Chapitre 5 Évaluation de la scène
À la fin de ce chapitre, le lecteur devra être capable :
✓ d’identifier les dangers menaçant la sécurité du patient, des témoins et des intervenants souvent présents sur les lieux d’un accident ;
✓ d’identifier les problèmes de sécurité propres à certaines situations spécifiques, par exemple un accident de la circulation ;
✓ d’intégrer son analyse de la sécurité du site, de la situation et du mécanisme lésionnel à son évaluation du patient et à sa prise de décision ;
✓ en situation de catastrophe, d’accident chimique ou d’attaque par des armes de destruction massive, d’intégrer l’utilisation d’un système de triage dans la gestion des lieux et de prendre des décisions de triage pertinentes sur la base de l’évaluation réalisée.
En arrivant sur les lieux d’un accident, les intervenants doivent avoir trois priorités.
1. La première priorité pour toute personne sur les lieux d’un accident est d’évaluer la situation. L’examen de la situation consiste à vérifier qu’il n’y a pas de danger sur place et à essayer de comprendre ce qui s’est passé. En plus d’assurer la sécurité du patient et des intervenants, il s’agit de déterminer quels changements concernant les soins sont indiqués du fait des circonstances. L’évaluation de la sécurité de la scène et de la situation débute pendant le trajet de l’ambulance, sur la base des informations données par la centrale d’appel, se poursuit à l’arrivée sur place et jusqu’au moment où l’on s’approche du patient. Cependant, la situation peut exiger une prise de décision avant même l’examen des différents patients. Cela est particulièrement vrai en situation de guerre ou de combat, où ces considérations peuvent avoir une influence directe sur la prise en charge des victimes.
2. Une fois l’évaluation de la scène terminée, l’intervenant se consacre à l’évaluation des différents patients, ce qui sera abordé en détail au chapitre 6. L’examen du site en lui-même comprend une forme rudimentaire de triage, qui permet d’évaluer en premier les patients les plus gravement atteints. L’ordre des priorités est donné par (a) les lésions menaçant la vie, (b) les lésions pouvant conduire à la perte d’un membre, et (c) les autres lésions ne menaçant pas la vie et ne risquant pas de conduire à la perte d’un membre.
3. Si l’accident a fait plusieurs victimes, on parle soit d’un accident à plusieurs victimes, soit d’une situation d’accident catastrophique à effets limités (ACEL). Dans une situation de catastrophe, les priorités changent : il ne s’agit plus de se concentrer sur les patients les plus gravement atteints, mais de sauver le plus grand nombre de victimes avec les ressources dont on dispose, c’est-à-dire de faire le maximum pour le plus grand nombre. Les principes du triage sont abordés à la fin de ce chapitre.
Évaluation de la scène
L’évaluation du site comporte deux éléments essentiels.
1. La sécurité. La toute première préoccupation lorsqu’on approche du lieu d’un accident doit être la sécurité du personnel d’intervention. Les secours techniques ne devraient pas être entrepris par du personnel non formé. Si un intervenant devient victime, il n’est plus capable de soigner les victimes ; cela fait une victime de plus et un intervenant de moins. Les soins au patient ne doivent pas être entrepris avant que la sécurité ne soit établie.
2. La situation. L’appréciation de la situation vient juste après celle de la sécurité. Beaucoup de problèmes doivent être évalués en fonction de la situation individuelle :
Problèmes de sécurité
Problèmes liés au trafic
La majorité des intervenants tués ou blessés en intervention chaque année le sont lors d’accidents de la circulation (figure 5-1) [1]. Bien que la majorité de ces accidents se produisent pendant le trajet aller, une part importante se produit pendant que les secours sont au travail sur les lieux d’un accident de la route. En 2003, les services de secours sont intervenus plus de 1,9 million de fois pour des accidents de la route aux États-Unis. Plusieurs facteurs peuvent provoquer un accident secondaire (figure 5-2). Nous ne pouvons pas changer certains facteurs, comme les conditions météorologiques (neige, brouillard, pluie, verglas) ou un virage dangereux avec mauvaise visibilité ; mais nous pouvons en être conscients et appliquer les mesures de prudence nécessaires [2].
