Chapitre 8 Bases de l’IRM mammaire
Principales indications, techniques et lexique BI-RADS pour l’IRM
L’IRM mammaire est aujourd’hui un examen incontournable dans le bilan sénologique. D’une extraordinaire sensibilité, il s’est imposé comme un examen de dépistage chez les patientes à haut risque génétique. Cependant, son manque de spécificité peut conduire en cas d’une utilisation inappropriée à de nombreuses errances diagnostiques. Aussi, le respect des bonnes indications, une optimisation du protocole d’acquisition ainsi que l’intégration de son interprétation au sein de l’ensemble du bilan sénologique sont les garants de la valeur ajoutée de cet examen pour la prise en charge des patientes.
Quand réaliser une IRM mammaire ?
Indications
Lorsqu’une IRM mammaire est demandée, elle est presque toujours faite en complément du bilan mammographique et échographique. Plusieurs études dans la littérature ont montré que la pertinence de cet examen est fonction de celle de son indication. Dans notre expérience (étude bicentrique France Canada, non publiée), la valeur prédictive positive des biopsies était fonction de l’indication de l’examen d’IRM mammaire. Les indications, tout comme les non-indications de l’IRM mammaire ont été définies au sein de recommandations réalisées par la Société européenne d’imagerie mammaire [1] et reprises ensuite par la Société française d’imagerie mammaire. Pour pallier son manque de spécificité, il est essentiel de réaliser cet examen dans des groupes de patientes où il existe une plus grande prévalence de lésions malignes du sein. De plus, cet examen complémentaire d’un bilan conventionnel bien conduit sera tout particulièrement utile dans des situations où son interprétation est difficile. Ainsi, on retrouve dans les indications [2] :
• le bilan préthérapeutique de certains cancers du sein en cas de risque élevé de multifocalité ou multicentricité, lors de bilan conventionnel ou de choix thérapeutique difficile soit : pour le bilan d’extension des cancers lobulaires invasifs chez une patiente à haut risque de cancer du sein ; avant traitement néoadjuvant chez une patiente âgée de moins 40 ans ; en cas de discordance clinicoradiologique chez une patiente âgée de moins de 60 ans et, enfin, avant oncoplastie ;
• le dépistage des patientes à haut risque de cancer du sein ou de l’ovaire (risque absolu ≥ 20–30 %) incluant les patientes porteuses d’une mutation prouvée BRCA1 ou 2, les patientes sans mutation prouvée mais avec un risque équivalent, ainsi que les patientes aux antécédents personnels de radiothérapie en mantelet. Selon les recommandations européennes, l’IRM de surveillance devrait commencer à partir de 30 ans. Néanmoins, chez certaines patientes, un dépistage par IRM peut commencer avant 30 ans : les patientes présentant une mutation BRCA1 ou 2 (début entre 25 et 29 ans), les patientes présentant une mutation TP53 (dépistage commençant dès l’âge de 20 ans) ;
• le bilan initial ou de suivi d’un traitement néoadjuvant ;
• le suivi de prothèses mammaires. Il s’agit de patientes chez qui l’on suspecte sur le bilan conventionnel une rupture. Dans cette indication, l’injection de produit de contraste n’est pas obligatoire. Chez certaines patientes porteuses d’implants et en cas de bilan conventionnel difficile, une IRM sans et avec injection de contraste est recommandée ;
• l’adénopathie axillaire isolée avec bilan conventionnel normal ;
• la récidive d’un cancer traité avec bilan conventionnel ambigu.
L’IRM mammaire peut être utile dans certaines autres situations où les recommandations de réaliser cet examen doivent se faire au cas par cas :
• en cas d’écoulement mammaire : la réalisation d’une IRM mammaire peut faciliter le repérage de l’anomalie intracanalaire surtout si elle est distale (car difficile à identifier en galactographie) ;
• en cas de sein inflammatoire avec un bilan conventionnel non concluant ;
• en cas de discordance du bilan conventionnel : cette dernière indication est probablement celle qui est l’objet du plus grand nombre de controverses et d’un risque de dérive majeur. Il est important de garder à l’esprit que l’IRM mammaire ne remplace pas un examen conventionnel mal fait ou une biopsie percutanée réalisable. Dans cette indication, l’IRM peut être utile dans le bilan d’anomalie mammographique visible sur une incidence sans traduction clinique et échographique, non seulement pour vérifier l’existence de l’anomalie détectée mais également pour localiser et cibler correctement les prélèvements.
