Chapitre 6 Traitement des Lymphœdèmes
Le lymphœdème primaire et secondaire est une pathologie chronique dont le traitement est symptomatique et a fait l’objet de plusieurs consensus ou recommandations [1–3].
PHYSIOTHÉRAPIE DECONGESTIVE COMPLÉTE
La physiothérapie décongestive complète (ou complexe) parfois appelée thérapie physique multimodale représente l’élément essentiel du traitement des lymphœdèmes. Elle permet non seulement de diminuer le volume du lymphœdème mais entraîne également une amélioration de la qualité de vie. Elle se divise en deux phases [4]. La première phase, dite « intensive », destinée à réduire le volume du lymphœdème, est composée de l’association de bandages peu élastiques multicouches, de drainages lymphatiques manuels, d’exercices sous bandage et de soins de peau. Elle peut être effectuée en hospitalisation avec des bandages gardés 24 heures/24 et renouvelés tous les jours ou en ambulatoire par un kinésithérapeute formé à ces techniques, avec des bandages renouvelés trois fois par semaine et maintenus entre chaque changement. La deuxième phase, dite phase « d’entretien », vise d’une part à maintenir le volume réduit à long terme voire à poursuivre la réduction volumétrique du lymphœdème, d’autant plus que la compliance au traitement est bonne. Elle associe le port d’une compression élastique la journée, la réalisation de bandages multicouches peu élastiques la nuit à une fréquence inférieure à celle du traitement intensif, que le patient peut réaliser lui-même après apprentissage, des exercices sous bandages, des soins de peau, et lorsque cela est nécessaire, des drainages lymphatiques manuels (tableau 6-1). Il faut vérifier la bonne adaptation de la compression élastique, la réalisation correcte des auto-bandages et la bonne compréhension de la prise en charge.
PHASE I : TRAITEMENT INTENSIF (REDUCTION VOLUMETRIQUE) | PHASE II : TRAITEMENT D’ENTRETIEN (MAINTIEN DU VOLUME) |
---|---|
Bandages multicouches peu élastiques 24 heures/24 Drainages lymphatiques manuels Exercices sous bandages Soins de peau | Compression élastique la journée, du matin au soir, tous les jours Bandages multicouches peu élastiques la nuit (3 par semaine) Exercices sous bandages Soins de peau Drainages lymphatiques manuels si nécessaire |
Bandages multicouches peu élastiques
Les bandages représentent l’élément essentiel et fondamental de la physiothérapie décongestive complète, destinée à réduire le volume du lymphœdème [5]. Il s’agit de poser, sans les serrer, des bandes peu élastiques – c’est-à-dire à allongement court < 100 % [6] – sur un capitonnage fait, soit de coton, soit de mousse (NN ou alvéolée : Mobiderm) ou d’une combinaison des deux. L’étape suivante est la pose de bandes peu élastiques (Somos, Flexideal, Comprilan, Rosidal K) en partant des extrémités jusqu’à la racine du membre. Ces bandages sont appelés multicouches (multi-layer dans les articles de langue anglaise) car il y a superposition de 2 à 4 épaisseurs du même type de bande. La technique doit être irréprochable car ces bandages doivent pouvoir être maintenus 24 à 36 heures sans « glisser » et sans serrer. La pression exercée au repos est faible, ce qui permet de les supporter (à la différence des bandes élastiques), mais augmente nettement lors de la contraction musculaire puisqu’ils sont peu extensibles. Toutes les études confirment l’efficacité de ces bandages avec des diminutions de volume comprises entre 25 et 73 % avec des durées de traitement variant de 1 à 4 semaines. Ces bandages sont différents des bandages multicouches multidispositifs composés de l’association de bandes ayant des allongements différents (bande élastique, à allongement court voire bande cohésive) utilisés en pathologie vasculaire. Il n’existe cependant aucune étude de qualité suffisante pour évaluer l’efficacité en termes de réduction volumétrique et la tolérance de ce type de bandage dans le traitement du lymphœdème. Cependant, elles sont parfois utilisées en association avec une bande à allongement court pour augmenter la pression dans la journée, en particulier lorsque le patient est inactif, que la mobilité est réduite ou s’il existe une insuffisance veineuse [Framework], mais il est alors nécessaire de l’enlever la nuit en raison d’une pression de repos élevée pouvant entraîner des complications locales (douleurs, ischémie). Ces bandes élastiques peuvent aussi être posées sans étirement et leur superposition possède alors un effet plus contensif que compressif. Pour le dos du pied et éventuellement les malléoles, on peut appliquer un strapping (bande adhésive type Biplast) qui rend possible le chaussage dès les premières applications et peut rester en place pendant 2–3 jours d’où son avantage lors de déplacements ou de pratiques sportives [7].
Apprentissage des auto-techniques de bandage
Il s’intègre dans l’éducation thérapeutique et est indispensable pour favoriser l’autonomie des patients. Ces auto-techniques sont enseignées par un kinésithérapeute mais sont adaptées et simplifiées. L’aide de l’entourage est parfois nécessaire. Il est conseillé de pratiquer ces auto-techniques à une fréquence d’au moins trois par semaine la nuit, associée au port d’une compression élastique la journée, ce qui permet, après un traitement intensif pour lymphœdème secondaire après cancer du sein, de maintenir la réduction volumétrique du lymphœdème à 6 et 12 mois [5]. Parallèlement, cette prise en charge favorise l’autonomie et améliore la qualité de vie des femmes ayant un lymphœdème du membre supérieur après traitement d’un cancer du sein. Ces techniques d’auto-bandage peuvent être révisées à distance avec un kinésithérapeute pour vérifier leur bonne réalisation. L’aide des associations de patients comme l’AVML (Association vivre mieux le lymphœdème) peut être utile pour organiser ces séances de révision dans le cadre de l’éducation thérapeutique.
Compression élastique
Le terme de compression élastique est plus approprié que le terme de contention. En effet, la pression s’exerce en permanence sur le membre à traiter en raison de la présence des fibres élastiques et on devrait réserver le terme de contention aux seuls bandages peu élastiques qui exercent une pression faible au repos mais élevée à l’effort. Après la réduction de volume du lymphœdème obtenue par les bandages peu élastiques, le port d’une compression élastique est indispensable. Il n’est généralement pas conseillé de la garder la nuit. Le type de compression doit être adapté au lymphœdème : manchon avec ou sans mitaine attenante (couvrant la main), gantelet prenant les doigts pour les membres supérieurs, bas jarret (mi-bas), bas cuisse, collant (avec ou sans culotte compressive), hémicollant ou panty pour les membres inférieurs. Les forces de pression sont définies en France en classes I (1015 mmHg), II (15-20 mmHg), III (20-36 mmHg) et IV (> 36 mmHg). Au membre supérieur, les compressions de classe II, III ou IV peuvent être proposées alors qu’au membre inférieur, il faut privilégier une classe III ou IV (avec le recours fréquent à la superposition). Dans la plupart des cas, les compressions sont réalisées sur mesure en raison de la morphologie des membres incompatible avec les compressions standards. Le recours à un orthésiste ou pharmacien orthopédiste est indispensable dans ces situations. Elles doivent être remplacées tous les 3 à 4 mois en raison de leur perte d’efficacité. Les compressions élastiques permettent de maintenir le résultat et d’éviter la reprise volumétrique après la phase intensive de réduction [5, 8].