50: TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE

CHAPITRE 50 TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE 






ÉPIDÉMIOLOGIE


En dépit de traitement efficace la tuberculose demeure un problème majeur de santé dans le monde, responsable d’une part importante des décès par maladies infectieuses. L’organisation mondiale de la santé (OMS) estime, qu’en 2010, 8,8 millions de personnes dans le monde ont été infectées par le bacille de Koch (BK) (Mycobacterium tuberculosis), principale bactérie responsable de la tuberculose. Cette même année, près de 1,5 millions de personnes, dont un quart co-infectées par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), seraient décédées à travers le monde, principalement dans les pays en voie de développement. La répartition de ces nouveaux cas de tuberculose montre une très grande disparité selon les régions du monde, la plus grande partie venant d’Asie (66 %) et d’Afrique (26 %), et pour une faible proportion d’Europe (5 %) et d’Amérique (3 %). Cette disparité est vraie aussi au regard de l’incidence estimée en 2010 par l’OMS à 29, 47, 193 et 247 cas pour 100 000 habitants, respectivement pour l’Amérique, l’Europe, l’Asie du Sud-Est et l’Afrique.


La diminution de l’incidence de la maladie dans les pays industrialisés entre 1970 et 1980 a été suivie d’une recrudescence des cas de tuberculose entre 1991 et 1995 liée à l’épidémie de l’infection par le VIH, mais également à la destruction progressive des systèmes sanitaires spécialisés. Ces dernières années, l’incidence de la maladie a diminué dans toutes les régions du globe y compris en Afrique même si elle y reste encore très élevée en rapport avec l’épidémie de VIH.


En France le nombre de cas déclarés de tuberculose décroît régulièrement depuis plus de 50 ans avec une incidence de 8,2 cas pour 100 000 habitants en 2009. L’analyse détaillée des données épidémiologiques montre une fracture entre deux populations : les personnes de nationalité française ou nées en France chez qui l’incidence de la tuberculose est relativement faible (4,3) et les personnes migrantes chez qui l’incidence est 8 fois supérieure (35,1). De même, les personnes en situation de précarité économique et sociales font partie des populations à risque avec des taux d’incidence très élevés comme les sans domicile fixe (120) ou encore les personnes incarcérées (91,6). Enfin même si les données du Centre national de référence français révèlent l’apparition de cas ultra-résistants en provenance notamment des pays d’Europe de l’Est, la proportion de tuberculoses multi-résistantes (2,1 %) reste faible en 2009.


Dans les pays en voie de développement, l’inégalité d’accès aux soins pourrait expliquer que les femmes en âge de procréer soient davantage touchées par la maladie alors que dans les pays industrialisés, les hommes âgés ayant une hygiène de vie précaire et vivant dans des milieux défavorisés sont les plus exposés. En Europe, l’amélioration de la situation épidémiologique passe par une surveillance et une information des populations à risque tels que les personnes âgées, les sujets infectés par le VIH et les immigrants ressortissant d’un pays à haute prévalence tuberculeuse.


L’émergence de nombreuses souches de mycobactéries résistantes aux thérapeutiques usuelles complique la prise en charge de la tuberculose, notamment pour les patients ayant une infection par le VIH.


D’importants progrès ont été réalisés ces dernières années dans la prise en charge de la tuberculose, notamment concernant son diagnostic. En 2010, près d’une dizaine de médicaments seraient en développement, dont plusieurs en essais cliniques de phase III, avec pour objectifs soient de diminuer la durée de traitement soient de lutter contre les formes résistantes de tuberculose. Enfin, parmi la dizaine de vaccins candidats actuellement en phase I ou II, on peut espérer que l’un d’entre eux voit le jour dans les dix ans qui viennent.



PHYSIOPATHOLOGIE


La tuberculose est une maladie infectieuse d’origine bactérienne qui touche préférentiellement l’appareil respiratoire (tuberculose pulmonaire) mais qui peut atteindre de nombreux autres organes (tuberculose extrapulmonaire). Chez l’homme, ce sont les bactéries du complexe tuberculosis regroupant les espèces Mycobacterium tuberculosis et plus rarement Mycobacterium bovis et Mycobacterium africanum qui sont les agents responsables de la tuberculose. Seules les tuberculoses pulmonaires sont contagieuses.





Diagnostic


Le diagnostic de la tuberculose repose sur :



Parmi les nouveaux outils diagnostiques, les tests d’amplification génique ou PCR sont recommandés afin d’identifier rapidement les bacilles de la tuberculose dans les prélèvements respiratoires à examen microscopique positif. L’antibiogramme doit être réalisé de façon systématique pour l’isoniazide, la rifampicine, le pyrazinamide, l’éthambutol et la streptomycine. La recherche par PCR des mutations conférant la résistance à la rifampicine ou à l’isoniazide est recommandée en cas de suspicion de résistance ou de multirésistance.


