté d’antécédent de pneumoconiose. Par opposition aux formes endobronchiques, l’atteinte tend à épargner la bronche souche et est multifocale. Elle s’associe à des adénopathies et des calcifications.




Formes nodulaires pseudo-tumorales

Une présentation à type de nodules pulmonaires multiples bilatéraux non excavés de siège périphérique d’un diamètre de 1 à 2,5 cm simulant des métastases a été rapportée, avec régression lésionnelle quasi complète après 6 mois de traitement antituberculeux [5] (fig. 8-20). D’autres présentations peuvent prêter à discussion avec une pathologie maligne. Il s’agit des formes pseudo-tumorales à type de masses ou de condensations [18, 152]. Dans tous les cas, les lésions peuvent s’excaver et/ou avoir des contours irréguliers avec une collerette de micronodules, décrivant le signe de la galaxie, classiquement décrit dans la sarcoïdose [95].




Formes évolutives et cas particuliers



Séquelles fibreuses

Les tuberculoses stables ou inactives sont caractérisées par des lésions de fibrose avec des bandes irrégulières, des lésions stellaires ou linéaires, des nodules calcifiés, des distorsions des axes bronchovasculaires, des atélectasies cicatricielles, des lésions d’emphysème paracicatriciel, des sténoses bronchiques et des bronchectasies [8, 65] (fig. 8-21 à 8-23). L’emphysème résulte principalement de phénomènes de traction (emphysème paracicatriciel) ou d’obstruction du flux aérien provoqué par la sténose fibreuse des bronchioles [52]. Dans la série de Long et al. [90], les bronchectasies étaient plus souvent rencontrées au cours des maladies cavitaires que non cavitaires (64 versus 11 %). Les lésions de bronchiolite constrictive s’expriment par des zones d’hypo-atténuation en rapport avec un piégeage et une vasoconstriction artérielle pulmonaire. Les cavités, qui en général se rétractent lors de leur cicatrisation, sont rarement complètement affaissées. Le matériel caséeux encapsulé peut persister pendant des années.





Des fibroses sévères avec perte de volume lobaire supérieure, plus volontiers unilatérale, rétraction hilaire et trachéomégalie secondaire sont vues dans 30 % des cas [98].


Une coiffe apicale est également fréquemment observée à titre de séquelle. Elle est essentiellement en rapport avec une hypertrophie de la graisse extrapleurale et à un moindre degré avec un épaississement pleural, une condensation sous-pleurale ou des lésions de fibrose [55, 98] (fig. 8-24).



Un aspect stable des opacités sur les radiographies sur une période d’au moins 6 mois et des recherches répétées de bacilles de Koch négatives sont les meilleurs signes prédictifs de maladie inactive.


En médiastinal, une évolution fibrosante est exceptionnellement décrite [123]. Ces médiastinites fibrosantes peuvent être responsables de compressions vasculaires (caves supérieures le plus souvent), œsophagienne ou trachéobronchiques. L’aspect peut être celui d’une masse compressive mal limitée ou d’une infiltration tissulaire, de localisation paratrachéale droite ou sous-carinaire, contenant le plus souvent des calcifications.



Infection chronique et poumon détruit

La destruction de la majeure partie d’un poumon peut résulter d’une infection pulmonaire progressive, d’une cavitation prolongée, d’une réinfection ou d’une dissémination avec fibrose secondaire. Une atteinte unilatérale d’un lobe supérieur est plus fréquemment observée. Un traitement chirurgical peut être requis [133]. Des fibrothorax séquellaires possiblement calcifiés avec hypertrophie de la graisse extrapleurale sont fréquents (fig. 8-25). La pachypleurite associée est parfois décrite comme un « os de seiche ».




Complications vitales

Des formes pneumoniques multifocales, une miliaire, une tuberculose systémique disséminée ou une tuberculose des voies aériennes proximales sont parfois à l’origine d’un syndrome de détresse respiratoire aigu de l’adulte [58, 69].


