CHAPITRE 50 TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE
PHYSIOPATHOLOGIE
La tuberculose est une maladie infectieuse d’origine bactérienne qui touche préférentiellement l’appareil respiratoire (tuberculose pulmonaire) mais qui peut atteindre de nombreux autres organes (tuberculose extrapulmonaire). Chez l’homme, ce sont les bactéries du complexe tuberculosis regroupant les espèces Mycobacterium tuberculosis et plus rarement Mycobacterium bovis et Mycobacterium africanum qui sont les agents responsables de la tuberculose. Seules les tuberculoses pulmonaires sont contagieuses.
Diagnostic
Le diagnostic de la tuberculose repose sur :
– des signes cliniques généraux non spécifiques (toux intempestive, fièvre prolongée, amaigrissement) ainsi que des éléments épidémiologiques évocateurs (antécédents de tuberculose, âge, conditions de vie précaires, immunodéprimés, etc.) et la notion de contage ;
– des signes radiologiques pulmonaires suggestifs, mais souvent inexistants chez les sujets infectés par le VIH ;
– le diagnostic bactériologique pour lequel les méthodes traditionnelles restent toujours la référence. Il est recommandé de pratiquer un examen microscopique et une culture sur tous les prélèvements à la recherche de Mycobacterium tuberculosis. On effectuera une recherche des bacilles acido-alcoolo-résistants (BAAR) à l’examen microscopique des expectorations (3 prélèvements 3 jours consécutifs). En cas de difficultés d’expectorations et/ou d’échec la recherche peut se faire sur du liquide de tubage gastrique ou sur du liquide broncho-alvéolaire. Elle reste le moyen le plus simple et le moins onéreux pour apporter la preuve d’une tuberculose pulmonaire contagieuse, bien que sa sensibilité soit médiocre. La culture et l’antibiogramme sur milieu à l’œuf de Löwenstein-Jensen sont toujours des méthodes de référence, mais la méthode de culture en milieu liquide radiomarqué permet de raccourcir le délai nécessaire à la positivité des cultures compte tenu de la lenteur de la croissance du BK.
MÉDICAMENTS ANTITUBERCULEUX
Classification des antituberculeux
Antituberculeux de première intention (tableau 50.1) Antituberculeux de première intention associés
– Rifinah : comprimé renfermant 150 mg d’INH et 300 mg de rifampicine (2 comprimés par jour à prendre à jeun chez l’adulte).
– Rifater : comprimé renfermant 50 mg d’INH, 120 mg de rifampicine et 300 mg de pyrazinamide (1 comprimé par 10 kg de poids à prendre à jeun).
– Dexambutol-INH : comprimé renfermant 150 mg d’INH et 400 mg d’éthambutol (1 prise de 2 comprimés à jeun).
MÉCANISME ET SPECTRE D’ACTION DES ANTITUBERCULEUX
Isoniazide (INH)
La pharmacocinétique de l’isoniazide est caractérisée par :
– une bonne résorption gastro-intestinale à condition de prendre le médicament à jeun ;
– une excellente diffusion dans tous les tissus vascularisés de l’organisme (macrophages, liquide pleural, caséum), le LCR et une faible liaison protéique (15 %) ;
– une inactivation hépatique par les acétylases en monoacétyl INH, qui obéit à un polymorphisme génétique conduisant à une répartition bimodale de la population : les acé-tyleurs lents (40 % chez les sujets d’origine caucasienne avec une demi-vie d’élimination d’environ 3 heures) ou les acétyleurs rapides (60 % des Caucasiens avec une demi-vie d’élimination d’environ 1,5 heure). Ce polymorphisme peut avoir des conséquences cliniques, notamment concernant les effets délétères neurologiques, justifiant son dosage plasmatique dans le cadre de son suivi thérapeutique. L’hydrolyse de l’acétyl-INH conduit à des mono- et diacétyl hydrazines favorisant la formation de radicaux libres hépatotoxiques ;
– l’élimination rénale qui est prédominante à la fois pour l’INH et ses métabolites.