L’intradermoréaction (IDR) à la tuberculine permet un diagnostic indirect en mettant en évidence l’hypersensibilité tuberculinique. Récemment des tests de sécrétion d’interféron gamma ont été proposés et devraient se substituer à l’IDR. Ce sont des tests immunologiques permettant de mesurer la réponse de l’immunité cellulaire antituberculeuse des lymphocytes T via la production d’interféron-gamma spécifiques aux antigènes de Mycobacterium tuberculosis. Depuis juillet 2011, l’HAS les a recommandés dans le diagnostic de l’ITL dans l’objectif de la traiter, et même préférentiellement à l’IDR, notamment pour la population vaccinée par le BCG, chez les sujets âgés de plus de 80 ans, chez les patients infectés par le VIH, chez les patients avant la mise sous anti-TNF alpha … En revanche ces tests ne sont pas validés chez l’enfant de moins de 5 ans.


La tuberculose demeure une maladie à déclaration obligatoire donnant droit, en France, à une prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale et le traitement de toutes ses formes exige la prise régulière d’une association de plusieurs médicaments antituberculeux.




MÉCANISME ET SPECTRE D’ACTION DES ANTITUBERCULEUX



Isoniazide (INH)


L’INH ou isonicotinylhydrazine est proche au plan structural de l’iproniazide (IMAO non spécifique), ce qui pourrait expliquer certains effets indésirables centraux. Cette structure est à l’origine de la lipophilie du médicament et donc du mode d’action, mal connu, par altération du métabolisme des protéines, des acides nucléiques, des glucides et lipides des mycobactéries.


Son spectre est limité aux mycobactéries typiques et l’effet bactéricide, résultant d’un mécanisme d’action mal connu, s’exerce sur les BK intra- et extracellulaires en phase de croissance. Son utilisation en association avec la rifampicine et le pyrazinamide évite les rechutes. Les résistances apparaissant d’emblée atteignent environ 6 %, alors que les résistances acquises imputables à une mauvaise observance atteignent 16 à 20 %.


La pharmacocinétique de l’isoniazide est caractérisée par :



La détermination de l’indice d’acétylation s’effectue en pratique par un dosage sérique 3 heures après la prise d’une dose de 5 mg/kg (300 mg le plus souvent) chez l’adulte et l’on adapte la posologie pour obtenir un taux à la troisième heure compris dans la fourchette thérapeutique (1 à 2 mg/L).



Rifampicine


La rifamycine SV, obtenue par fermentation à partir de Streptomyces mediterranei, est active vis-à-vis de Mycobacterium tuberculosis mais sa pharmacocinétique est défavorable, d’où l’hémi-synthèse de la rifampicine : 3-(4 méthyl pipérazinyl-iminométhyl) rifamycine SV. Elle est caractérisée par un macrocycle (M = 823) qui possède des propriétés bactéricide et bactériostatique vis-à-vis des staphylocoques, de certaines bactéries à Gram positif et des mycobactéries, y compris pour les espèces atypiques. Le mécanisme d’action s’explique par une inhibition de la synthèse de l’ARN des mycobactéries en bloquant l’ARN polymérase déjà combiné à l’ADN bactérien. Son activité bactéricide s’adresse à toutes les populations de BK (intra- et extracellulaire) mais doit être associée à d’autres antituberculeux majeurs pour éviter l’apparition de mutants résistants. La rifabutine : déoxo-3,4 [25 piro- (N-isobutyl 4 piperidinyl) – 2,5 dihydro-1H imidazolo] rifamycin S, possède une analogie structurale avec la rifampicine, lui conférant, elle, une activité sur les mycobactéries atypiques : Mycobacterium kansasii, avium intracellulare, xenopi, etc., présentes chez les patients immunodéprimés.


Les caractéristiques pharmacocinétiques de la rifampicine se résument par :






Antituberculeux de seconde intention








CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE


Les antituberculeux de première intention sont toujours utilisés en association dans les formes primitives d’infection. Ces médicaments présentent tous une évaluation du service médical rendu (SMR) important. Le recours aux dérivés de deuxième intention est indispensable lors d’apparition de résistance et de récidives ainsi que chez les malades séropositifs au VIH souvent infectés par des mycobactéries atypiques.


En absence de couverture sociale, il est préférable de faire suivre le malade dans un centre de lutte anti-iuberculeuse (CLAT). De plus, pour chaque cas de tuberculose, une enquête autour d’un cas doit être menée par un médecin du CLAT dans le but de rechercher dans l’entourage du patient le cas source et des personnes qu’il aurait pu infecter. Dans tous les cas de suspicion de tuberculose pulmonaire, l’isolement en milieu hospitalier pendant la phase de contagiosité (environ 3 semaines) est indispensable et la levée de l’isolement est réalisée après amélioration clinique, apyrexie et négativation à l’examen direct.




