5: Dysharmonie dentomaxillaire

Chapitre 5 Dysharmonie dentomaxillaire




L’usage décrit deux entités cliniques différentes sous le terme dysharmonie dentomaxillaire (DDM). Pour Cauhépé, c’est une « disproportion de volume entre les dents et les bases osseuses ». Château [1] distingue deux formes cliniques, « la macrodontie et la microdontie relatives au squelette du sujet » (figure 5.1). Ces définitions correspondent à l’expression tooth jaw discrepancy citée par Mayne, dans l’ouvrage de Graber (discrepancy exprimant toute discordance en général).



Pour ces auteurs, la dysharmonie dentomaxillaire exprime l’héritage de grosses dents sur un petit maxillaire ou de petites dents sur un maxillaire à développement normal, hérédité croisée père–mère de Pont. Il s’agit d’une anomalie de type contenant–contenu, qui amène les remarques suivantes :



La Société française d’orthopédie dentofaciale propose une définition plus large de la dysharmonie dentomaxillaire – arch length discrepancy en anglais : « anomalie caractérisant l’insuffisance ou l’excès de place pour l’alignement des dents à un moment donné. La microdontie relative et la macrodontie relative (Château) en sont les formes cliniques ».


Cette définition, moins « vraie » que les précédentes peut être rapprochée de la dysharmonie dento-alvéolaire de Benauwt et Klingler. Elle globalise l’étiologie des malpositions dentaires : elle assimile la DDM à la dyscrepancy – symptôme – des analyses thérapeutiques où l’encombrement est le résultat des anomalies de volume bases–dents et des déséquilibres squelettiques et alvéolaires dont certains sont réductibles orthodontiquement ou chirurgicalement. L’anomalie est considérée à un moment donné.


Il n’y a cependant pas lieu d’opposer ces concepts : il est justifié, pour des raisons pratiques, de ne retenir que la notion de discrepancy, discordance, encombrement ou diastèmes, qu’ils soient dus à une dysharmonie dentomaxillaire vraie ou à des anomalies associées, et d’intégrer cette discrepancy aux analyses thérapeutiques.


En pratique, on pourra considérer qu’un encombrement de 5 à 7 mm consécutif à une dysharmonie dentomaxillaire avérée justifie des extractions thérapeutiques alors que le même encombrement consécutif à tout autre facteur étiologique peut éventuellement être corrigé orthodontiquement.


Ces remarques nous paraissent essentielles.



Étiologie


Les dysharmonies dentomaxillaires sont fréquentes : la microdontie relative représente 8 % des cas orthodontiques, la macrodontie relative 60 à 80 % selon Tweed [2].


Cette fréquence s’explique par la multiplicité des facteurs étiologiques et de leurs interactions :



•  l’évolution a réduit pour celles-ci le volume des maxillaires plus rapidement que celui des dents, et plus rapidement les dimensions des dernières dents de chaque série;


•  le mélange des populations est le facteur princeps, cependant imprévisible, car les dents et les maxillaires sont soumis à des contrôles génétiques plurifactoriels plus ou moins forts, autrement dit à une certaine « imprécision de ces contrôles ». Les dents présentent des variations dimensionnelles individuelles très importantes (figure 5.2). Pour Sharma, les dents subiraient une influence environnementale plus importante dans les populations primitives. Pour Dempsey, les secteurs antérieurs des arcades sembleraient plus soumis à l’hérédité que les secteurs latéraux;


•  embryologiquement, le système stomatognathique doit concilier sa dualité originelle, mésodermique et ectodermique, considérée comme cause possible de la dysharmonie;


•  un autre facteur est l’asynchronisme de développement des dents et des maxillaires soumettant plus longtemps ces derniers à l’influence des troubles endocriniens, de la croissance, des fonctions mais aussi des pathologies du système osseux. Les dimensions des dents sont fixées très tôt, peu diminuées par l’abrasion depuis le Moyen Âge, avec même une tendance à l’augmentation dimensionnelle pour certaines d’entre elles. Par contre, les rapports des bases variant tout au long de la vie et les remodelages osseux provoquant souvent la réduction des zones alvéolaires, la macrodontie relative et les encombrements ont tendance à s’accentuer avec le temps. Ainsi, Bassigny distingue :






Plus tard, survient le vieillissement …



Signes cliniques


Les dysharmonies dentomaxillaires concernent le maxillaire et la mandibule. Cependant, les analyses thérapeutiques quantifiant l’encombrement maxillaire sont rares.



Macrodontie relative


Une macrodontie relative transitoire a été décrite en denture mixte par L. De Coster. Cette dysharmonie suppose un décalage de 2 ans entre l’âge dentaire et l’âge osseux. L’encombrement, limité à 2 ou 3 mm, disparaît en denture permanente aux dépens du lee way. De manière générale, avant 6 ans, il y a peu de dysharmonie dentomaxillaire.


Lors de l’évolution des premières molaires maxillaires, le rétrécissement de la base apicale peut gêner leur redressement : leur face occlusale conserve une orientation distale.


À l’arcade maxillaire, le manque de place en arrière des deuxièmes molaires temporaires peut contraindre les premières molaires permanentes à résorber la racine distale des deuxièmes molaires temporaires (figure 5.3) entraînant une péricoronarite ou empêchant le redressement des molaires permanentes par blocage dans la cavité de carie distale des deuxièmes molaires temporaires.



Dans la région antérieure, des diastèmes inter-incisivocanins, dits diastèmes de Bogue, doivent apparaître avant l’évolution des incisives permanentes (figure 5.4). Leur absence traduit un défaut de développement transversal des arcades et précède habituellement l’apparition de malpositions des incisives permanentes.



Pour une évolution harmonieuse, il est nécessaire que la somme de la largeur mésiodistale des incisives temporaires ajoutée à celle des diastèmes de Bogue soit égale à la somme de la largeur mésiodistale des incisives permanentes.


Idéalement, les phénomènes de dentition devraient reproduire les schémas de van der Linden. Même lorsqu’il existe une macrodontie relative, les incisives centrales permanentes ont la possibilité d’évoluer sans retard supérieur à un an et demi, entraînant la chute des incisives centrales et latérales temporaires : une dent permanente prend la place de deux dents temporaires, ne permettant plus l’évolution des incisives latérales (figure 5.5).



À la mandibule les incisives centrales permanentes doivent parfois évoluer lingualement par rapport à l’incisive temporaire correspondante. Les incisives latérales évoluent plus difficilement. Pour rester à l’aplomb de la crête gingivale, elles doivent accélérer la résorption des canines temporaires, leur mise en place sur l’arcade est nettement retardée. Le manque de place peut obliger les incisives centrales et latérales à évoluer en version ou en rotation parfois en dehors du sommet de la crête gingivale, dans une zone pauvre en gencive kératinisée (figure 5.6). La gencive attachée aura une épaisseur insuffisante sur ces dents dystopiques, des déhiscences gingivales apparaîtront, surtout sur les incisives mandibulaires. Pour éviter ces malpositions, il peut être opportun de guider l’évolution des incisives latérales par extraction des canines temporaires en tenant compte des anomalies associées.


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May 14, 2017 | Posted by in DENTAIRE | Comments Off on 5: Dysharmonie dentomaxillaire

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