21: Traumatismes liés à l’environnement – II: noyade, foudre, plongée sous-marine et altitude

Chapitre 21 Traumatismes liés à l’environnement – II


noyade, foudre, plongée sous-marine et altitude





Scénario


À 16 h 15, lors d’une chaude et humide après-midi d’été, deux ambulanciers et leur stagiaire retournent à leur base dans leur véhicule d’intervention lorsqu’ils reçoivent un appel pour un homme inconscient au 18e trou du parcours de golf du Country Club local. Pendant le trajet vers le lieu d’intervention, la centrale leur fournit des renseignements complémentaires : un orage rapide est passé au-dessus du Country Club 15 minutes auparavant, avec de la pluie, de la grêle et de la foudre. La centrale insiste donc sur la sécurité des lieux, concernant l’éventuelle présence de la foudre sur le site. Alors que vous arrivez sur le 18e trou, vous voyez un golfeur couché sur le fairway, et un autre golfeur assis contre un tronc d’arbre proche, en compagnie d’un certain nombre de témoins. Les lieux apparaissent maintenant sécurisés, une grosse branche d’arbre se trouve au sol, et de sombres nuages d’orage s’éloignent vers l’est. Alors que vous vous préparez à évaluer les victimes, l’autre ambulancier et le stagiaire sortent les sacs d’intervention et recueillent des informations auprès des témoins. Un des quatre golfeurs, qui n’est pas blessé, affirme qu’un orage est arrivé rapidement sur le site, avec un vent violent, une pluie intense, de nombreux éclairs et du tonnerre. Les deux golfeurs blessés ont couru se mettre à l’abri sous un gros arbre et les deux autres au clubhouse à côté. Apparemment, la foudre a frappé l’arbre, est descendue le long du tronc et a touché le sol à côté des deux golfeurs. Il a d’abord pensé qu’ils avaient été tous deux frappés par la foudre – l’un semblant mort et l’autre blessé et hébété.


La scène est-elle sécurisée ? Comment allez-vous commencer à évaluer ces deux victimes ? Quelles sont vos priorités pour le triage ? Comment allez-vous évaluer et prendre en charge des blessures par la foudre ? Quel est le problème médical sous-jacent concernant les victimes de la foudre ? Y a-t-il d’autres blessures primaires ou secondaires à envisager dans ce scénario ?


Chaque année aux États-Unis, une morbidité et une mortalité importantes sont générées par diverses conditions environnementales, qu’il s’agisse de noyades, de noyades partielles, de la foudre, de la plongée sous-marine de loisirs ou de la haute altitude (voir chapitre 20 pour les lésions liées à la chaleur et au froid). Il est donc important pour les intervenants préhospitaliers de connaître les troubles majeurs et mineurs associés à chaque type d’environnement, de comprendre l’anatomie, la physiologie et la physiopathologie impliquées, et de réaliser une évaluation et une prise en charge. En même temps, ils doivent éviter leurs propres blessures ainsi que celles des autres intervenants.



Noyades ou noyades partielles


Les incidents de submersion dans l’eau qui induisent une blessure sont trop fréquents aux États-Unis et dans le monde. La noyade reste une des principales causes de décès évitable touchant toutes les tranches d’âge [1], mais elle est épidémique chez les enfants [2]. L’Organisation Mondiale de la Santé estime qu’il y a plus de 400 000 morts par an suite à des incidents de submersion non intentionnelle, sans tenir compte des décès dus à des inondations, aux suicides ou aux homicides [3]. Les blessures par submersion ont un coût important pour la société ; il est évalué à 450 à 650 millions de dollars chaque année pour les seuls États-Unis [4]. La terminologie qui décrit ces patients continue d’évoluer. Il y a 35 ans, la noyade était définie comme le processus par lequel les animaux respirant de l’air succombent suite à une submersion dans un liquide, et la noyade partielle était définie comme une submersion avec une survie au moins temporaire [5]. Le terme de « noyade secondaire » était employé pour décrire les patients ayant au départ récupéré d’une blessure par submersion, mais qui décédaient d’une détresse respiratoire secondaire à la submersion [6,7]. Toutefois, ce dernier terme a été remis en question plus tard, et certains suggèrent qu’il ne soit plus employé [6].