Rifampicine
Les caractéristiques pharmacocinétiques de la rifampicine se résument par :
– une bonne absorption digestive à condition de prendre le médicament à jeun ;
– une bonne diffusion dans les tissus, les fluides biologiques (LCR : 10-20 %) et le lait et une importante fixation aux protéines circulantes (90 %) ;
– l’existence d’un métabolisme de premier passage hépatique (aboutissant à la 25 désacétyl-rifampicine, la 3-formyl-rifamycine SV et la 3-formyl-2-désacétyl- rifampicine), d’un mécanisme d’autoinduction enzymatique et de recyclages entéro-hépatiques, expliquant en partie une stabilisation de la demi-vie d’élimination (environ 3 heures) après 3 semaines ;
– une élimination principalement fécale (environ 70 %, sous forme de métabolites) et urinaire (environ 20 %, sous forme de rifampicine) et faiblement par voie lacrymale à l’origine d’une coloration rouge des urines et des larmes.
Pyrazinamide
– une résorption rapide (Tmax d’environ 2 heures) et totale ;
– une bonne diffusion pulmonaire, macrophagique et méningée (surtout lors d’infection des méninges) ;
– une biotransformation hépatique en acide pyrazinoïque (également actif in vitro) et l’acide 5-OH pyrazinoïque (inactif) qui s’oppose à la sécrétion tubulaire d’acide urique ;
– une excrétion rénale (sous forme de métabolites) et une demi-vie d’élimination d’environ 10 heures.
Éthambutol
– une résorption rapide, importante (environ 80 %) et variable ;
– une diffusion intraérythrocytaire (constituant une forme de réserve), pulmonaire (5 fois les concentrations sériques) et dans le LCR (50 % des concentrations sériques) ;
– une élimination rénale sous forme inchangée nécessitant une adaptation posologique à la clairance de la créatinine chez l’insuffisant rénal.
CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE
La tuberculose-maladie
– INH + rifampicine + pyrazinamide = Rifater à raison d’un comprimé/10 kg/j pendant 2 mois ;
– et INH + rifampicine = Rifinah : 2 comprimés/j pendant 4 mois.
Chez le sujet porteur du virus de l’immunodéficience humaine
Chez ces patients le traitement prophylactique par l’INH diminue le risque de tuberculose dès la première année. De plus, il existe un risque accru d’infection imputable à Mycobacterium avium. D’une manière générale, les règles de traitement précédemment énoncées restent identiques. La forme pulmonaire classique sera traitée 6 mois, voire 9 mois en présence de cavernes, chez les patients encore bacillifères à 2 mois de traitement ou si les modalités d’administration habituelle n’ont pas été respectées (intolérance cutanée ou hépatique dans 20 à 30 % des cas). Une durée de traitement d’au moins 12 mois est recommandée dans les formes disséminées, ostéo-articulaires ou neuroméningées. La durée recommandée de traitement des tuberculoses multirésistantes est de 18 mois après la négativation bactériologique. Le patient VIH positif devra être supplémenté impérativement en vitamine B6 (50 mg/j) pour limiter le risque de neuropathie iatrogène sous isoniazide, surtout en cas de dénutrition. Chez le patient séropositif au VIH, il existe par ailleurs une augmentation du risque d’allergie aux antituberculeux classiques (fièvre médicamenteuse, éruptions cutanées, cytolyse hépatique). La rifampicine est un inducteur enzymatique puissant entraînant une diminution importante des concentrations plasmatiques des antirétroviraux dont les inhibiteurs de protéases (IP) et les inhibiteurs non nucléosidiques (INN) par augmentation de leur métabolisme. Il est toutefois possible d’associer rifampicine et éfavirenz en adaptant la posologie de ce dernier à l’aide de dosage plasmatique. Les nouveaux antirétroviraux (maraviroc, raltégravir) voient eux aussi leurs concentrations plasmatiques diminuées par l’administration concomitante de rifampicine.