La tuberculose-maladie


En France, la Société de pneumologie de langue française recommande chez l’adulte le traitement quotidien en deux phases : la quadrithérapie INH + rifampicine + pyrazinamide + éthambutol pendant 2 mois, puis une bithérapie INH + rifampicine pendant 4 mois. Le passage en deuxième phase ne se fait qu’après analyse des résultats de la première phase.


Ce traitement correspond au traitement recommandé par la plupart des organisations de santé dans le monde.


L’administration de plusieurs antituberculeux par voie orale, s’effectue en une seule prise quotidienne à distance des repas pour éviter l’oubli et une diminution de leur absorption gastro-intestinale par le bol alimentaire.


L’utilisation des formes combinées permet une administration simplifiée favorable à une meilleure observance :



Chez les malades n’ayant pas une bonne observance, le contrôle des prises orales peut être fait par une tierce personne ou, lorsque cela est possible, les formes parentérales peuvent être administrées par une infirmière en CLAT une à deux fois par semaine.


La durée du traitement de la tuberculose à localisation extrapulmonaire est a priori identique à celle de la tuberculose pulmonaire. Cependant, au cours d’une tuberculose grave osseuse ou neuroméningée, la durée du traitement est prolongée à 9 mois voire un an. De plus, une corticothérapie (1 mg/kg d’équivalent prednisone) est recommandée en cas de méningite (diminution de la mortalité et des séquelles neurologiques) ou de péricardite (diminution de la mortalité et accélération de la guérison) tuberculeuse.



Chez le sujet porteur du virus de l’immunodéficience humaine


Chez ces patients le traitement prophylactique par l’INH diminue le risque de tuberculose dès la première année. De plus, il existe un risque accru d’infection imputable à Mycobacterium avium. D’une manière générale, les règles de traitement précédemment énoncées restent identiques. La forme pulmonaire classique sera traitée 6 mois, voire 9 mois en présence de cavernes, chez les patients encore bacillifères à 2 mois de traitement ou si les modalités d’administration habituelle n’ont pas été respectées (intolérance cutanée ou hépatique dans 20 à 30 % des cas). Une durée de traitement d’au moins 12 mois est recommandée dans les formes disséminées, ostéo-articulaires ou neuroméningées. La durée recommandée de traitement des tuberculoses multirésistantes est de 18 mois après la négativation bactériologique. Le patient VIH positif devra être supplémenté impérativement en vitamine B6 (50 mg/j) pour limiter le risque de neuropathie iatrogène sous isoniazide, surtout en cas de dénutrition. Chez le patient séropositif au VIH, il existe par ailleurs une augmentation du risque d’allergie aux antituberculeux classiques (fièvre médicamenteuse, éruptions cutanées, cytolyse hépatique). La rifampicine est un inducteur enzymatique puissant entraînant une diminution importante des concentrations plasmatiques des antirétroviraux dont les inhibiteurs de protéases (IP) et les inhibiteurs non nucléosidiques (INN) par augmentation de leur métabolisme. Il est toutefois possible d’associer rifampicine et éfavirenz en adaptant la posologie de ce dernier à l’aide de dosage plasmatique. Les nouveaux antirétroviraux (maraviroc, raltégravir) voient eux aussi leurs concentrations plasmatiques diminuées par l’administration concomitante de rifampicine.


L’effet inducteur enzymatique de la rifabutine est moins marqué que celui de la rifampicine, c’est pourquoi elle peut être proposée pour remplacer la rifampicine notamment lorsque le traitement antirétroviral conserve des IP. Les posologies des IP mais aussi de la rifabutine devront être adaptées pour tenir compte de l’ensemble des interactions. La rifabutine présente également l’avantage d’être efficace sur les mycobactéries atypiques très fréquemment retrouvées chez le patient VIH positif.


Le recours à une trithérapie d’analogues nucléosi(ti)diques est une alternative, dans certains cas, permettant de ne pas être confronté à ces interactions et de simplifier la thérapeutique globale du patient. Toutefois, sa puissance d’action est plus faible en cas de charge virale élevée justifiant une surveillance virologique rapprochée.


Le traitement curatif des infections à Mycobacterium avium repose sur l’association de clarithromycine (1 g/j), d’éthambutol (15 mg/kg/j) et de rifabutine (300 mg/j). Le traitement d’attaque est prolongé 3 à 6 mois selon les résultats cliniques, microbiologiques et la restauration immunitaire. En cas d’échec clinique, il est recommandé d’associer un traitement par amikacine (15 mg/kg/j) ou moxifloxacine (400 mg/j). Le traitement d’entretien repose quant à lui sur l’association de clarithromycine (1 g/j) et d’éthambutol (15 mg/kg/j). L’azithromycine (600 mg/j) est une alternative à la clarithromycine qui présente l’avantage de ne pas avoir d’interaction avec les IP ou les INN. Ce traitement doit être prolongé pour une durée totale de 12 mois minimum, mais il ne pourra être arrêté tant qu’un déficit immunitaire existe.

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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 50: TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE

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