Les définitions les mieux acceptées sont les suivantes :



Puisque des soins de réanimation sont débutés sur place pour toutes les victimes de submersion, il est plus pratique d’éviter d’utiliser ces deux termes et de parler plutôt d’incident de submersion, expression qui englobe la noyade et la noyade partielle. Par ailleurs, l’expression d’incident de submersion n’implique pas une issue particulière pour le patient sur les lieux, durant le trajet pour l’hôpital, ou plus tard à l’hôpital. Cela aidera les intervenants, quels qu’ils soient, à éviter tout jugement visant à abandonner la procédure de réanimation, en se fondant sur le mécanisme lésionnel, la durée de submersion, la température de l’eau, ou l’absence de signes vitaux [10]. Ce dernier point est crucial parce que de nombreux comptes-rendus relatent des survies après des périodes prolongées (> 30 minutes) de submersion en eau froide [1113]. Une réanimation cardiopulmonaire (RCP) immédiate et efficace ainsi que l’alerte des services de secours médicaux par les témoins sont deux facteurs importants qui influencent la survie d’un patient victime de submersion [14].


Les stratégies de prévention pour diminuer la fréquence d’incidents de submersion sont vitales. Beaucoup de programmes de prévention insistent sur la nécessité de diminuer les noyades de nourrissons et d’enfants en encourageant l’installation de types variés de barrières autour des piscines (par exemple, clôtures isolantes, couvertures de piscines, alarmes, etc.) et l’usage de dispositifs personnels de flottaison tels que les gilets de sauvetages. De plus, la RCP débutée par un témoin avant l’arrivée des intervenants préhospitaliers est associée à l’amélioration du pronostic du patient [15].



Épidémiologie


Le décès par noyade non intentionnelle est la septième principale cause de décès à tout âge, la deuxième principale cause de décès accidentels de 1 à 14 ans, et la cinquième principale cause de décès des nourrissons (< 1 an) [1]. Les nourrissons risquent la noyade dans les baignoires, les seaux et les toilettes [14]. L’incidence des noyades partielles peut être 500 à 600 fois supérieure à celle des noyades complètes [15]. En 2000, il y a eu 3281 cas de noyades non intentionnelles aux États-Unis ; pour chaque enfant qui s’est noyé, trois autres ont survécu et ont bénéficié de soins d’urgences pour leur incident de submersion. Chaque semaine, approximativement 40 enfants meurent par noyade, 115 sont hospitalisés, et 12 ont des lésions cérébrales irréversibles [2].


Les Centres de contrôle et de prévention des maladies ont rapporté un total de 7546 accidents de submersion (mortels et non mortels) en 2001 et en 2002 [1] (tableau 21-1). Parmi ceux-ci, 3372 ont connu une noyade non intentionnelle au cours de loisirs variés, que ce soit dans une piscine, dans la mer ou dans une rivière. En comparaison, 4174 incidents de submersion non intentionnelle et non mortelle ont été traités dans les services d’urgences aux États-Unis. Les fréquences des blessures mortelles et non mortelles étaient les plus importantes chez les enfants de 4 ans ou moins, et chez les garçons de tous âges. Les lésions non mortelles étaient presque deux fois plus fréquentes chez les garçons que chez les filles, tandis que les lésions mortelles chez les garçons étaient presque cinq fois plus fréquentes que celles des filles. Les lésions non mortelles par submersion dans les piscines sont responsables dans 75 % des cas, alors que 70 % des submersions mortelles surviennent dans les milieux naturels, tels que la mer, les lacs et les rivières.


Tableau 21-1 Noyades non intentionnelles/noyades partielles – États-Unis, 2001–2002



































Caractéristiques Non fatales* Fatales*
ÂGE
0–4
5–14
≥ 15
Inconnu
2168
1 058
948
2168
333
2563
34
SEXE
Masculin
Feminin
2721
1452
2789
583
LOCALISATION
Piscine
Eau naturelle (mer, lac, rivière)
Autres
2571
909
513
596
1467
1309
DEVENIR
Traité/renvoyé chez lui
Hospitalisé
Autre
1925
2233
16



TOTAL 4174 3372

* Chiffre estimé


Données issues des Centers for Disease Control and Prevention : Nonfatal and fatal drownings in recreational water settings – United States, 2001–2002, MMWR 53 (21) : 447, 2004.



