8: Paralysies obstétricales du plexus brachial

Chapitre 8 Paralysies obstétricales du plexus brachial



La paralysie dite « obstétricale » du plexus brachial reste une situation grave en raison de ses conséquences potentielles sur la fonction du membre supérieur. Son mécanisme et ses facteurs de risque sont connus, mais cette compréhension étiologique n’a pas suffi à la faire disparaître. Nous continuons à parler de manière courante de paralysie « obstétricale » alors que la littérature anglaise à de longue date adopté le terme de birth palsy, moins polémique. En effet, cette « paralysie plexuelle de la naissance » aboutit aujourd’hui de plus en plus souvent à une procédure cherchant à individualiser la responsabilité du ou des praticiens en charge de l’accouchement [1]. Dans le contexte de ces batailles d’experts, l’existence de cas authentifiés survenant après césarienne ou in utero revêt une importance particulière, même si ces cas restent exceptionnels. Les indications à une reconstruction chirurgicale primaire restent controversées, en particulier dans les formes proximales n’affectant que le territoire radiculaire proximal.



ANATOMIE



Origine radiculaire et distribution (figure 8.1)


Le plexus brachial est formé par les branches terminales des racines C5, C6, C7, C8 et D1. C4 peut parfois participer à la formation du plexus brachial et on parle alors de plexus « préfixé ». La participation de D2 est également possible, exceptionnellement (plexus post-fixé). Les racines C5 et C6 confluent pour former le premier tronc primaire, C7 se poursuit en formant à elle seule le second tronc primaire, tandis que C8 et D1 fusionnent pour former le troisième tronc primaire. À son tour chacun des trois troncs primaires se divise pour donner une branche antérieure et postérieure. Les trois tranches postérieures confluent pour former le tronc secondaire postérieur. Les branches antérieures de division des premier et deuxième troncs primaires forment le tronc secondaire antéro-externe tandis que la branche antérieure de division du troisième tronc primaire se prolonge en bas pour former le tronc secondaire antéro-interne. Tous les nerfs du membre supérieur naissent du plexus brachial sous forme de branches collatérales ou terminales.




Branches collatérales du plexus brachial


Le nerf supra-scapulaire (ou sus-scapulaire) est la première branche collatérale postérieure du premier tronc primaire. À ce titre il est toujours concerné dans ces paralysies d’origine obstétricale. Son atteinte est responsable de la paralysie de la rotation externe de l’épaule.


Le nerf du grand-dentelé est une branche collatérale très proximale, à partir de rameaux provenant des racines C5-C6 et C7. Son atteinte témoigne d’une lésion très proximale souvent synonyme d’avulsion radiculaire.


Les branches motrices pour les pectoraux : le nerf du grand pectoral est une branche du tronc secondaire antéro-externe tandis que le nerf du petit pectoral provient plutôt du tronc secondaire antéro-interne. Ces deux rameaux moteurs sont unis par une anse anastomotique dite « anse des pectoraux », croisant par en avant l’artère axillaire. Dans les paralysies proximales du plexus, l’existence de cette origine mixte (TSAE et TSAI) de l’innervation motrice des pectoraux explique que la fonction des pectoraux est toujours au moins partiellement préservée. L’antepulsion de l’épaule observée dans les premières semaines est pratiquement toujours l’expression clinique de cette activité du grand pectoral.


Les autres branches collatérales postérieures du plexus brachial sont les nerfs supérieur et inférieur du sous-scapulaire, le nerf du grand-dorsal et celui du grand rond, branches du tronc secondaire postérieur.



Branches terminales du plexus brachial


La figure 8.1 illustre le mode de division terminale des branches du plexus brachial. Le nerf radial et le nerf axillaire sont des branches de division du tronc secondaire postérieur, le nerf ulnaire et le brachial cutané interne proviennent du tronc secondaire antéro-interne. Le nerf musculo-cutané est une branche de division terminale du tronc secondaire antéro-interne, tandis que le nerf médian provient conjointement des deux troncs secondaires (AI et AE), parce qu’il est convenu d’appeler une racine interne et une racine externe.




MÉCANISME DE L’ATTEINTE « OBSTÉTRICALE » DU PLEXUS BRACHIAL



Incidence, facteurs obstétricaux


L’incidence de la paralysie obstétricale reste stable (0,38 à 1,56 pour 1 000 naissances [2]). La très grande majorité des paralysies obstétricales est retrouvée après l’accouchement en présentation céphalique de bébé de gros poids de naissance [3, 4]. La primiparité est un facteur favorisant. La notion d’un accouchement dystocique [5] et plus précisément d’un arrêt aux épaules [6] lors d’une présentation céphalique est retrouvée à l’interrogatoire, et les manœuvres d’extraction par traction sur la tête de l’enfant en hyperextension, avec usage d’une ventouse ou de forceps sont incriminées. Les antécédents de paralysie obstétricale lors d’une naissance précédente font également partie des facteurs de risques [7]. Il est enfin établi que l’accouchement par césarienne ne protège pas totalement de la survenue d’une atteinte du plexus [8]. Lors de ces manœuvres survient une tension dans l’axe du plexus, tension qui est à l’origine des lésions radiculaires. Selon l’intensité et l’orientation de cette tension les lésions sont d’intensité et de distribution variable sur les racines et il a pu être montré expérimentalement que l’atteinte des racines hautes précédaient toujours celle des racines basses [9]. On considère que l’obliquité plus importante des racines hautes (les racines basses sont pratiquement « horizontales », voire ascendantes pour T1) explique leur plus grande vulnérabilité à la traction.