Non-indications
Compte tenu du caractère délétère que peut avoir cet examen lorsqu’il est mal employé, il est essentiel de souligner également les situations dans lesquelles cet examen n’est pas recommandé à l’heure actuelle :
• les facteurs de risque – comme les antécédents personnels de cancer invasif ou de CCIS, ou des lésions à risque histologique (hyperplasie épithéliale atypique, néoplasie intralobulaire), ou des facteurs de risque mammographiques (seins denses ou hétérogènes en mammographie) lorsqu’ils ne sont pas associés à d’autres facteurs de risque – ne justifient pas l’utilisation du dépistage par IRM ;
• il n’y a pas d’indications systématiques d’IRM chez une patiente avec un cancer inopérable d’emblée ;
• l’IRM systématique n’est pas recommandée comme une technique de dépistage des ruptures de prothèse chez les patientes asymptomatiques ;
• chez les patientes asymptomatiques après chirurgie oncoplastique de reconstruction, une surveillance systématique n’est pas recommandée en cas de risque moyen. Seul un haut risque fait recommander une IRM de dépistage ;
• si l’imagerie conventionnelle montre une probabilité élevée de lésions malignes et que des biopsies peuvent être réalisées, l’IRM ne doit pas être pratiquée comme une alternative à ces biopsies.
Comment réaliser une IRM mammaire ?
Préparation de la patiente
Diminuer le rehaussement physiologique glandulaire
Le rehaussement glandulaire physiologique est indépendant de la densité mammaire. Il est minimal entre la deuxième semaine du cycle menstruel chez les patientes en période d’activité génitale. Il est majoré par le traitement hormonal substitutif qu’il conviendra d’arrêter 3 mois en cas d’examen ininterprétable chez la patiente ménopausée. Chez les patientes opérées, il faut réaliser l’examen soit dans la première semaine (avant la formation du granulome inflammatoire) soit à 1 mois de la chirurgie.
Diminuer au maximum les artéfacts de mouvement et d’inhomogénéité de champs
La qualité d’un examen d’IRM mammaire est intimement liée à la préparation de la patiente à l’examen d’IRM mammaire par le manipulateur ou la manipulatrice. L’IRM mammaire est un examen long qui nécessite une parfaite immobilité chez une patiente qui arrive souvent angoissée.
• il existe deux principales sortes de plis : les plis générés par la partie inférieure de l’antenne, qui nécessitent que les seins de la patiente soient bien positionnés à mi-hauteur de l’antenne, et les plis médians générés par le rebond de la partie médiale de l’antenne pour chaque sein. Avec sa main, le manipulateur doit vérifier que le sein est bien complètement dans l’antenne et le cas échéant le tirer afin qu’il ne bombe pas sur cette partie médiane de l’antenne. La patiente est placée les bras le long du corps ;
• il est aussi important d’assurer un confort de la patiente concernant son rachis cervical qui est également source de mouvements de la patiente lorsqu’elle est mal installée. Le réglage en hauteur de l’antenne et l’utilisation d’un coussin permettent d’installer la tête de la patiente bien face à l’antenne ;
• enfin, il peut être utile pour limiter les douleurs dorsales de placer un coussin triangulaire sous les jambes de la patiente ce qui permet également de limiter les mouvements durant l’examen ;
• certains proposent de caler les seins à l’aide de mousse (notamment pour éviter le mouvement des petits seins dans l’antenne). Le sein ne doit pas être trop comprimé. Une compression optimale est obtenue en serrant un seul cran supplémentaire dès que le sein touche le compresseur latéral de l’antenne. L’utilisation de cales en mousse est utile si, lorsque l’on arrive au cran le plus serré, le sein ne touche pas l’antenne.
Acquisition des séquences
Un protocole classique d’IRM mammaire comporte une séquence pondérée T2 (caractérisation en l’absence de saturation de graisse, détection en cas d’acquisition avec suppression de graisse), une séquence pondérée T1 (détection du sang, de la graisse et visualisation des clips) et la séquence dynamique après injection qui doit suivre les règles suivantes [3] :
• l’examen doit être réalisé avec un champ magnétique très homogène afin de limiter les artéfacts liés à une suppression inhomogène de la graisse. C’est probablement le point clé de la réussite de l’examen ;
• il doit explorer les deux seins afin de permettre une lecture en miroir en facilitant le repérage de la prise de contraste glandulaire physiologique qui peut être source de faux positifs et en limitant les artéfacts de repliement (survenant en cas de taille de champs de vue et de taille inférieure à la zone explorée et inférieure à celle de la patiente) ;
• l’injection de gadolinium doit être reproductible avec une dose de 0,1 à 0–2 mmol/kg et un débit de 1–2 mL/sec pulsé par 20 mL de sérum physiologique. L’utilisation d’un injecteur automatique est recommandée ;
• l’épaisseur de coupes doit être inférieure ou égale à 3 mm avec une taille de pixel inférieur à 1 mm de chaque côté. De façon optimale, en vue d’un reformatage multiplanaire, le voxel doit être isotropique avec une taille inférieure à 1 mm ;
• enfin, le temps d’acquisition doit être inférieur à 2 minutes puisque le temps de rehaussement moyen d’une tumeur maligne se situe entre 90 et 120 secondes. Actuellement avec les acquisitions 3D volumiques et les techniques d’acquisition parallèle, le temps d’acquisitions est plutôt de l’ordre de la minute.