7: Complications des Lymphœdèmes

Chapitre 7 Complications des Lymphœdèmes



Le système lymphatique a un rôle de présentation antigénique et de défense anti-infectieuse. Les infections sont les complications les plus fréquentes du lymphœdème.



COMPLICATIONS INFECTIEUSES


Les complications infectieuses sont favorisées par le dysfonctionnement du système lymphatique, à l’origine d’une perturbation de l’immunité locorégionale. Les complications bactériennes sont favorisées par la richesse en protéines caractéristique de l’œdème de l’insuffisance lymphatique mécanique. Cette richesse en protéines du tissu interstitiel constitue un milieu de culture idéal pour la croissance des bactéries, en particulier du streptocoque. À l’inverse, des infections sont responsables de lymphœdème : essentiellement la filariose, mais aussi le streptocoque et exceptionnellement les mycobactéries, les Chlamydiae[1].


Le streptocoque β hémolytique (groupes A, C, G) est la bactérie habituellement (et même quasi exclusivement) rencontrée en pratique courante dans les lymphœdèmes. Or, ce germe peut être responsable de destruction des lymphatiques. Il a été ainsi montré que 44 % des patients ayant fait au moins 2 épisodes d’érysipèle streptococcique avaient des anomalies significatives du drainage lymphatique objectivées par lymphoscintigraphie [2]. L’infection est un facteur déclenchant des lymphœdèmes primaires dans 5 à 10 % des cas [1]. C’est un facteur de risque reconnu du lymphœdème secondaire au traitement radiochirurgical d’un cancer du sein [3]. La prévention secondaire et tertiaire du lymphœdème nécessite donc de façon impérative le dépistage, la prise en charge précoce et la prévention des infections bactériennes et mycosiques. À l’inverse, une bonne prise en charge du lymphœdème avec réduction du volume du lymphœdème et soins de la peau et des phanères diminue le risque d’infections mycosiques, porte d’entrée des érysipèles. La relation infection-lymphœdème joue donc dans les 2 sens, chacun pouvant favoriser l’autre.



Infections bactériennes



ÉRYSIPÈLE


L’érysipèle est une dermohypodermite bactérienne non nécrosante sans atteinte de l’aponévrose superficielle. Il est identique à la cellulitis des Anglo-Saxons, mais non du terme « cellulite » utilisé en France qui est source de confusion et doit être abandonné. L’érysipèle est le tableau clinique le plus c marqué par des signes généraux nets : fièvre ≥ 38,5 C, frissons, malaise général. Ces signes annonciateurs sont souvent bien connus des malades atteints de lymphœdème qui ont des érysipèles récidivants. Les signes locaux surviennent dans les heures suivantes : placard inflammatoire rouge, chaud, douloureux, d’extension centrifuge sur quelques jours. L’érysipèle débute à n’importe quel endroit du lymphœdème et peut s’étendre à tout ou partie du tissu cutané lymphœdémateux, de façon antérograde ou rétrograde.


Le diagnostic est clinique et aucun examen complémentaire n’est nécessaire [5]. Aucune autre bactérie que le streptocoque n’a démontré sa responsabilité dans l’érysipèle. Les prélèvements bactériologiques ne sont positifs dans l’érysipèle que dans 4 à 35 % des cas avec les méthodes standards [6]. En utilisant les méthodes les plus sophistiquées (immunofluorescence, PCR) la fréquence d’isolement du streptocoque est de 70 à 80 % [6]. D’autres bactéries (staphylocoque doré, entérobactéries, pyocyanique) ont été isolées, seules ou en association avec le streptocoque, mais ces germes sont des contaminants habituels de la peau colonisant les plaies.


Au cours des lymphœdèmes, il est fréquent d’observer des placards rouges inflammatoires non infectieux sur les membres atteints, dus à une dermoépidermite non spécifique, évoluant par poussées souvent spontanément régressives. Ils sont proches de la dermite de stase observée au cours des œdèmes chroniques. Ils évoluent par poussées inflammatoires souvent spontanément régressives. La chronicité des signes permet le diagnostic. L’abstention thérapeutique est habituelle, mais en cas de gêne, il peut être proposé l’utilisation de dermocorticoïdes. En cas de doute diagnostique il est nécessaire d’utiliser une antibiothérapie. Les autres dermohypodermites bactériennes aiguës sont dues à Erysipelotrix rhusiopathiae (maladie de Rouget du porc), Haemophilus influenzae, Aeromonas hydrophila, Pasteurella multocida, Borrelia borgdorferi[5]. Tout comme la maladie périodique et la cellulite de Wells, elles ont une anamnèse différente ou un tableau clinique moins inflammatoire, moins fébrile, sans la chronologie typique (syndrome général suivi quelques heures plus tard d’un placard inflammatoire).


Le lymphœdème est le principal facteur de risque d’érysipèle (risque multiplié par 71) [7]. Les portes d’entrée, qui peuvent être des plaies minimes, en sont la deuxième cause (risque multiplié par 24) [7]. Les intertrigos et les plaies sont la principale porte d’entrée des infections bactériennes des lymphœdèmes. Le risque de récidive d’érysipèle sur lymphœdème est élevé (50 % dans l’année qui suit le premier épisode).




