Chapitre 6
Dermatoses virales, à rickettsies et à protozoaires
Maladie de Carré
Caractéristiques
La maladie de Carré est due à un morbillivirus apparenté aux virus de la rougeole et de la peste bovine. Elle est fréquente chez le chien, l’incidence la plus élevée étant rapportée chez les jeunes chiots non vaccinés.
Diagnostic
1. Exclure les autres hypothèses diagnostiques.
2. Immunocytologie ou technique PCR (sang, jetage nasal ou oculaire, salive, raclages conjonctivaux, liquide céphalorachidien [LCR]) : détection de l’antigène (ou de l’ADN [NdT]) de la maladie de Carré.
3. Dermatohistopathologie (coussinets atteints) : les modifications non spécifiques incluent une hyperkératose orthokératosique, une acantholyse irrégulière, un épaississement des crêtes épidermiques et une légère dermatite périvasculaire et périannexielle à cellules mononucléées. Les corps d’inclusions viraux éosinophiliques intracytoplasmiques et la dégénérescence ballonisante ne sont pas toujours visibles.
4. Immunohistochimie (coussinet, truffe, peau velue de la face dorsale du cou) : détection des antigènes de la maladie de Carré.
Traitement et pronostic
1. Aucun traitement antiviral spécifique n’est disponible.
2. Fournir un traitement de soutien et administrer une antibiothérapie à large spectre par voie orale ou parentérale afin de prévenir une infection bactérienne secondaire.
3. Le pronostic est sombre chez les chiens atteints d’une hyperkératose nasodigitée. La maladie de Carré est contagieuse pour les autres chiens mais pas pour le chat ni pour l’homme.
Figure 6.2 Maladie de Carré. Même chien que sur la figure 6.1. Les croûtes avec hyperkératose des coussinets sont typique de la maladie de Carré.
Papillomatoses
Caractéristiques
Les papillomatoses virales canines sont caractérisées par la présence de tumeurs bénignes induites par une infection des cellules épithéliales par des papillomavirus à ADN spécifiques d’espèce. Chez l’hôte, les oncogènes viraux induisent une croissance et une division cellulaires épithéliales à l’origine d’une instabilité chromosomique et de mutations. Les papillomavirus sont transmis par contact direct et indirect et présentent une période d’incubation de 1 à 2 mois. Les papillomes du chien peuvent persister jusqu’à 4 à 6 mois dans la cavité buccale et 6 à 12 mois sur la peau avant de régresser. L’immunité cellulaire est la clé de la régression des papillomes ; des conditions immunosuppressives (dont le virus de l’immunodéficience féline [FIV]) et les traitements immunosuppresseurs peuvent exacerber et prolonger l’infection.
Papillomatose buccale canine
Les jeunes chiens sont les plus souvent affectés. La papillomatose buccale du chien est une affection généralement circonscrite de la cavité buccale et des lèvres ; elle peut parfois infecter le nez, les conjonctives et la peau velue. Les lésions débutent par de multiples papules et plaques blanches et lisses qui évoluent par la suite en lésions verruqueuses en chou-fleur. Les lésions régressent généralement en 3 mois.
Papillomatose cutanée canine (exophytique)
Ces lésions sont plus fréquentes chez les chiens âgés ; le Cocker Spaniel et le Kerry Blue Terrier pourraient être prédisposés. Les lésions se situent principalement sur la tête, les paupières et les pieds. Les lésions sont des masses pédonculées, isolées ou multiples, lisses à feuillues, alopéciques, de couleur chair ou pigmentées, d’un diamètre ne dépassant généralement pas 5 mm de diamètre.
Papillomes cutanés inversés
On les rencontre plus généralement chez les jeunes chiens. Il s’agit d’une affection autolimitante avec présence de lésions essentiellement en partie ventrale de l’abdomen et en région inguinale. Les lésions sont des masses isolées ou multiples, rondes, surélevées, d’un diamètre compris entre 1 et 2 cm et invaginées en leur centre.
Plaques multiples pigmentées
Ces lésions apparaissent plus généralement chez le Schnauzer nain et le Carlin ; elles pourraient être transmises de façon héréditaire sur le mode autosomique dominant. Elles se manifestent sous la forme de lésions non régressives affectant le ventre et la face médiale des cuisses. Les lésions débutent par des macules et des plaques pigmentées progressant vers des masses planes, squameuses et hyperkératosiques. Certaines lésions peuvent subir une transformation maligne en carcinome épidermoïde.
Papillomatose génitale du chien
Il s’agit d’une forme d’infection vénérienne à papillomavirus rarement rencontrée et encore mal décrite. Les lésions se manifestent sous forme de plaques papillomateuses surélevées sur la muqueuse pénienne ou vaginale.
Papillome des coussinets du chien
Il s’agit d’une maladie rarement décrite chez le chien adulte, dont l’étiologie n’a pas systématiquement été attribuée à un virus. (L’auteur a cependant traité deux cas de papillome des coussinets du chien, avec mise en évidence chez l’un d’entre eux d’un antigène de papillomavirus à l’immunohistochimie, et avec une réponse favorable dans les deux cas à un traitement immunomodulateur à l’interféron.) Les lésions sont des masses hyperkératosiques fermes affectant plusieurs coussinets. Des lésions interdigitées ont été décrites chez le Greyhound. Une boiterie et une infection bactérienne secondaire sont possibles.
