Chapitre 5 Lymphœdèmes Secondaires des Membres
Les lymphœdèmes secondaires des membres sont dus à des lésions du système lymphatique responsables d’une accumulation de la lymphe dans le tissu interstitiel puis d’une augmentation de volume du membre atteint. Dans les pays occidentaux, les principales causes en sont les traitements des cancers alors que dans le monde, il s’agit des filarioses à développement lymphatique. D’autre part, il existe des lymphœdèmes associés ou secondaires à d’autres pathologies plus rares.
LYMPHŒdÈMES DU MEMBRE SUPÈRIEUR APRÈS CANCER DU SEIN
Fréquence et définition
En France, les lymphœdèmes du membre supérieur secondaires aux traitements du cancer du sein sont les plus fréquents. Le nombre de nouveaux cas de cancer du sein est estimé à 42 000 par an. La fréquence du lymphœdème est actuellement de 15 à 28 % après curage axillaire classique [1–4], soit environ 1 femme sur 5. Le délai médian de survenue du lymphœdème après la chirurgie du sein est d’environ 2 ans mais il peut apparaître dès la période postopératoire ou plusieurs années après. En réalité, la définition du lymphœdème modifie beaucoup son incidence. Lorsque le lymphœdème est défini en utilisant les échelles de qualité de vie ou en prenant en compte la perception de lymphœdème par le patient, l’incidence cumulée à 5 ans atteint 42 %. La Société française de lymphologie a retenu une différence de 2 cm par rapport au membre controlatéral pour diagnostiquer un lymphœdème. D’autres auteurs proposent une différence volumétrique de 200–250 mL [5] ou de 10 % [6] par rapport au membre controlatéral mais leur mise en œuvre est moins simple que les différences périmétriques, facilement accessibles en consultation.
Mesure du volume
La mesure du volume du lymphœdème est indispensable avant tout traitement, lors du suivi et pour l’évaluation de nouvelles techniques. La méthode de référence reste la volumétrie à eau qui permet d’apprécier le volume du membre en totalité. Elle est peu utilisée en pratique courante au profit de mesures volumétriques estimées par calcul. En effet, les mesures périmétriques prises à intervalles réguliers (tous les 5 ou 10 cm) permettent de calculer un volume en mL par assimilation des segments de membre à des troncs de cônes selon la formule suivante : h(C2+ Cc+c2)/12 où C est la grande circonférence du cône, c la petite et h l’intervalle entre deux mesures [7]. Cette méthode est très fiable et reproductible aux membres supérieurs [8] et inférieurs [9]. Lors des consultations, les mesures périmétriques prises avec des repères identiques permettent de suivre simplement l’évolution du volume du lymphœdème sous traitement.
Facteurs de risque
Le principal facteur de risque de développer un lymphœdème après traitement d’un cancer du sein est le curage axillaire [10]. Liljegren a montré que le degré de dissection des ganglions axillaires influençait la survenue d’un lymphœdème avec un risque relatif de 1,11 par ganglion enlevé [11].
La technique du ganglion sentinelle permet de ne prélever que le ou les premiers ganglions relais du cancer du sein pour rechercher leur envahissement. Dans les premières études, il n’était pas noté de lymphœdème après cette technique mais la durée de suivi était insuffisante. Il apparaît que le risque de lymphœdème est nettement inférieur à celui du curage axillaire et est compris entre 2,5 et 6,9 % [3,4,12].
D’autres facteurs de risque ont aussi été mis en évidence :
AUTRES CAUSES DE LYMPHŒDÈMES DU MEMBRE SUPÈRIEUR
ÈTIOLOGIE DES LYMPHŒDÈMES SECONDAIRES DU MEMBRE INFÈRIEUR
Cancers
En France, les causes sont représentées par les cancers nécessitant un curage pelvien, inguinal ou une irradiation dans ces mêmes territoires : endomètre, col utérin, ovaires, rectum, vessie, prostate, verge, marge anale, mélanome, sarcome du bassin, tumeur de Merkel. La fréquence de ces lymphœdèmes par pathologie est beaucoup moins bien documentée que pour le membre supérieur et varie selon les études de 1 à 49 %. Pour les cancers gynécologiques (endomètre, col utérin, ovaires, vulve), le lymphœdème survient rapidement après le traitement puisqu’on estime qu’il se déclare dans la première année chez 75 % des femmes. Après cancer de la vulve, le plus rare, un lymphœdème survient dans 36 % des cas. Les traitements du col utérin se compliquent de lymphœdème dans 12 à 30 %, ceux de l’endomètre dans 8 à 28 % et ceux des ovaires dans 5 à 21 % [18,19]. Les facteurs de risque sont mal connus mais pour le cancer du col utérin, l’adénectomie élargie augmente le risque par rapport à l’absence de curage et l’association de la chirurgie à la curiethérapie et à la radiothérapie externe augmente encore le risque. Pour l’endomètre, le curage ganglionnaire et la surcharge pondérale sont deux facteurs de risque alors que pour le cancer de l’ovaire, aucun facteur de risque n’a pu être identifié [18–20].