Psychiatrie en milieu pénitentiaire : intérêt d’une intervention inspirée du modèle de la psychiatrie de liaison
L’intervention de type consultation-liaison
Le modèle de la psychiatrie de liaison permet de définir une intervention de consultation et de liaison en s’adaptant aux particularités du lieu d’exercice.
Du milieu hospitalier vers le milieu carcéral
Selon R. Zumbrunnen (Zumbrunnen, 1992) : « la psychiatrie de liaison se propose de mettre au service des patients et des soignants des services de médecine et de chirurgie, les compétences développées par la psychiatrie avec une notion d’extraterritorialité, hors des murs sécurisants des structures de la santé mentale ». L’intervention du psychiatre de liaison se structure autour de trois modalités distinctes et complémentaires : consulter, élaborer, enseigner.
J.-L. Senon (Senon, 1998) étend cette réflexion sur les objets de la psychiatrie en milieu carcéral et justifie une adaptation en sept points :
• exercer en dehors du milieu psychiatrique ;
• pour le psychiatre, faire reconnaître l’intérêt de son intervention, prévenir les risques de clivage et de rejet de la part des pénitentiaires et des soignants hospitaliers ;
• développer des liens étroits avec l’équipe du dispositif de soins somatiques ;
• adapter la clinique psychiatrique aux spécificités du lieu d’exercice, favoriser des travaux de recherche contextuels, de formations et d’enseignements ;
• préparer et former les différents intervenants de l’équipe pluridisciplinaire psychiatrique ;
• prendre en compte les aspects institutionnels et individuels et restaurer la communication autour des malades ;
• respecter l’autonomie d’un point de vue éthique et déontologique vis-à-vis de l’administration pénitentiaire ;
• l’utilisation du modèle de la psychiatrie de liaison favorise l’intégration de l’équipe psychiatrique en détention et ses spécificités.
Psychiatrie de liaison en milieu pénitentiaire : spécificités
Liens avec le milieu d’exercice : la prison
La greffe d’un service hospitalier dans la prison ne va pas de soi, les deux institutions ayant des objectifs bien éloignés : soigner des personnes détenues pour les soignants, garder des détenus en maintenant l’ordre et la sécurité, pour les pénitentiaires. On parle de « paranoïa en miroir » quand les interactions sont marquées par des tensions répétées et une lutte de pouvoir entre les deux équipes, chacune pouvant vivre l’autre comme persécutrice. Le premier écueil pour le soignant est de résister à l’illusion de devoir ou de pouvoir changer la prison, de percevoir les manipulations de certains détenus ou personnels cherchant à instrumentaliser habilement le soignant dans la gestion de leurs propres conflits. Les conséquences désastreuses d’un tel engagement doivent céder la place à un travail d’élaboration, de recherche de sens et d’acceptation d’incontournables frustrations. D. Glezer (Glezer, 1983) insiste sur le fait que « l’absence d’interférence de la part de l’équipe psychiatrique sur le fonctionnement de l’équipe pénitentiaire apparaît comme l’un des fondements du travail en milieu carcéral » : pas d’intervention sur les problèmes disciplinaires, pas de certificats « partisans »…