 


Nature des lésions


S’il est établi que la traction axiale est le mécanisme univoque de déclenchement de ces paralysies obstétricales, les conséquences sur les structures nerveuses en sont variables. La classification de Seddon (1943) répertoriant ces lésions selon leur gravité reste toujours valable.


La neurapraxie est un trouble purement fonctionnel. L’intégrité de la racine est préservée, seules ses capacités à véhiculer l’influx nerveux sont altérées. Le pronostic de ces lésions est favorable, et par définition, la restitution ad integrum est la règle, dans un délai de six semaines. L’axonotmesis est une lésion affectant la continuité de la structure élémentaire du nerf périphérique qu’est le prolongement axonal. Cet axone est interrompu, mais les membranes basales sont respectées. Toute lésion de type axonotmesis déclenche une réponse de type repousse nerveuse, et la continuité des membranes basales est théoriquement le garant d’une réinnervation s’effectuant sans fausses routes ou erreurs d’aiguillage. Le pronostic est donc favorable, mais les délais de récupération sont longs, de 6 à 18 mois, étroitement corrélés à la distance à franchir entre le site lésionnel (la région du plexus brachial) et les effecteurs musculaires ou récepteurs sensitifs périphériques. Enfin, le neurotmesis est le degré ultime de ces lésions nerveuses, correspondant à une rupture complète de la racine ou du tronc nerveux concerné. La conséquence est la constitution d’un névrome, cicatrice nerveuse de nature fibreuse. La repousse est néanmoins possible à travers cet obstacle fibreux à la régénération qu’est le névrome. Cependant, cette repousse sera limitée quantitativement, car le névrome constitue un obstacle fibreux difficile à franchir, et qualitativement, car en l’absence du guide que représentaient les membranes basales, les erreurs d’aiguillage seront nombreuses. Les délais sont comme dans le cas précédent ceux d’une repousse nerveuse. Cette distinction pronostique entre trois stades de gravité est séduisante et logique mais il ne faut pas oublier que des lésions de gravité différentes peuvent coexister chez le même patient. Il est ainsi très fréquent de voir juxtaposées une racine en neurapraxie simple et les racines adjacentes, siège de lésions plus graves (axonotmesis ou neurotmesis). Il est même probable que de telles « mosaïques lésionnelles » peuvent coexister au sein d’une même racine, compliquant encore l’analyse pronostique.



Siège des lésions (figure 8.3)


Chaque racine émerge de la moelle épinière provenant de deux contingents radicellaires se réunissant avant de franchir le trou de conjugaison. C’est sur la racine postérieure que se trouve le ganglion rachidien. Les lésions consécutives à l’étirement peuvent se situer en un point quelconque de ce trajet, depuis l’origine radicellaire jusqu’à une zone concernant le trajet interscalénique des racines ou les troncs primaires. On parle de lésion « préganglionnaire » pour désigner celles qui se situent en amont du ganglion rachidien. Il s’agit alors de lésions d’avulsion où la racine (ses radicelles) est arrachée de leur zone d’implantation médullaire. Dans l’état actuel des pratiques techniques, ces lésions d’avulsion radiculaire ne peuvent faire l’objet d’aucune réparation chirurgicale directe. Les rares tentatives cliniques de réimplantation médullaire de racines avulsées qui ont été effectuées n’ont pas démontré l’efficacité du procédé. Compte tenu de cette limite technique, la détection de ces avulsions radiculaires revêt une importance certaine en préopératoire. Le recours à une myélo-IRM [10] ou à un myélo-scanner [11] est donc proposé à titre systématique en préopératoire par certains auteurs. Toutefois les arguments diagnostiques apportés par ces techniques d’imagerie ne sont pas encore formels. Les arguments de présomption cliniques en faveur d’une avulsion gardent donc toute leur valeur. Ainsi, la paralysie d’un hémi-diaphragme (nerf phrénique), du muscle grand dentelé (nerf du grand dentelé) ou du rhomboïde sont autant d’arguments en faveur d’une avulsion car l’origine des rameaux moteurs de ces nerfs est très proximale. À l’inverse, on parlera de lésion post-ganglionnaire pour désigner les lésions concernant les structures radiculaires au-delà du ganglion rachidien. Le cas le plus difficile du point de vue de la stratégie de réparation est représenté par les avulsions « intra-canalaires bloquées ». Dans ce type de situation une ou plusieurs racines sont arrachées de leur implantation médullaire mais elles restent bloquées à l’intérieur du canal médullaire, en amont du trou de conjugaison. Dans ce type de situation, l’exploration des racines dans le défilé interscalénique peut retrouver des structures d’aspect histologique normal. Seule l’électro-stimulation et la réalisation de potentiels évoqués per-opératoire permettront éventuellement d’affirmer le diagnostic.