Facteurs favorisant la submersion


Des facteurs spécifiques font que les individus ont un risque plus grand d’incidents de submersion [5,6,14,16]. Reconnaître ces facteurs augmentera la prise de conscience et encouragera la création de stratégies préventives pour minimiser la survenue de tels événements. Pour les nourrissons et les enfants, le principal facteur de risque est une surveillance inadéquate, et pour les adolescents et les adultes, ce sont les comportements à risque ainsi que l’usage de drogues et d’alcool [14].



Aptitudes à la natation


Les aptitudes à la natation ne sont pas liées de manière évidente à la noyade. Les hommes blancs ont une incidence plus élevée de noyade que les femmes blanches, bien qu’ils aient statistiquement de meilleures aptitudes à la natation [5]. Même si les femmes noires ont de faibles talents en natation, elles ont une fréquence de noyade très basse [17]. Une étude rapporte que les non-nageurs ou les débutants représentent 73 % des noyades dans les piscines individuelles et 82 % des incidents dans les canaux, lacs et bassins [18].



Perte de connaissance en eau peu profonde


Certains nageurs, pour augmenter leur distance de nage, hyperventilent intentionnellement avant de nager sous l’eau pour essayer de diminuer la pression artérielle partielle en dioxyde de carbone (PaCO2), puisque le taux de CO2 est le stimulus principal de la respiration chez les patients ne souffrant pas de BPCO [19]. Cette diminution de la PaCO2 va diminuer la réaction du centre respiratoire dans l’hypothalamus visant à faire prendre une inspiration au cours de l’apnée. Ces individus présentent un risque d’incident de submersion parce que la pression partielle en oxygène (PaO2) ne change pas de manière significative avec une hyperventilation. Si ces individus continuent à nager sous l’eau, la PaO2 va diminuer de façon importante et éventuellement entraîner une perte de connaissance ainsi qu’une hypoxie cérébrale.







Localisation


Les incidents de submersion surviennent typiquement dans les piscines individuelles et à la mer, mais également dans les seaux ou baquets [6]. Les maisons en milieu rural avec des puits ouverts multiplient le risque de noyade des jeunes enfants par sept [5]. D’autres éléments dangereux sont les tonneaux, les fontaines et les réservoirs souterrains.



Alcool et drogues


L’alcool est la première drogue associée aux incidents de submersion [23], le plus probablement parce qu’il entraîne une perte de jugement [24]. De 20 à 30 % des accidents de bateaux et des incidents de submersion chez les adultes impliquent la consommation d’alcool ; celui-ci altère le jugement, encourage les individus à naviguer trop rapidement, à oublier leurs gilets de sauvetage, ou à manipuler l’embarcation avec insouciance [5,25,26].



Maladies sous-jacentes ou traumatismes


Un problème provenant d’une pathologie sous-jacente peut être une cause de submersion. Hypoglycémie, infarctus du myocarde, arythmies cardiaques, dépression, pensées suicidaires et syncope prédisposent aux incidents de noyade [14]. Une étude récente rapporte que le risque de noyade chez les patients souffrant d’épilepsie est 15 à 19 fois celui de la population générale [24]. Des lésions cervicales et un traumatisme crânien doivent être suspectés lors de tout incident ou toute blessure sans témoin impliquant les surfeurs, et les victimes de plongée en eau peu profonde, ou lorsqu’il y a des rochers ou des arbres dans l’eau (figures 21-1 et 21-2).







Mécanisme lésionnel


Un scénario fréquent d’immersion ou d’incident de submersion commence par une situation provoquant la panique, qui pousse à retenir sa respiration, à rechercher de l’air, et à augmenter l’activité physique pour rester ou revenir à la surface. Selon la majorité des témoignages, les victimes de submersion crient rarement et font peu de signes pour demander de l’aide pendant qu’ils luttent pour rester à la surface de l’eau. On les voit plutôt soit flotter à la surface de l’eau, dans une position immobile, soit couler sans réussir à remonter. Si l’incident de submersion se poursuit, un réflexe d’effort inspiratoire amène de l’eau dans le pharynx et le larynx, et provoque ainsi une suffocation et un laryngospasme. Le début du laryngospasme représente la première étape de la suffocation, qui à son tour fait perdre connaissance, la victime coulant encore davantage dans l’eau.