L’incidence des hémoptysies significatives est d’environ 8 %, des formes fatales étant rapportées dans 1 à 5 % des cas. Elles concernent le plus souvent des patients ayant une tuberculose inactive avec des cavités et des bronchectasies séquellaires (fig. 8-26). Toutefois, elles peuvent survenir chez des patients présentant une maladie cavitaire active traitée de façon inadéquate [22]. Le saignement peut être lié à une cavité tuberculeuse préexistante ou à un aspergillome intracavitaire, non rare (fig. 8-27). Les exceptionnels anévrismes de Rasmussen [56] sont des pseudo-anévrismes artériels pulmonaires qui peuvent être une source de saignement majeur. Ils sont secondaires à un amincissement de la paroi artérielle par une cavité tuberculeuse adjacente et surviennent soit lors d’une infection active, soit dans les tuberculoses chroniques fibro-caséeuses, avec une prédominance lobaire supérieure [62, 132]. Les artères pulmonaires, les artères bronchiques et sys-témiques non bronchiques peuvent également être une source de saignement, avec une augmentation possible de la taille et du nombre des anastomoses systémopulmonaires. Elles devront être soigneusement étudiées par TDM avec injection de produit de contraste [15].





Cas particuliers



Tuberculose dans un contexte d’immunodépression

Les facteurs de risque prédisposant au développement d’une tuberculose active sont les affections associées à une déficience de l’immunité à médiation cellulaire telles que la malnutrition, l’alcoolisme et la consommation de drogues, les néoplasies (voir plus loin), les maladies coexistantes telles que le diabète, l’insuffisance rénale chronique, la silicose et les patients ayant une corticothérapie ou un traitement par immunosupresseurs [24, 47]. Parmi les traitements immunosupresseurs, les inhibiteurs du TNF-alpha donnés dans les maladies rhumatismales ou inflammatoires digestives multiplient le risque de réactivation tuberculeuse dans les premiers mois après mise en route du traitement. Ce risque est aussi vrai pour les infections à Pneumocystis jiroveci et mycobactéries atypiques [4]. Il justifie la recherche des formes latentes de la maladie [2, 61] et, éventuellement, la réalisation d’une TDM sans injection.


Chez les patients âgés, l’aspect est souvent atypique en imagerie avec des formes lobaires moyenne et inférieure, des formes non tumorales, des formes miliaires indolentes et la possibilité de condensations sans cavitation [127]. La tuberculose survient neuf fois plus fréquemment chez les sujets cancéreux, en particulier les patients leucémiques, que dans la population générale. Le cancer bronchopulmonaire peut favoriser une réactivation bacillaire et coexister avec la tuberculose.



Tuberculose et SIDA

La plupart des patients infectés par le VIH vont présenter une complication pulmonaire dans leur évolution, le plus souvent d’origine infectieuse [48, 50]. Aujourd’hui, il s’agit en premier lieu d’infection bactérienne, de pneumocystose, puis de tuberculose. Cependant, notamment en Afrique subsaharienne, la tuberculose peut être la cause la plus fréquente de complication pulmonaire et la première cause de mortalité liée au VIH. Elle peut survenir à tous les stades de l’infection VIH, et augmente lorsque le taux de CD4 diminue [11].


La co-infection VIH- tuberculose concerne moins de 15 % des formes de tuberculose active en Europe [117]. Il s’agit d’un enjeu de santé publique [42] pour le contrôle de la propagation de la maladie et pour l’amélioration de la prise en charge des patients VIH+, dont le risque de tuberculose est multiplié par 20 à 30.


Grimberg et al. [38] ont montré que la radiographie thoracique était une méthode de dépistage peu sensible pour la détection de la tuberculose chez les patients VIH+, des radiographies thoraciques normales avec des cultures positives ayant été rapportées dans 14 à 40 % des cas [25].