PRÉSENTATION CLINIQUE


Le plus souvent la paralysie est reconnue dès la naissance devant un tableau consistant en une monoplégie flasque, présente après un accouchement difficile, dystocique. Deux tableaux cliniques peuvent être rencontrés :


La paralysie haute (figure 8.4) est une atteinte des racines proximales, C5-C6 ± C7. Dans cette forme la fonction de la main et des doigts est préservée, l’atteinte des extenseurs du poignet, des doigts et du coude étant variable selon la participation ou non de la racine C7. Le membre supérieur se présente en adduction de l’épaule, laquelle est animée uniquement de mouvement d’antépulsion sous l’action du grand pectoral dont l’innervation est préservée. Il n’y a aucun mouvement d’abduction vraie, aucune rotation externe active. Le coude se présente en position spontanée d’extension dans les formes préservant la racine C7 alors que sa posture est variable, parfois en légère flexion lorsque cette racine est aussi atteinte. La flexion active du coude est absente. L’avant-bras se situe habituellement en pronation, et il n’y a aucune supination active. La main et le poignet ont une fonction subnormale dans les formes épargnant la racine C7, alors que les extenseurs des doigts et du poignet sont déficitaires dans les formes comportant une atteinte de la racine C7.



La paralysie complète (figure 8.5) est encore plus facilement reconnue. Le membre supérieur est totalement inerte, flasque, le long du thorax, coude en extension. La main, l’avant-bras, le coude sont totalement paralysés, et il n’y a aucune réaction motrice à la douleur. L’épaule ne garde que quelques mouvements provenant de l’articulation scapulo-thoracique, sous l’action du trapèze. Dans ces formes complètes sont souvent observés des signes de la lignée « sympathique », sous forme de troubles vasomoteurs avec des téguments froids, marbrés. Dans ce même contexte on recherche aussi la présence d’un syndrome de Claude Bernard Horner associant myosis ptosis et enophtalmie, du côté de la paralysie, triade symptomatique péjorative, souvent associée aux lésions d’avulsion sur les racines basses.



Lors de la prise en charge initiale de ces enfants, l’examen clinique doit être complet portant aussi sur la fonction du membre supérieur controlatéral et sur les membres inférieurs. Les cas bilatéraux de paralysie plexuelle existent mais sont exceptionnels. La pratique d’examen complémentaire à cette phase précoce de prise en charge est dans notre pratique inutile.



INDICATIONS OPÉRATOIRES


Toutes ces paralysies doivent faire l’objet d’une surveillance clinique régulière car c’est du résultat de ces examens répétés que dépend l’indication d’un geste chirurgical. Les critères essentiels décisionnels restent pour nous cliniques.


Dans les paralysies complètes, l’indication est assez facilement retenue dès les premières consultations car l’expérience accumulée par les différentes équipes est concordante sur ce point : Ces paralysies complètes évoluent de manière défavorable lorsqu’elles sont livrées à la récupération spontanée, le résultat final restant médiocre. Dans ces lésions complètes, la question est plus celle de la date opératoire et celle du bilan lésionnel pré-opératoire, permettant de fixer les grandes lignes de la stratégie. Nous restons fidèles à une date d’intervention relativement précoce car l’évolution au cours des premières semaines ou premiers mois n’apporte guère d’éléments pronostic supplémentaires. Les examens complémentaires se résument à la pratique d’une IRM diagnostique et d’un électromyogramme. Il s’agit d’avoir une idée de l’existence ou non d’avulsions radiculaires et de leur topographie avant l’exploration chirurgicale.


Dans les paralysies incomplètes proximales, l’indication fait encore l’objet de très nombreuses discussions. La question reste de savoir si la chirurgie primaire va apporter dans tous les cas un résultat fonctionnel sur l’épaule et le coude, supérieur à ce qu’aurait obtenu une évolution spontanée couplée secondairement à un programme de chirurgie palliative secondaire. Gilbert [12] a proposé de fixer au troisième mois la décision opératoire, arguant que les enfants dont la récupération débute au-delà de ce seuil auront un résultat fonctionnel médiocre, inférieur à celui obtenu par la chirurgie. Nous avons pour notre part reculé cette date limite, ayant observé à plusieurs reprises des évolutions favorables initiées plus tardivement. La décision est donc prise au-delà du quatrième mois, dans l’idéal avant le sixième mois. Les critères décisionnels restent avant tout cliniques, représentés par la récupération fonctionnelle sur le coude et l’épaule, la flexion du coude restant l’indicateur le plus fiable. Une revue rétrospective d’une série consécutive de 100 paralysies proximales C5-C6 ± C7 nous a montré que l’âge moyen au moment de la greffe était de 6,2 mois et qu’un quart des patients (24/100) subissaient un tel geste chirurgical primaire de greffe.

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Apr 22, 2017 | Posted by in PÉDIATRIE | Comments Off on 8: Paralysies obstétricales du plexus brachial

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