47: Les catastrophes

Chapitre 47 Les catastrophes



Aucune autre pathologie, n’entraîne un fossé aussi grand entre le nombre de victimes traitées quotidiennement et celui généré par une seule catastrophe. Les centres destinés au traitement des brûlés ont un potentiel limité de lits, saturé au quotidien, qu’il faut savoir allouer aux patients qui en ont le plus besoin. La répartition géographique de ces lits peut nécessiter des évacuations longues. Un triage et une adaptation de la chaîne de soins sont donc nécessaires.



Généralités



Catastrophes et brûlures : la situation


Si la captation du feu est l’un des premiers progrès de l’humanité, ce feu est la cause historique d’innombrables victimes. Le tableau 47-1 recense quelques catastrophes récentes.



L’origine naturelle (éruptions volcaniques, incendies en liaison avec des tremblements de terre, feux de forêt) des incendies s’efface devant les risques technologiques [14]. Parmi les accidents dus au gaz, les accidents miniers (coups de grisou) ont laissé place aux accidents liés à son transport (explosion de gazoduc, explosion de réservoirs sous pression (boiling liquid expanding vapor explosion, BLEVE) [5,69]. Les incendies de lieux publics très fréquentés (magasins, hôtels, hôpitaux, discothèques) sont la cause de brûlures graves mais surtout d’asphyxie et de lésions d’inhalation de fumées [1015]. Il en est de même des accidents liés aux véhicules de transport collectif [[1619]. L’énergie nucléaire est cause rarissime d’accident, les brûlures provoquées y sont le fait de la chaleur plus que de l’émission de produits radioactifs. Le nombre de victimes brûlées lors des guerres est évalué entre 15 et 30 % des combattants blessés, les victimes civiles sont rarement recensées [2026]. Le terrorisme est un nouveau type de guerre destiné à faire un maximum de victimes civiles, les lésions rencontrées associent brûlures, traumatismes par « blast », projection et criblage ; les victimes les plus gravement blessées sont aussi les plus brûlées [2733]. Une analyse récente des « fire disasters » survenus aux États-Unis au cours du XXe siècle permet à ses auteurs d’affirmer que ces situations ont diminué tant sur le plan du nombre que sur celui du nombre de victimes et qu’il faut travailler sur des situations de l’ordre de 25 à 50 victimes graves dont les soins sont très lourds [34].


Face à ces risques, la France métropolitaine dispose de 19 centres de brûlés (CTB) répartis sur dix villes, 4 d’entre eux n’hospitalisant que des enfants. Ils représentent un potentiel d’un peu plus de 200 lits dont 100 de réanimation. Ces lits sont saturés, leur taux de remplissage est de plus de 80 %. La durée moyenne de séjour d’un brûlé grave oscille entre 25 et 30 jours. Il est évident qu’un afflux, même modéré, de victimes pose à leur niveau un problème d’organisation. Une coopération internationale est souvent souhaitable. Les catastrophes peuvent se traduire par une destruction totale de l’infrastructure. La priorité devient, entre autres, celle de la qualité de l’eau et les problèmes rencontrés ceux de l’absence d’approvisionnement en médicaments, matériels et personnels médicaux. Une chaîne logistique complète est alors à mettre en place. S’en rapprochent les catastrophes survenues dans les pays en voie de développement.



Évolution, pronostic des brûlures et évaluation de leur gravité


L’appréciation de la gravité d’une brûlure repose sur la surface et la profondeur de l’atteinte, l’âge du patient et l’existence de lésions d’inhalation de fumées [35, 36]. L’American Burn Association a élaboré, à partir d’une base de données nationale, une grille décrivant le bénéfice, en termes de chances de survie et de ressources nécessaires, en fonction de l’âge et de la surface brûlée (tableau 47-2) [37]. L’un des scores de gravité les plus simples à utiliser est le score de Baux, qui consiste à additionner la surface brûlée profonde à l’âge de la victime. Au-dessus de 120, les chances de survie du patient sont très limitées. Le calcul rapide de la surface brûlée est fait à partir de la règle de 9 mais, pour un triage plus efficace, cette évaluation doit être aussi précise que possible et réalisée, à partir d’un dessin, selon la table de Lund et Browder. La profondeur des brûlures évolue dans les premières heures, son évaluation est clinique et nécessite une grande habitude. Dans une situation où les conditions de soins ne sont pas optimales, les lésions du deuxième degré profond évoluent vers l’approfondissement. Il n’existe donc, en cas d’afflux, que des brûlures sûrement superficielles qui guériront par cicatrisation spontanée et des brûlures profondes qu’il faudra greffer.






Triage


Face à une disparité aussi criante entre nombre de victimes potentielles et disponibilité en lits de brûlés, un tri s’impose afin d’optimiser l’emploi des moyens d’évacuation et de traitement. C’est un acte médical majeur dont nous examinerons les principes avant de nous interroger sur qui doit le réaliser et à quel endroit il doit avoir lieu [3840]. Ce triage s’accompagne d’une mise en condition du patient pour son évacuation, de la réalisation des soins urgents et de la mise en place d’un programme de traitement pour les premières heures.



Principes du triage





Notion de patient en attente


Au quotidien, le triage consiste à reconnaître les victimes les plus graves pour les évacuer vers la structure de soins adéquate. En situation d’afflux massif, la priorité peut changer et l’utilisation de ressources limitées réservées aux patients qui ont le plus de chances d’être sauvées. Cela exige une évaluation aussi précise que possible des lésions, en surface et en profondeur, par des médecins ayant l’habitude des brûlures, quelquefois après la pratique d’examens paracliniques simples. Les scores de gravité précédemment décrits et le tableau d’analyse risque/bénéfice sont alors utiles (tableau 47-2). Les patients très graves ne doivent pas être abandonnés mais bénéficier de soins de réanimation de base, perfusion et analgésie. Leur situation doit être réexaminée régulièrement en fonction de leur évolution et de l’évolution de la situation globale. La dénomination américaine de victimes en attente (expectants) est donc plus appropriée que celle d’urgence dépassée ou de « morituri » (si la surface brûlée est supérieure à 40 %) utilisée dans les triages en cas de pertes massives ou de catastrophes nucléaires.

Only gold members can continue reading. Log In or Register to continue

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Sep 21, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 47: Les catastrophes

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access