Plusieurs études ont démontré que les patients séropositifs avaient une prévalence moindre de condensation parenchymateuse, de cavitation, d’aspect de tuberculose post-primaire et une plus grande prévalence d’adénopathies (fig. 8-28), d’épanchements pleuraux, de miliaires et de localisations extrapulmonaires que les patients séronégatifs [41, 86]. Les opacités nodulaires étaient présentes en TDM chez 80 % des patients séropositifs.



Les manifestations radiologiques de tuberculose chez les patients VIH+ sont dépendantes du taux de lymphocytes T CD4 [6, 37, 74, 108]. En cas de faible immunodépression (CD4 à 350 cellules/mm3), la présentation est proche de celle des sujets immunocompétents avec une forme le plus souvent localisée aux poumons. Lorsque l’immunodépression est sévère, l’expression est celle d’une tuberculose primaire quels que soient les antécédents tuberculeux, avec une fréquence notable d’atteintes extrapulmonaires [51] (fig. 8-29) et disséminées (formes miliaires). Les aspects en imagerie varient selon le taux de lymphocytes CD4. Ainsi, Yabuuchi et al. [148] rapportent une association de signes typiques et atypiques de réactivation tuberculeuse en cas de faible taux de CD4 chez des patients immunodéprimés non au stade de SIDA. Les localisations atypiques de tuberculose de réactivation consistaient en une atteinte du segment antérieur des lobes supérieurs, du lobe moyen et de la lingula et des pyramides basales.



Le comportement TDM des adénopathies peut être similaire à celui observé chez les sujets immunocompétents, à savoir qu’il existe une hypodensité centrale avec prise de contraste périphérique [86, 116]. Dans une étude portant sur 110 patients séropositifs pour le VIH ayant des adénopathies, une analyse multivariée a démontré que la mise en évidence d’une nécrose permettait de prédire une tuberculose ou une mycobactériose atypique [59]. En cas d’immunodépression sévère, une nécrose plus extensive avec extension extranodale et des fistules ganglio-œsophagiennes de siège volontiers sous-carénaire sont rapportées [53]. La présence de telles fistules ne doit pas modifier le traitement.


Des signes atypiques simulant l’aspect des pneumonies bactériennes et des pneumonies à Pneumocystis jiroveci sont fréquemment rapportés. Boisselle et al. [14] rapportent dans leur série que la tuberculose pulmonaire, les infections à Pneumocystis jiroveci et les pneumonies bactériennes avaient une expression radiologique similaire dans environ 10 % des cas. Toutefois, les nodules acinaires et les cavités étaient le plus fréquemment rencontrés en cas de tuberculose pulmonaire. Dans une série de 105 patients séropositifs pour le VIH atteints de tuberculose pulmonaire, Barnes et al. [6] ont, quant à eux, identifié 4 % de cas simulant une pneumocystose cliniquement et radiologiquement.


Un autre problème lié à l’infection par le VIH est le risque de syndrome de restauration immunitaire après l’instauration des traitements antirétroviraux hautement actifs (HAART) [49, 139]. Ce syndrome apparaît d’autant plus fréquemment que les HAART sont démarrés à un taux de CD4 < 200 cellules/mm3. La réapparition des lymphocytes CD4 peut s’accompagner d’un dysfonctionnement de la restauration de la réponse immune spécifique au pathogène infectant et/ou de la régulation immune pouvant compromettre l’adhérence au traitement. Dès lors, il existe un risque d’infection tuberculeuse précoce (3 premiers mois) après la mise en route des HAART. De plus, le syndrome de restauration immunitaire est fréquemment responsable, chez les patients co-infectés VIH et tuberculose, d’une aggravation paradoxale des signes de tuberculose. Dans la série de Fishman et al. [29], une aggravation transitoire de la radiographie thoracique était notée chez 45 % des patients, avec une amélioration des signes dans les 2 semaines à 3 mois qui suivaient.

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Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 8: PATHOLOGIE INFECTIEUSE

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