Papillomatose buccale du chat
L’infection entraîne l’apparition de nombreuses masses surélevées, ovales, à toit plat, de 4 à 8 mm de diamètre dans la cavité buccale et en particulier sur la face ventrale de la langue.
Papillomes viraux multiples du chat
Les chats atteints sont d’âge moyen ou âgés. Les lésions surviennent sur la peau velue de la tête, du cou, de la face dorsale du thorax, de la face ventrale de l’abdomen et de la partie proximale des membres. Les lésions sont de multiples masses de taille variable (3 mm à 3 cm) qui progressent de macules pigmentées en plaques hyperkératosiques. La maladie peut évoluer en carcinome épidermoïde multicentrique du chat (maladie de Bowen).
Papillome cutané solitaire du chat
Il s’agit d’une lésion rare dont l’étiologie virale n’a pas été prouvée. Les lésions surviennent chez le chat adulte et il n’existe aucun site de prédilection. Cliniquement, elles apparaissent sous forme de petites masses pédonculées hyperkératosiques (moins de 5 mm).
Diagnostic
1. Dermatohistopathologie : hyperplasie épidermique et papillomatose avec dégénérescence ballonisante des cellules épidermiques, des corps d’inclusions intranucléaires (présence inconstante) et des granules kératohyalins proéminents.
2. Détection possible de l’antigène (ou de l’ADN [NdT]) de papillomavirus par immunohistochimie ou PCR.
Traitement et pronostic
1. La plupart des infections à papillomavirus régressent spontanément après développement chez l’hôte d’une réponse immunitaire à médiation cellulaire.
2. La chirurgie peut être curative en cas de lésions isolées persistantes, mais il convient de rester prudent lors de la manipulation des tissus afin d’éviter de répandre les particules virales sur le site chirurgical.
3. La cryothérapie et l’ablation au laser sont souvent efficaces, mais il est parfois nécessaire de les répéter.
4. L’administration PO de 5 à 10 mg/kg d’azithromycine toutes les 12 à 48 heures chez le chien et le chat a révélé une efficacité variable et ne présente que des effets secondaires minimes.
5. L’administration SC de 1,5 à 2 millions unités/m2 d’interféron alpha trois fois par semaine pendant 4 à 8 semaines (2 semaines au-delà de la guérison clinique) a révélé une efficacité anecdotique dans des cas de papillomes viraux buccaux ou cutanés chez le chien et le chat.
6. À titre anecdotique, l’application topique d’imiquimod 5 % en crème toutes les 24 à 48 heures jusqu’à régression des lésions a révélé une efficacité en cas de papillomes cutanés chez le chien et de maladie de Bowen chez le chat. L’animal doit porter une collerette pour empêcher le léchage et l’ingestion du médicament.
7. L’efficacité des vaccins autogènes et des agents immunomodulateurs (par exemple lévamisole, thiabendazole) n’est pas documentée.
8. Un nouveau vaccin recombinant contre le papillomavirus buccal du chien (COPV), produit par le Georgetown University Medical Center, semble être prometteur dans le traitement des cas de papillomes buccaux réfractaires du chien. Il contient la protéine majeure L1 de la capside du COPV. Dans le seul rapport de cas clinique publié, on a administré six vaccins par voie sous-cutanée en région interscapulaire. Les trois premiers rappels furent administrés à 2 semaines d’intervalle et les deux derniers à 1 mois d’intervalle. Les papillomes buccaux ont complètement régressé avant l’administration du dernier traitement, et ce sans qu’aucune récidive ne soit observée en 60 mois de suivi.
9. On a rapporté l’effet bénéfique d’une administration orale de rétinoïdes (c’est-à-dire acitrétine 0,5–1 mg/kg PO toutes les 24 heures) dans un cas de papillome inversé et dans un cas de plaques pigmentées chez le chien.
10. Les antimétabolites peuvent être utilisés afin d’inhiber la synthèse d’ADN et la prolifération. Appliquer en topique une solution de 5-fluorouracil (5-FU) à 0,5 % toutes les 24 heures pendant 5 jours, puis tous les 7 jours pendant 4 à 6 semaines en cas de maladie cutanée (chien uniquement). Mettre en place une collerette chez le chien afin de prévenir l’ingestion du médicament, et demander au propriétaire de porter des gants en latex. Une dermatite de contact et une toxicité systémique sont possibles.
11. Le pronostic est généralement bon car la plupart des cas régressent spontanément. Une transformation maligne en carcinome épidermoïde est possible en cas de plaques hyperpigmentées du chien, de papillomes viraux multiples chez le chat, ainsi que dans de rares cas de papillomes buccaux et cornéens.
Figure 6.5 Papillomavirose. Protrusion de cornes cutanées sur des papillomes intéressant l’abdomen d’un jeune chien âgé de 6 mois.
Figure 6.6 Papillomavirose. Plaque papillomateuse de grande taille en face latérale du thorax chez un Berger allemand adulte.
Figure 6.7 Papillomavirose. De multiples papillomes ont formé une plaque sur l’oreille de ce chat. (Remerciements à A. Yu.)
Figure 6.8 Papillomavirose. Vue rapprochée du chat de la figure 6.7. La surface surélevée de la plaque papillomateuse est visible. (Remerciements à A. Yu.)