Chapitre 59 Décollement de rétine par hémangioblastomes rétiniens de la maladie de von Hippel-Lindau
Les hémangioblastomes capillaires rétiniens sont une des manifestations les plus fréquentes de la maladie de von Hippel-Lindau, puisqu’ils sont présents chez environ la moitié des sujets porteurs du gène de la maladie. Dans les cas les plus sévères, ils peuvent aboutir à la cécité de l’œil atteint par décollement de rétine exsudatif et tractionnel [6,29]. Alors que les hémangioblastomes capillaires rétiniens de petite ou moyenne taille (inférieure ou égale à un diamètre papillaire) sont assez facilement traitables par photocoagulation au laser associée ou non à une cryothérapie trans-sclérale, les hémangioblastomes capillaires volumineux posent de difficiles problèmes thérapeutiques.
La maladie de von Hippel-Lindau est une maladie rare (un cas pour trente-six mille naissances) qui affecte moins de mille familles en France. Il s’agit d’une maladie héréditaire autosomale dominante, pluriviscérale, qui entraîne la formation de tumeurs vasculaires bénignes comme les hémangioblastomes capillaires rétiniens, ou malignes comme les cancers du rein. Ces tumeurs comprennent les hémangioblastomes du système nerveux central (rétine, cervelet, moelle épinière), des kystes rénaux bénins et des carcinomes rénaux à cellules claires, des phéochromocytomes, des kystes pancréatiques, des cystadénomes épididymaires. L’atteinte oculaire est une des plus fréquentes, présente dans environ 50 % des cas. Elle est bilatérale dans 60 % à 70 % des cas mais souvent asymétrique [4,12,30].
Le diagnostic génétique de la maladie est maintenant possible. Le gène VHL est situé sur le bras court du chromosome 3 (3p25-26) et code une protéine dénommée protéine VHL qui joue un rôle important dans la régulation de la réponse cellulaire à l’hypoxie. Il s’agit d’un gène suppresseur de tumeur qui nécessite la mutation somatique locale de l’autre allèle pour entraîner un processus tumoral. Les patients présentant une délétion complète de la protéine VHL tendent à avoir la plus faible incidence d’atteinte oculaire et le pronostic oculaire le plus favorable [28].
Dans deux études de cohortes [6,29], les auteurs ont rapporté qu’un des deux yeux était aveugle au moment de l’étude dans 20 % à 25 % des cas, essentiellement par décollement de rétine dû à la prolifération angiomateuse ou par glaucome néovasculaire.
Aspects cliniques des hémangioblastomes capillaires rétiniens
Différentes techniques ont été utilisées pour traiter ces situations difficiles, comprenant l’utilisation de plaques radioactives, de thérapie photodynamique, d’injection intravitréenne d’anti-VEGF. Peu de cas opérés par chirurgie rétinovitréenne ont été rapportés.
Traitement
TRAITEMENT PAR LASER TRANSPUPILLAIRE
Les hémangioblastomes capillaires rétiniens entraînant un décollement séreux rétinien atteignant ou menaçant la macula, même si leur taille est supérieure à un diamètre papillaire, peuvent être traités par laser transpupillaire [16,27], à condition qu’ils ne soient pas recouverts de fibrose et ne présentent pas de phénomènes de traction vitréorétinienne exagérés.
TRAITEMENT PAR CHIRURGIE RÉTINOVITRÉENNE
Peu de publications ont rapporté les résultats de la chirurgie dans ces cas. Le premier cas d’excision par voie trans-sclérale d’un hémangioblastome capillaire rétinien a été rapporté par Peyman en 1983 [24] mais la technique n’a pas été développée. En 1988, Machemer et Williams ont publié les résultats de deux cas dans lesquels la dissection de membranes épirétiniennes avait permis de recoller la rétine sans laser ni cryoapplication mais sans succès visuel [18]. Deux autres cas de chirurgie rétinovitréenne pour hémangioblastomes capillaires rétiniens, comportant une diathermie des hémangioblastomes et un tamponnement par silicone, ont été rapportés en 1987 [9]. Un cas de ligature transrétinienne du vaisseau nourricier a été rapporté, mais l’hémangioblastome s’est revascularisé à partir de vaisseaux adjacents [7]. Plus récemment, Liang et al. en 2007 [17] et Schlesinger et al.[26] en 2008 ont également réalisé des excisions d’hémangioblastomes capillaires rétiniens par voie de rétinectomie. Dans d’autres publications, la chirurgie rétinovitréenne a été réalisée en complément d’un traitement préalable par laser, cryothérapie ou photothérapie dynamique [15,19,21]. La prolifération fibrovasculaire d’angiomes rétiniens périphériques a aussi été traitée dans une douzaine de cas rapportés [8,13,31]. En addition à cette trentaine de cas, nous avons rapporté notre expérience chirurgicale de vingt-trois yeux opérés sur une période de dix-huit ans de 1991 à 2008 [10].
Dans le groupe « L », une moyenne de 1,7 opération a été nécessaire. Six mois après la chirurgie initiale, la rétine était réappliquée dans treize des quatorze yeux. Le suivi moyen a été de quatre ans. De nouveaux hémangioblastomes capillaires sont survenus dans dix yeux et ont nécessité un traitement par laser. À long terme, un œil est devenu aveugle après dix ans en raison d’un glaucome néovasculaire dû à une prolifération incontrôlable d’hémangioblastomes. Deux autres yeux sont devenus aveugles après dix ans à cause d’un décollement rétinien exsudatif. Dans les onze yeux restants, l’acuité visuelle variait de 0,06 à 10/10 (médiane : 0,4) dixhuit mois après l’intervention initiale (fig. 59-1 et 59-2).