Stratégie de prévention
Positionnement du véhicule et dispositifs de signalisation
Le positionnement des véhicules de secours sur les lieux d’un accident de la circulation est de la plus grande importance. Le chef d’intervention devrait s’assurer que les véhicules sont positionnés au mieux pour protéger les intervenants. Il est important que le premier véhicule sur place occupe la voie où s’est produit l’accident (figure 5-3). Bien que le placement de l’ambulance en amont du site de l’accident ne facilite pas le chargement de la victime, il assure une bonne protection des intervenants. Au fur et à mesure que les renforts arrivent, ils devraient se positionner sur la voie où a eu lieu l’accident. Ces véhicules devraient être garés à bonne distance de l’accident de façon à le signaler de loin aux automobilistes circulant dans sa direction.
Les phares et les projecteurs devraient être éteints afin d’éviter d’éblouir les automobilistes, à moins qu’ils soient utilisés pour éclairer le lieu d’intervention. Il faut savoir évaluer le nombre de feux de signalisation sur le site : une pléthore de feux bleus ne sert qu’à aveugler les automobilistes. De nombreux services utilisent des panneaux de signalisation « attention accident » pour avertir les conducteurs bien avant le lieu de l’accident. Si l’on utilise des torches de signalisation, celles-ci doivent être positionnées de façon à prévenir et à diriger les automobilistes. Des torches combustibles ne devraient pas être utilisées par temps sec en raison du risque d’incendie. Des cônes munis de bandes réfléchissantes sont très utiles pour détourner le trafic du lieu d’un accident (figure 5-4).
Violence
Gestion de la scène de violence
Le premier intervenant travaille, c’est-à-dire qu’il s’occupe du patient. Le second intervenant se tient en retrait pour observer le déroulement de l’intervention, discuter avec la famille ou avec les témoins, rassembler des informations et surveiller la sortie. En bref, « l’observateur » surveille l’intervention et couvre les arrières de son coéquipier.
Un mot de code prédéterminé permet de signaler la présence d’une menace sans que les témoins s’en rendent compte. Dans beaucoup de situations, la tension et l’anxiété disparaissent dès que les intervenants prennent soin du patient.
1. Ne pas y être. Lorsque vous intervenez pour une agression, garez-vous à distance en attendant que la police ait sécurisé les lieux et vous signale que vous pouvez approcher.
2. Retirez-vous. Si vous êtes menacé à votre arrivée sur place, regagnez votre véhicule et quittez le site. Garez-vous à bonne distance et appelez la police.
3. Calmez les esprits. Si quelqu’un devient agressif pendant que vous vous occupez du patient, parlez avec lui et essayez de le calmer tout en vous tenant prêt à quitter les lieux si nécessaire.
4. Défendez-vous si nécessaire. En dernier recours, vous pouvez être forcé de vous défendre. Si vous en arrivez là, essayez de vous dégager pour pouvoir vous enfuir. N’essayez pas de courir après une personne agressive ou de la maîtriser. Assurez-vous que la police a été prévenue et est en route. Encore une fois, la sécurité des intervenants est prioritaire.
Infections dues à l’exposition au sang
Hépatite virale
Bien que de nombreux virus susceptibles de provoquer une hépatite aient été identifiés, les virus de l’hépatite B et de l’hépatite C sont les plus dangereux pour les professionnels de la santé exposés au sang. L’hépatite virale cause une inflammation aiguë du foie (encadré 5-1). La période d’incubation, entre la contamination et l’apparition des symptômes, est de 60 à 90 jours. Plus de 30 % des patients infectés par le virus de l’hépatite B ne développent aucun symptôme.
Il existe un vaccin contre l’hépatite B dérivé des antigènes de surface du virus de l’hépatite B (AgHBs) [3]. Avant le développement de ce vaccin, plus de 10 000 professionnels de la santé étaient infectés chaque année par le virus de l’hépatite B, et plusieurs centaines mouraient d’une hépatite fulminante ou des complications d’une hépatite chronique. L’OSHA exige de tout employeur qu’il mette ce vaccin à disposition des professionnels travaillant dans un environnement à haut risque. Tout intervenant préhospitalier devrait être vacciné contre l’hépatite B. Après une série de trois vaccins, presque tous les patients développent des anticorps contre l’AgHBs, qui peuvent être recherchés dans le sang pour déterminer le degré d’immunité. Si un intervenant est contaminé par le virus de l’hépatite B avant d’avoir fait ses trois injections vaccinales, l’administration d’immunoglobulines antihépatite B permet de lui donner une immunité passive.
Virus de l’immunodéficience humaine (VIH)
Le VIH prend pour cible le système immunitaire de l’organisme infecté. Avec le temps, certains types de globules blancs voient leur nombre diminuer de façon importante, ce qui augmente le risque pour le patient de développer certaines infections ou certains cancers (encadré 5-2).