51: Le débriefing psychologique : indications et débats


Le débriefing psychologique : indications et débats



Le débriefing psychologique a traversé des heures de gloire parfois excessive comme le remède miracle systématique à proposer à toute situation de stress intense. Actuellement le débriefing psychologique retrouve une place plus pondérée. De nombreuses études internationales aident à recentrer le positionnement de cette intervention technique pour des situations précises.


En 1983, c’est le psychologue américain Jeffrey Mitchell, un ancien pompier devenu psychologue, qui suggère de reprendre la technique narrative de Marshall pour codifier des procédures de debriefing applicables aux équipes de sauveteurs civils, pompiers et policiers au lendemain d’incidents critiques. Le but de ce Critical Incident Stress Debriefing (CISD), qu’il a élaboré était de réduire les désordres émotionnels des pompiers après une situation particulièrement intense, de restituer la capacité de travail, de faciliter la réinsertion au sein de la famille et de contribuer aussi à prévenir les évolutions pathologiques. Pour Mitchell (1988), le debriefing se distingue de l’intervention thérapeutique par quatre points :



Par la suite, dans différents pays, divers auteurs ont préconisé des adaptations de la technique Mitchell : Raphael (1986) pour doubler la restructuration cognitive d’une verbalisation de soulagement émotionnel, Armstrong (1991) pour calquer la procédure sur l’inventaire des facteurs stressants en cause, Shalev (1994) pour substituer une mémoire verbalisée à la mémoire traumatique (qui est une mémoire d’images) et Dyregrov (1997) pour y adjoindre les effets de la dynamique de groupe (cf. Crocq, Histoire du debriefing, 2004).


Dans les pays francophones, à l’expérience de divers débriefings (soignants lors de l’effondrement d’une tribune lors d’un match de football au stade de Furiani en 1992, étudiants victimes d’un attentat terroriste dans un amphithéâtre à Woluwé en 1993, passagers pris en otages par des terroristes d’un détournement d’avion de ligne Alger-Paris en 1994, enfants pris en otages dans une école à Clichy en 1995 (Jehel et al. 1997), militaires affectés à des missions d’interposition ou humanitaires en ex-Yougoslavie ou au Rwanda, (1994)), les cliniciens se sont démarqués des consignes imposées par Mitchell et ont reconnu au débriefing une fonction thérapeutique. Crocq (2004) a identifié dix objectifs du débriefing, dont le principal est la verbalisation spontanée des émotions, à des fins cathartiques. Lebigot (1997) récuse le récit factuel, incapable de faire accéder au « réel » de l’expérience traumatique et souligne le travail personnel du sujet débriefé (même s’il se reconnaît dans le discours de l’autre) car chacun a affronté l’événement d’une manière qui n’appartient qu’à lui, et qui ne correspond pas à la « fable collective ». Parmi les écueils à éviter, il signale le piège de la compassion, qui dépouille le participant de ses velléités d’autonomie, le piège de la « déculpabilisation », alors que la culpabilité est un levier thérapeutique qui ne peut être activé, dans la durée, que par le sujet lui-même. Il souligne aussi le piège de la « dédramatisation », qui prétendrait retirer artificiellement ce caractère « dramatique » de l’événement. Pour tous les auteurs une intervention unique ne peut-être qu’une étape qui permet avant tout d’initier un travail personnel d’assimilation de son expérience traumatique, pour ceux qui souffrent, et ne peut suffire à résoudre un trauma.



Un débriefing psychologique version « francophone » ou intervention psychothérapeutique postimmédiate ?


Pour la plupart des auteurs français et belges (Crocq, Lebigot, De Clercq, Vermeiren, De Soir, Jehel), le débriefing psychologique doit être pratiqué en postimmédiat. À la phase initiale des premières heures l’intervention doit être celle d’un déchocage psychologique. Dans cette intervention il n’est pas question d’imposer aux personnes victimes une intervention psychologique d’analyse émotionnelle et psychologique de l’événement encore présent. L’objectif est dans cette première étape de contenir les émotions, de limiter l’impact désorganisant du choc traumatique et d’identifer les personnes les plus perturbées et dont les risques de développer des troubles posttraumatiques sont les plus importants.


Le plus souvent, il faut attendre 2 à 3 jours après l’événement, parfois plus dans le cas d’attente des obsèques notamment. Ceci est donc à distinguer des soins pratiqués sur le terrain, dans les premières 24 heures, par les Cellules d’urgence médicopsychologique, et qui comprennent gestion de crise et defusing (Vaiva et al. 2005) ou déchocage psychologique. La temporalité du débriefing dépend de la gravité de l’événement mais au-delà d’un certain délai quelques cliniciens considèrent qu’il perdrait son bénéfice thérapeutique. Pour d’autres (Chemtob et al. 1997) un débriefing psychologique réalisé même plusieurs mois après l’événement, voire quelques années, peut être utile. Pour Shalev, la différence est alors la durée de la souffrance et la difficulté croissante avec le temps de traiter un trouble qui a eu tendance à renforcer la désorganisation de la vie psychique et sociale de la personne atteinte d’ESPT.


Le débriefing est une technique développée pour des groupes qui ont une cohérence antérieure à l’événement traumatogène, notamment par des liens institutionnels. En individuel, la dynamique de groupe est perdue mais d’autres objectifs sont possibles notamment une élaboration plus fine dans un processus de réorganisation psychique.


Les personnes pratiquant le débriefing doivent être des professionnels de santé formés à cette technique. Le meneur du débriefing est psychiatre ou psychologue clinicien accompagné d’un collaborateur averti pour tout débriefing de groupe. Dans ce contexte le terme de débriefing apparaît confus car il sous-entend un briefing. Aussi a-t-on proposé le terme d’intervention psychothérapique précoce (Crocq 2002) ou mieux d’intervention psychothérapeutique post-immédiate ou IPPI (Jehel et al. 2005).


Dans le déroulement de l’intervention psychothérapeutique postimmédiate, le recours à l’évocation des faits est un point de départ pour une expression des émotions puis des cognitions. Chacun énonce également les actes qu’il a pu réaliser à chacune de ces étapes dans cette progression pas à pas vers une représentation de l’événement. Dans tous les cas cette intervention doit rester une offre de soins proposée à des sujets volontaires. Certes une seule séance d’« IPPI » ou de débriefing ne saurait résoudre un trouble naissant pour les sujets particulièrement marqués.

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May 10, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 51: Le débriefing psychologique : indications et débats

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