Au cours des années, la physiopathologie des noyades complètes et partielles n’a cessé d’être controversée, en particulier à propos des différences entre noyade en eau douce et noyade en eau salée, ou entre inhalation d’eau ou pas dans les poumons [6,10,14]. Environ 15 % des noyades sont appelées « noyades sèches » parce que le laryngospasme sévère protège contre l’inhalation de liquides dans les poumons. Les 85 % restants d’incidents de submersion sont considérés comme des « noyades humides » ; dans ce cas, le laryngospasme se relâche, la glotte s’ouvre, et la victime inhale l’eau dans les poumons [27]. En théorie, il y a différents effets sur le système pulmonaire selon que l’eau qui pénètre dans les poumons est douce (hypotonique) ou salée (hypertonique). Au cours des noyades en eau douce, le liquide hypotonique entre dans les poumons, puis traverse les alvéoles vers l’espace intravasculaire, entraînant une surcharge volumique et un effet de dilution des électrolytes sériques et des autres composants du sérum. Inversement, lors d’inhalation d’eau salée, le liquide hypertonique entre dans les poumons, puis attire le liquide de l’espace intravasculaire dans les poumons à travers les alvéoles, provoquant un œdème pulmonaire et une hypertonie des électrolytes sériques.


Il a depuis été démontré qu’il n’y a pas de réelle différence entre noyade humide et noyade sèche, et entre inhalation d’eau douce et inhalation d’eau salée [14,28,29]. Pour les intervenants préhospitaliers, le dénominateur commun de ces quatre scénarios de submersion est l’hypoxie entraînée par le laryngospasme ou par l’inhalation d’eau. La prise en charge sur le terrain doit viser à résoudre l’hypoxie chez ces patients, afin d’empêcher l’arrêt cardiaque.



Survie lors d’une submersion en eau froide


Dans de nombreux cas de submersion prolongée, dont un cas décrit d’une durée de 66 minutes, les patients se sont présentés à l’arrivée à l’hôpital avec une hypothermie sévère et ont récupéré une fonction neurologique soit partielle soit complète [12]. Dans ces incidents de submersion, le record de température centrale la plus basse est de 13,7 ° C chez une femme [11]. Dans un autre cas, un enfant a survécu complètement indemne après une submersion dans l’eau glacée pendant 40 minutes, avec une température centrale de 24 ° C. Au bout d’une heure de réanimation, une circulation spontanée a réapparu [30].


Il n’existe aucune explication à de tels cas, mais l’hypothermie est considérée comme protectrice. L’immersion en eau froide pourrait mener rapidement à l’hypothermie à cause de la déperdition de chaleur en surface et du refroidissement central. De plus, la déglutition ou l’inhalation d’eau froide pourrait contribuer à un refroidissement rapide. L’installation rapide d’une hypothermie durant une noyade en eau douce pourrait être due à un refroidissement central provoqué par une inhalation pulmonaire et une absorption rapide d’eau froide, avec ensuite un refroidissement intracérébral.


Un autre facteur qui pourrait expliquer pourquoi certains enfants survivent est le réflexe de plongée des mammifères. Celui-ci ralentit la fréquence cardiaque, shunte le sang vers le cerveau, et ferme les voies aériennes. Cependant, des études récentes évoquent que le réflexe de plongée présent chez différents mammifères ne serait actif que chez 15 à 30 % des êtres humains ; cela pourrait malgré tout expliquer en partie pourquoi certains enfants survivent [5].


Tous les patients victimes de submersion doivent bénéficier d’une tentative de réanimation complète, sans se soucier de la présence ou de l’absence de ces facteurs. Les facteurs décrits ci-après semblent influencer le devenir d’un patient victime d’une submersion en eau froide.










Évaluation


Les priorités initiales pour tout patient victime de submersion sont les suivantes.



