16: TRAITEMENT DES CIRRHOSES

CHAPITRE 16 TRAITEMENT DES CIRRHOSES 




GÉNÉRALITÉS



Épidémiologie – Étiologie


En France, la prévalence estimée est de 150 000 cas dont un tiers d’entre eux sont asymtomatiques et non diagnostiqués. On compte 17 000 décès par an dus à une cirrhose, toutes causes confondues. La cause la plus fréquente en France est la cirrhose d’origine alcoolique (70-75 % des cas) et on considère que 20 % de la population masculine ont une consommation excessive d’alcool.


Les autres causes sont les hépatites virales (C dans 80 % des cas, B dans 18,5 % des cas et co-infection B+C dans 1,5 % des cas). Les co-infections VIH-VHC et VIH-VHB sont fréquentes et peuvent conduire à une cirrhose. Le virus E doit toujours être recherché dans les causes d’hépatopathie. Le virus A n’est jamais responsable de cirrhose.


La NASH (Non Alcoholic Steato-Hepatitis) secondaire à l’obésité et au syndrome métabolique se complique souvent d’une cirrhose. L’épidémie d’obésité devrait augmenter la prévalence de cette étiologie dans le futur.


Les autres causes beaucoup plus rares (< 5 % des cas) sont les hépatites auto-immunes, la cirrhose biliaire primitive, l’hémochromatose (qui doit être dépistée et traitée à un stade précoce, la cirrhose liée à l’hémochromatose est devenue très rare), la maladie de Wilson, le déficit en alpha-1 antitrypsine. Les causes médicamenteuses sont plutôt responsables d’hépatites aiguës voire fulminantes mais la prise de médicaments hépatotoxiques peut faire décompenser une cirrhose d’autre cause (tableau 16.1).


Tableau 16.1 Médicaments hépatotoxiques pouvant provoquer une cirrhose.


















Antibiotiques et anti-infectieux isoniazide (Rimifon) nitrofurantoïne (Furadantine)
Médicaments de l’appareil cardiovasculaire amiodarone (Cordarone) méthyldopa (Aldomet) bosentan (Tracleer)
Antalgiques et anti-inflammatoires aspirine
Immunosuppresseurs léflunomide (Arava)
Psychotropes chlorpromazine (Largactil)

La cirrhose est diagnostiquée à un stade compensé dans un tiers des cas et décompensé dans deux tiers des cas.



Physiopathologie


La cirrhose est un stade évolué de fibrose hépatique. Elle se caractérise par une modification de l’architecture du parenchyme hépatique. Une fibrose entourant des nodules de régénération apparaît et la masse fonctionnelle hépatocytaire diminue pour aboutir à une insuffisance hépatocellulaire (IHC). Cette IHC est responsable de nombreuses complications. Les cellules stellaires hépatiques jouent un rôle particulièrement important dans cette fibro-génèse. En effet, ces cellules de la matrice extracellulaire qui ont un rôle physiologique de stockage de la vitamine A vont acquérir un phénotype myofibroblastique et provoquer un remodelage de la matrice extracellulaire. Lorsque la fibrose se produit au contact des sinusoïdes, elle provoque une augmentation des résistances vasculaires intrahépatiques et une diminution de la vascularisation du parenchyme. L’augmentation des résistances vasculaires intrahépatiques induit une hypertension portale (HTP), ellemême à l’origine d’autres complications. Au niveau biologique, l’IHC se traduit par une diminution de l’albuminémie, du TP et du facteur V, une augmentation de la bilirubinémie, une cytolyse (ALAT). La clairance de la créatinine doit toujours être surveillée. L’existence d’une hyponatrémie modifiera le traitement.


Un hypersplénisme peut être engendré par une spléno-mégalie elle-même en relation avec l’hypertension portale. L’hypersplénisme peut se traduire par une leucopénie et/ou une thrombopénie.


Une anémie peut être causée par des carences en folates (anémie macrocytaire), des saignements (anémie microcytaire hypochrome) ou par hémolyse (anémie normocytaire normochrome).


Une hypergammaglobulinémie avec présence d’un bloc β-γ par augmentation de synthèse des IgA poyclonales peut être retrouvée à l’électrophorèse des protéines plasmatiques.


La progression de la fibrose vers la cirrhose peut prendre entre 15 et 20 ans.