Traitement


Le traitement est identique pour une lymphangite ou un érysipèle. L’érysipèle est toujours d’origine streptococcique et impose une antibiothérapie systémique [9]. Aucun traitement local n’est nécessaire. Le traitement de première intention est une antibiothérapie per os. La pristinamycine (Pyostacine), 3 g/j, est le traitement de référence. Dans une étude randomisée de 289 érysipèles le taux de succès était de 81 % pour la pristinamycine et de 67 % pour la pénicilline (IV puis relais per os), avec une fréquence d’effets secondaires équivalente [10]. On peut aussi utiliser l’amoxicilline, 3 à 4,5 g/j [9]. La durée du traitement est de 14 jours. Les antiinflammatoires non stéroïdiens et les corticoïdes ne doivent pas être utilisés en traitement adjuvant car ils majorent le risque de fasciite nécrosante [9]. Un traitement anticoagulant n’est pas justifié par la seule existence d’un érysipèle sur lymphœdème [9,11]. Le risque de survenue d’une thrombose veineuse profonde n’est en effet que de 0,7 à 4,5 % [11]. La recherche systématique par écho-Doppler d’une thrombose veineuse profonde n’est pas justifiée [11].


À la période aiguë de l’érysipèle, il est proposé d’arrêter les drainages lymphatiques manuels et la pressothérapie pneumatique, mais aucune étude n’a montré que la kinésithérapie ou la compression était un facteur favorisant une infection bactérienne sur lymphœdème. La pressothérapie a été accusée dans des cas isolés d’avoir provoqué des poussées de lymphangite ou d’érysipèle. Ceci n’a pas été confirmé par une étude rétrospective à grande échelle [12]. Une compression modérée peut continuer à être utilisée en fonction de la tolérance.


Après un érysipèle, il faut maintenir le traitement du lymphœdème qui diminue le risque de récidive. Un traitement combiné décongestif a démontré son efficacité dans la diminution des récidives d’érysipèle [13]. Une prévention primaire d’érysipèle diminue son risque [14]. La prévention des infections nécessite de diminuer les facteurs de risque de lymphœdème qui sont locaux (tableaux 4–1 et 4–2). Le dépistage et le traitement d’une mycose, notamment interorteil, sont les mesures les plus rentables en termes de prévention des complications infectieuses, compte tenu de la fréquence de cette pathologie [7]. Le traitement des plaies doit être rigoureux et précoce, mais n’a pas de particularité par rapport à celui fait en dehors du lymphœdème. On recommande le nettoyage de la plaie à l’eau du robinet; l’utilisation d’antiseptique n’a jamais fait la preuve de son efficacité [15]. Dans tous les cas il est nécessaire de vérifier la vaccination antitétanique.L’efficacité des soins cutanés et de l’hygiène générale est comparable à celle de l’antibiothérapie prophylactique [16]. Lorsque les facteurs favorisants sont difficilement contrôlables et qu’une récidive d’érysipèle ou de lymphangite est survenue malgré une bonne prise en charge du lymphœdème, l’utilisation d’une antibioprophylaxie antistreptococcique est nécessaire [9]. L’antibiothérapie prophylactique est proposée à tout lymphœdème ayant fait deux épisodes d’érysipèle séparés de moins de 6 mois ou en cas de récidives plus espacées mais nombreuses. On utilise la pénicilline per os (Oracilline 3 millions Ul/j), ou en intramusculaire (Extencilline, 2,4 millions UI tous les 14 à 21 jours). La durée de l’antibiothérapie prophylactique n’est pas codifiée (elle est souvent prolongée voire définitive car son effet n’est que suspensif) et en cas de récidive sous traitement il n’est pas nécessaire de changer d’antibiotique, ni de l’arrêter, car aucune résistance du streptocoque à la pénicilline n’a été rapportée et elle garde toujours une efficacité dans la prévention des récidives [17]. En cas d’allergie aux β-lactamines des macrolides sont conseillés; la roxithromycine (Rulid) a été validée dans l’érysipèle [18].



Tableau 7-1 Érysipèle : facteurs de risque [7].



























  ODDS RATIO IC95 %
Lymphœdème 71,2 5,6-908
Porte d’entrée 23,8 10,7-52,5
Insuffisance veineuse 2,9 1,0-8,7
Œdème des MI 2,5 1,2-5,1
Obésité 2 1,1-3,7

IC95 % : intervalle de confiance de l’odds ratio à 95 %



Tableau 7-2 Érysipèle : facteurs de risque [7] (local vs général) [7].

































  ODDS RATIO
IPSILATÉRAL CONTROLATéRAL
Lymphœdème 69
Ulcères de jambe 25 (0,6-16)
Escarre 12 (0,2-57)
Plaie 10 0,2
Intertrigo interorteil 10 0,7
Dermatoses excoriées 4 (0,7-7,4)

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Jul 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 7: Complications des Lymphœdèmes

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