Initialement, il est plus sûr de supposer que le patient victime de submersion est hypoxique et en hypothermie. Par conséquent, tous les efforts doivent être faits pour rétablir une respiration efficace pendant le sauvetage aquatique, et pour extraire le patient de l’eau et d’autres sources de froid afin de minimiser les pertes de chaleur corporelle. Évaluer rapidement le patient pour déterminer l’existence de menaces vitales, et rechercher rapidement un traumatisme crânien et des blessures de la colonne cervicale, particulièrement s’il existe une suspicion de traumatisme associé à l’incident de submersion (par exemple chutes, accidents de bateau, plongeon dans l’eau avec présence de rochers, etc.). Cependant, il a été démontré qu’il y a peu de chances d’observer une lésion traumatique lors de la submersion classique, sauf si la victime a plongé dans l’eau [34]. Recueillir les signes vitaux et évaluer tous les champs pulmonaires des submergés, car ceux-ci présentent une grande variété de détresses pulmonaires, dont un souffle court, des râles, des ronchis et des wheezings. Ces patients peuvent être d’abord asymptomatiques, puis leur état peut se détériorer rapidement, avec des signes d’œdème pulmonaire.


Évaluer la saturation en oxygène avec l’oxymètre de pouls. Évaluer les troubles du rythme cardiaque ; les submergés ont souvent une arythmie secondaire à l’hypoxie et à l’hypothermie. Évaluer l’altération de l’état mental et des fonctions neurologiques de tous les membres, car certaines victimes de noyade développent des lésions neurologiques durables. Déterminer la glycémie du patient, l’hypoglycémie ayant pu être la cause de la submersion. Évaluer le score de Glasgow et continuer d’en surveiller l’évolution. Retirer tous les vêtements humides et prendre la température rectale (si des thermomètres adaptés sont disponibles et si la situation le permet) pour évaluer le degré d’hypothermie, et débuter la prise en charge pour minimiser la perte de chaleur supplémentaire (voir chapitre 20 pour la prise en charge de l’hypothermie).


Les données suivantes sont prédictives d’une évolution favorable lors des noyades partielles :




Prise en charge


Un patient qui a subi une submersion quelle qu’elle soit, mais qui ne présente ni signes ni symptômes au moment de l’évaluation initiale aura toujours besoin d’être surveillé à l’hôpital après avoir été évalué sur les lieux, à cause de la possibilité de début retardé des symptômes. De nombreux patients asymptomatiques sont libérés au bout de 6 à 8 heures, selon les signes cliniques trouvés à l’hôpital. Dans une étude réalisée sur 52 nageurs qui ont subi une submersion et étaient initialement asymptomatiques immédiatement après l’incident, 21 (40 %) ont développé une dyspnée et une détresse respiratoire due à l’hypoxie dans les 4 heures suivantes [35]. En général, tous les patients symptomatiques sont admis à l’hôpital pour au moins 24 heures de soins de support et d’observation, car l’évaluation initiale peut être trompeuse. Il est crucial d’obtenir l’histoire complète de l’incident détaillant le temps estimé de la submersion, et tout antécédent médical.


Tout patient ayant subi une submersion devrait recevoir de l’oxygène à haut débit (12 à 15 l/minute) indépendamment de son statut respiratoire initial ou de sa saturation en oxygène, en raison de l’éventuelle survenue tardive d’une détresse pulmonaire, particulièrement si le patient développe une dyspnée. Surveiller l’électrocardiogramme (ECG) à la recherche d’une arythmie. Mettre en place un accès intraveineux (IV) et administrer du liquide physiologique (NaCl) ou une solution de Ringer lactate en entretien de veine. Transporter vers les urgences pour évaluation. Comme de nombreux patients souffrant de noyade partielle sont asymptomatiques, certains peuvent refuser le transport car ils n’ont pas de plainte immédiate. Si tel est le cas, prenez le temps de fournir les bonnes informations sur les signes et symptômes retardés lors de noyades partielles, et de spécifier que beaucoup de victimes développent des complications pulmonaires secondaires. Il faut faire preuve de fermeté et de persuasion avec ces patients pour qu’ils acceptent le transport ou pour qu’ils aillent par eux-mêmes au service d’urgences le plus proche pour évaluation et observation complémentaires. Si le patient reste inflexible quant à son refus d’être soigné, il doit être informé des risques potentiels de ce refus et un document spécifiant ce refus de soins contre l’avis médical doit être signé.