L’examen clinique retrouve une hépatomégalie dure et indolore, des angiomes stellaires à la partie supérieure du thorax, une ascite (qui en cas de surinfection peut être une cause de décompensation de la cirrhose), parfois une encéphalopathie qui pourra nécessiter un transfert en réanimation, une érythrose palmaire, des ongles blancs, un hippocratisme digital, un ictère, un hypogonadisme avec gynécomastie chez l’homme.


La cirrhose reste compensée tant que les fonctions hépatiques sont préservées et qu’aucune complication ou manifestation fonctionnelle n’est apparue. Lorsque les fonctions hépatiques sont altérées et que des complications apparaissent, on parle de cirrhose décompensée.


La classification la plus utilisée est la classification clinico-biologique de Child-Pugh (tableau 16.2). Elle définit trois stades de gravité croissante en additionnant les points selon le tableau : stade A : 5 à 6 points, B : 7 à 9, C : 10 à 15 points.



Les cirrhoses compensées correspondent à un stade A tandis que les stades B et C correspondent à des cirrhoses décompensées.



Complications


Les complications et la cause de la décompensation de la cirrhose doivent toujours être recherchées et traitées en urgence.




Hémorragies digestives


Au cours de l’hypertension portale, une circulation collatérale se développe avec apparition de varices ectopiques sur l’ensemble du tube digestif. Les varices œsophagiennes (VO) sont retrouvées chez environ la moitié des patients au moment du diagnostic de cirrhose et sont traitées de façon préventive (bêtabloquants ou ligature de VO).


Les hémorragies digestives par rupture de VO représentent 40 à 75 % des hémorragies et la deuxième cause de mortalité chez le cirrhotique. La perte sanguine et l’hypovolémie sont rarement les causes de décès des patients. Les complications telles que des infections, l’aggravation de l’IHC et des insuffisances rénales peuvent en revanche conduire au décès. La survie à 1 an de l’épisode hémorragique est de l’ordre de 60 %.


Les hémorragies digestives hautes par rupture de VO nécessitent en urgence une fibroscopie œso-gastro-duodénale qui permettra de trouver la cause de l’hémorragie. Si l’hémorragie est liée à une varice œsophagienne, une ligature des VO sera pratiquée dans le même temps. Les hémorragies par rupture de varices coliques ou rectales sont beaucoup plus rares. Les saignements peuvent être aggravés par une diminution du TP, reflet d’une diminution de la synthèse des facteurs de la coagulation due à l’IHC. Il convient de différencier les hémorragies digestives hautes par rupture de VO, des hémorragies digestives hautes dues à des ulcères gastriques ou duodénaux, des gastrites aiguës hémorragiques qui nécessiteront un traitement par IPP.









Mécanismes d’action











Pharmacocinétique







CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE



Traitement de la cause



Hépatopathie alcoolique


Le traitement est schématiquement séparé en deux phases.





Traitement de l’abstinence


Au-delà du sevrage proprement dit, la prise en charge du patient doit être poursuivie pour s’assurer de l’abstinence, le but étant une abstinence totale et définitive. Un soutien psychosocial revêt une importance particulière chez ces patients. Ce soutien peut prendre la forme d’un projet de soin médico-psycho-social avec un addictologue, un psychiatre si nécessaire en relation avec le médecin traitant. Des associations (Alcooliques Anonymes) peuvent également apporter une grande aide au patient. Ces réunions (AA) sont organisées dans toute la France par des anciens alcoolo-dépendants. Ce n’est pas le corps médical qui organise ces réunions.


Les cures de désintoxication peuvent être bénéfiques mais un suivi post cure est indispensable.


Plusieurs médicaments ont leur place dans cette indication.





Cirrhoses métaboliques




–  Le traitement de l’hémochromatose repose sur les saignées dans le but d’éliminer la surcharge en fer. Le coefficient de saturation du fer, la ferritinémie et la surcharge en fer visualisée sur l’IRM hépatique guide la fréquence des saignées. Ce traitement est d’autant plus efficace qu’il est débuté tôt, au mieux, avant l’apparition des complications de la maladie. Des mutations du gène HFE (mutations C282Y et H63D) doivent être recherchées chez les parents au 1er degré.


–  La maladie de Wilson est traitée par des chélateurs du cuivre. La surcharge en cuivre provoque la maladie en s’accumulant dans le foie et d’autres organes (œil : anneau de Kayser Fleisher). Le traitement de référence reste la D-pénicillamine qui doit être prise à vie. D’autres médicaments ont été proposés :



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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 16: TRAITEMENT DES CIRRHOSES

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