Clinique et prise en charge du psychotraumatisme chez l’enfant
Le DSM-IV (American Psychiatric Association, 1996) parle de traumatisme psychique pour « un événement ou des événements durant lesquels des individus ont pu trouver la mort ou être très gravement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de blessures graves ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée ». Le psychotraumatisme regroupe chez l’enfant des situations très variées comme la maltraitance (sexuelle, physique ou psychologique), les autres agressions (sexuelles, physiques ou autres), le harcèlement (notamment en milieu scolaire : school bullying) ou les accidents et catastrophes d’origine naturelle ou non (accidents de la voie publique ou accidents domestiques). On distingue le psychotraumatisme de type I quand l’événement est unique, limité dans le temps et le psychotraumatisme de type II, quand l’événement est prolongé ou répété (Terr, 1991).
Nous présenterons successivement les particularités propres aux principaux événements, les conséquences psychopathologiques puis les principaux axes de la prise en charge des enfants.
Visages du psychotraumatisme chez l’enfant
Maltraitance
Les violences physiques touchent principalement les très jeunes enfants. Les traumatismes crâniens représentent la première cause de décès chez l’enfant maltraité. Les fractures du crâne, présentes chez 15 % de ces enfants, indiquent un impact direct. Mais des lésions intracrâniennes peuvent exister en l’absence de fracture. Ainsi, l’hématome sous-dural s’observe essentiellement chez l’enfant âgé de moins de 2 ans et est le plus souvent consécutif au syndrome dit « du bébé secoué », c’est-à-dire à des mouvements de translation et de rotation brutale imposés à la tête du nourrisson. La forme aiguë réalise un tableau de détresse vitale neurologique alors que la forme chronique est plus difficile à diagnostiquer (augmentation de la vitesse de croissance du périmètre crânien, troubles du comportement, troubles alimentaires à type de vomissements ou de stagnation pondérale, signes neurologiques avec malaise et/ou convulsions). Bien que plus rares, les lésions viscérales représentent la seconde cause de décès. Leur risque principal est d’évoluer à bas bruit et de ne se révéler que quelques jours après le traumatisme. L’imagerie doit donc être d’indication large, au moindre doute. L’association de lésions tégumentaires et/ou muqueuses d’âges différents est très évocatrice de mauvais traitements. Elle impose d’effectuer un examen clinique complet sur l’enfant entièrement dévêtu. La moindre contusion sur le corps d’un jeune nourrisson est toujours hautement suspecte et doit conduire à une évaluation. Les radiographies de squelette complet sont d’indication large, notamment avant l’âge de 2 ans. Après 2 ans, les clichés sont orientés en fonction de la clinique. Sont très évocatrices de violences physiques des fractures d’âges différents, une fracture ancienne négligée avec présence d’un cal hypertrophique, un arrachement métaphysaire, une fracture de l’arc postérieur d’une côte, du sternum, de l’acromion avec arrachement de l’extrémité de la clavicule, des apophyses épineuses et transverses des vertèbres, une embarrure occipitale et la fracture spiroïde d’un os long. Si le diagnostic de lésions traumatiques est aisé, le diagnostic de mauvais traitements est en revanche beaucoup plus difficile à établir. Il repose sur un faisceau d’arguments en s’appuyant notamment sur une évaluation pluridisciplinaire et sur le caractère des lésions, leur topographie, leur aspect multifocal, leur association, leur répétition (lésions d’âges différents) et leur évolution favorable au cours de l’hospitalisation; l’existence d’un retard dans le recours aux soins; l’entretien avec les parents sur les circonstances du traumatisme comporte souvent des discordances, des incohérences, voire des invraisemblances entre les lésions constatées et les explications fournies; l’aspect de l’enfant et son comportement, en sachant ne pas trop se fier aux apparences : un enfant sale et négligé peut n’être victime d’aucune brutalité alors qu’un enfant maltraité peut avoir un aspect soigné; le recueil des antécédents de l’enfant et des autres enfants de la fratrie.
Une maltraitance psychologique accompagne les violences physiques, sexuelles, ou les négligences graves. Mais elle peut être isolée, l’enfant souffrant de rejet, d’abandon, de menaces, de dévalorisation, d’injustices criantes, voire plus activement de cruauté mentale. Elle met en danger le développement affectif et social de l’enfant, l’harmonie relationnelle nécessaire à ce développement et éventuellement la structuration même de sa personnalité. Elle affecte particulièrement l’estime de soi. Elle peut compromettre sa capacité de percevoir, de sentir, de comprendre et d’exprimer des émotions. Elle est difficile à détecter, à évaluer et à prouver. De nombreux cas de violence psychologique ne sont jamais dénoncés. On sait la fréquence des violences conjugales et que des enfants en sont souvent témoins; ils en sont aussi victimes, même quand ils ne sont pas eux-mêmes frappés : contraindre un enfant à voir ou à entendre sa mère se faire agresser, c’est lui infliger une forme de violence psychologique. Le fait de grandir dans un tel environnement est fortement insécurisant et nuit gravement au développement psychologique et social de l’enfant qui peut prendre l’agresseur comme modèle de comportement ou finir par croire que la victimisation est partie intégrante de toute relation; c’est ainsi que le cycle de la violence se perpétue de génération en génération.