Le patient symptomatique avec un historique de submersion et qui présente des signes de détresse (par exemple anxiété, respiration rapide, difficulté respiratoire, toux) est considéré comme ayant une lésion pulmonaire par submersion jusqu’à ce que l’évaluation à l’hôpital ait prouvé le contraire. L’accent devrait être mis sur la correction de l’hypoxie, de l’acidose et de l’hypothermie. Immobiliser la colonne cervicale de tout patient chez qui un traumatisme est suspecté. Chez les patients inconscients, utiliser l’aspiration afin de libérer les voies aériennes et les maintenir ouvertes avec un accessoire. L’hypoxie et l’acidose peuvent être corrigées avec un support de ventilation efficace. Les patients apnéiques devraient être pris en charge avec un ballon autoremplisseur. L’intubation devrait être envisagée précocement pour protéger les voies aériennes chez les patients apnéiques ou cyanosés, ou dont la fonction neurologique est diminuée, les victimes de submersion ayant avalé une grande quantité d’eau et risquant de vomir et d’inhaler le contenu gastrique. La manœuvre de Sellick (pression cricoïdienne) devrait être appliquée durant la ventilation manuelle au ballon et l’intubation afin d’éviter les régurgitations et l’inhalation. Monitorer l’ECG pour contrôler la fréquence et les troubles du rythme et rechercher les traces d’un événement cardiaque qui aurait pu précéder ou suivre l’incident de submersion. Administrer de l’oxygène à 100 % (12 à 15 l/minute) avec un masque à haute concentration. Obtenir un accès intraveineux et administrer du NaCl 0,9 % ou une solution de Ringer lactate en entretien. Débuter le transport vers les urgences.



Réanimation


L’initiation rapide d’une réanimation cardiopulmonaire et de procédures standard de réanimation avancée (ALS) chez les patients victimes de submersion en arrêt cardiorespiratoire est associée aux meilleures chances de survie [6]. Les victimes peuvent être en asystolie, en activité électrique sans pouls, ou en tachycardie ventriculaire sans pouls/fibrillation ventriculaire. Suivre les recommandations actuelles de l’American Heart Association (AHA) pour la réanimation pédiatrique et adulte et de l’Advanced cardiac life support (ACLS) pour prendre en charge ces troubles du rythme [33]. Comme présenté brièvement dans le chapitre 20, il est couramment recommandé d’utiliser l’hypothermie thérapeutique chez les patients qui restent en coma après arrêt cardiaque causé par fibrillation ventriculaire, et cela peut être aussi efficace pour les autres causes d’arrêt cardiaque, mais il n’y a aucun bénéfice reconnu à induire une hypothermie chez les victimes de noyade [8].


La stabilisation systématique de la colonne cervicale lors des sauvetages aquatiques n’est pas nécessaire, sauf si les raisons ayant conduit à la submersion indiquent qu’un traumatisme est probable (par exemple plongeon, toboggan, signes de blessure, ingestion d’alcool) [8]. Quand ces indicateurs ne sont pas présents, une lésion cervicale est peu probable. La stabilisation cervicale et les autres moyens d’immobilisation cervicale pendant un sauvetage aquatique peuvent provoquer des retards dans la libération des voies aériennes et la prise en charge de la respiration.


La réalisation d’une RCP dans l’eau n’est pas recommandée, car les compressions thoraciques n’y sont pas efficaces. Outre le fait que cela retarde la RCP efficace hors de l’eau, cela expose les intervenants à la fatigue, à l’eau froide, aux vagues, à la houle et aux dangers courants. L’accent doit être porté sur la libération des voies aériennes et la prise en charge ventilatoire chez les patients apnéiques aussi rapidement que possible, en fonction de la position du patient dans l’eau, du nombre de sauveteurs et de l’équipement de secours (par exemple une planche d’immobilisation flottante).


Si un sauvetage sur la plage (ou tout autre localisation) se fait sur un terrain en pente, il n’est plus recommandé de placer le patient dans une position la tête en bas (ou tête en haut) pour drainer les voies aériennes. Les procédures de réanimation montrent de meilleurs résultats lorsque le patient est placé en position couchée, parallèle à l’eau, avec une ventilation et des compressions thoraciques efficaces. Maintenir une position horizontale sur le sol empêchera la chute du débit sanguin lors des compressions thoraciques retrouvé dans la position tête en haut, ou l’augmentation de la pression intracrânienne retrouvée dans la position tête en bas. Par ailleurs, aucune étude n’a démontré que le drainage pulmonaire est efficace quelle que soit la méthode utilisée.


La manœuvre de Heimlich a été précédemment suggérée pour les noyades. Cependant, cette manœuvre est indiquée lors de l’obstruction des voies aériennes et n’évacue pas l’eau des voies aériennes ou des poumons. Elle peut même provoquer des vomissements chez les noyés et augmenter ainsi le risque d’inhalation. Habituellement, l’AHA et l’Institut de médecine américain mettent en garde contre cette manœuvre, excepté lorsque les voies aériennes sont obstruées par un corps étranger [36]. Si le patient récupère une ventilation spontanée, il devra être placé en position latérale de sécurité avec la tête légèrement plus bas que le tronc afin de réduire le risque d’inhalation s’il vomit. (Le chapitre 20 reprend les procédures ALS concernant la réanimation des patients hypothermiques. Voir la figure 20-3 pour l’algorithme de l’hypothermie. Ces recommandations sont les mêmes pour tous les patients hypothermiques quelle que soit la source de l’exposition au froid.)


Utiliser les protocoles de médecine d’urgence locaux pour établir des recommandations qui déterminent les critères évidents de décès. Des recommandations acceptables pour déterminer qu’un décès est évident sont une température rectale normale chez un patient qui présente une asystolie, une apnée, une lividité et une rigidité cadavériques, ou tout autre lésion incompatible avec la vie. Un patient qui a été extrait d’une eau chaude sans signes vitaux ou au bout de 30 minutes de procédures de réanimation sans succès peut être considéré comme mort sur les lieux [5,9]. Consulter rapidement la régulation médicale pour tout individu récupéré d’une noyade en eau froide. Comme indiqué précédemment, de nombreuses personnes ont récupéré avec succès après une immersion en eau froide de plus de 30 minutes. Ces patients devraient être pris en charge comme des patients hypothermiques, en se fondant sur la température rectale.


Le tableau 21-2 résume l’évaluation et la prise en charge du noyé.


Tableau 21-2 Patient victime de submersion : résumé des évaluations et prises en charge











































Historique Examen Intervention
PATIENT ASYMPTOMATIQUE
Temps d’immersion Apparence générale Administration d’O2 au masque facial à 8–10 l/minute
Description de l’incident Signes vitaux Débuter IV en entretien
Plaintes Traumatisme de la tête et du cou
Examen thorax : champs pulmonaires
Réexaminer le patient si besoin
Antécédent médical Monitorage ECG Transport du patient vers les urgences
PATIENT SYMPTOMATIQUE
Description de l’incident Apparence générale Administration d’O2 au masque (12–15 l/minute)
Temps de submersion, température de l’eau, contamination de l’eau, vomissements, type de secours Niveau de conscience (AVPU) Débuter IV en entretien ; intubation précoce si nécessaire
Symptômes Signes vitaux ; monitorage ECG Transport du patient vers les urgences
Réanimation sur le terrain Évaluer l’ABCDE ; signes vitaux ; DEA ou monitorage ECG Débuter RCP ; intuber ; O2 100 % à 12–15 l/minute avec masque ; envisager une sonde nasogastrique pour distension gastrique ; utilisation des procédures ACLS pour la FV et l’asystolie ; utiliser l’algorithme hypothermie

ACLS : advanced cardiac life support ; AVPU : alerte, réponse aux stimuli verbaux, réponse à la douleur (pain), pas de réponse (unresponsive) ; DEA : défibrillateur externe automatisé ; RCP : réanimation cardiopulmonaire.


D’après Schoene RB, Nachat A, Gravatt AR, Newman AB, Submersion incidents. In Auerbach PS, Wilderness medicine, ed 5, St. Louis, 2007, Mosby Elsevier.

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May 27, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 21: Traumatismes liés à l’environnement – II: noyade, foudre, plongée sous-marine et altitude

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