47: Décollement de rétine chez le pseudophaque

Chapitre 47 Décollement de rétine chez le pseudophaque




Incidence


Le décollement de rétine reste l’une des complications graves de la chirurgie de la cataracte. Environ un tiers des décollements de rétine opérés surviennent chez des patients aphaques ou pseudophaques ; cependant, sur les données actuellement disponibles et en dépit des réserves qu’on peut émettre sur son évaluation globale à travers le monde, l’incidence du décollement de rétine ne semble pas progresser malgré l’augmentation de la proportion de sujets opérés de cataracte [30]. L’incidence du décollement de rétine dans la population générale est estimée à un cas pour six mille à un cas pour seize mille par an, ce qui correspond à une fréquence de 0,006 % à 0,01 %. Ce risque se situe, selon les séries, entre 0,3 % et 2 % après extraction extracapsulaire manuelle ou par phacoémulsification. Le risque paraît en revanche nettement plus important en cas de rupture capsulaire postérieure avec issue de vitré peropératoire, chez le sujet myope fort, le sujet jeune (avant soixante ans) ou après capsulotomie au laser YAG [26]. C’est certainement le statut du vitré, décollé ou non au moment de la chirurgie, l’usage ou non du laser YAG et la survenue de complications per-opératoires qui conditionnent le risque de décollement de rétine.



Physiopathologie du décollement de rétine après extraction du cristallin


En présence d’un décollement postérieur du vitré, 8 % à 15 % des yeux développeraient des déchirures [22] ; Foos [15] associe le décollement postérieur du vitré à la présence de déchirures rétiniennes dans 14,3 % des cas sur yeux autopsiés. Une déchirure se compliquerait de décollement de rétine dans 48 % à 55 % des cas si le clapet n’est pas détaché [11, 38] ; en présence d’un opercule, le risque de décollement de rétine serait de 4,5 % à 17 % [11, 12]. Or, la chirurgie de la cataracte paraît augmenter l’incidence du décollement postérieur du vitré [29] et plusieurs hypothèses ont été élaborées pour expliquer ce phénomène.


L’augmentation du volume occupé par le vitré après l’ablation du cristallin entraîne un déplacement vers l’avant du vitré et une majoration de sa mobilité. Il en résulterait une augmentation des tractions du vitré sur la rétine au niveau de ses adhérences physiologiques ou pathologiques.


Sur le plan biochimique, des modifications du gel vitréen ont été décrites par Osterlin après chirurgie de la cataracte [34]. Cet auteur retrouve une diminution significative de la concentration en acide hyaluronique du vitré chez les sujets aphaques. Or, l’acide hyaluronique est indispensable au maintien de l’organisation en réseau des fibres de collagène du vitré : lorsque sa concentration diminue, le gel vitréen se désorganise, les fibres de collagène se regroupent en « bandes de traction », tandis qu’apparaissent par ailleurs de véritables zones lacunaires liquides, vides de collagène [6]. Neal, comparant la composition biochimique du vitré d’yeux phaques et pseudophaques post mortem [32], retrouve une différence entre les deux groupes portant sur les protéines, la viscosité et la taille des molécules présentes dans le vitré (moindres chez le pseudophaque). Ces modifications structurales (déplacement du vitré vers l’avant) et biochimiques (liquéfaction et agrégation des fibres de collagène en bandes) concourent à favoriser le décollement postérieur du vitré chez les sujets opérés de cataracte, et ce d’autant plus que le plan capsulaire postérieur est absent ou rompu.


L’intégrité du plan capsulaire semble en effet limiter les modifications du gel vitréen. Dans une étude menée chez le singe comparant les différentes techniques d’extraction du cristallin, Osterlin [34] retrouve une concentration intravitréenne en acide hyaluronique diminuée de 84 % à 91 % en cas d’extraction intracapsulaire et de seulement 9 % en cas d’extraction extracapsulaire par rapport aux animaux phaques. McDonnell, dans une étude histopathologique post mortem sur deux cent un yeux [27], retrouve la présence d’un décollement postérieur du vitré total ou partiel dans 84 % des yeux en cas d’extraction intracapsulaire, 76 % en cas d’extraction extracapsulaire associée à une discision chirurgicale de la capsule postérieure et 40 % en cas d’extraction extracapsulaire avec conservation du plan capsulaire postérieur (incidence significativement moins élevée). Ainsi, les conséquences d’une chirurgie du cristallin sur le vitré sont nettement corrélées à l’intégrité du plan capsulaire : discrètes ou absentes après extraction extracapsulaire non compliquée, beaucoup plus importantes lorsque la capsule postérieure est absente (extraction intracapsulaire), ouverte ou rompue.


Cependant, d’autres études objectivent la survenue d’un décollement postérieur du vitré au moins partiel après phakoémulsification non compliquée. Dans une population de patients dont le vitré n’était pas décollé en préopératoire en échographie en mode B, un décollement postérieur du vitré survient dans 58,6 % des cas dans l’année suivant la chirurgie pour Mirshahi [29, 37], sans qu’aucun facteur de risque (sexe, longueur axiale ou temps de phakoémulsification) ne puisse être dégagé. Cet auteur retrouve une incidence de décollement postérieur du vitré supérieure chez les patients de plus de quatre-vingts ans (83,3 %) que chez les patients de moins de soixante ans (18,8 %) sans que cette différence soit significative, étant donné le faible effectif des sous-groupes. En fait, l’effectif relativement faible de la série (cinquante-huit patients) et l’absence de groupe contrôle limitent l’interprétation de ces résultats.



Influence de la capsulotomie au laser YAG


La création d’une ouverture capsulaire secondaire au laser YAG pourrait avoir les mêmes conséquences sur les modifications biochimiques du vitré que celles observées en cas de rupture capsulaire au cours d’une chirurgie de la cataracte. L’opacification secondaire de la capsule postérieure après extraction extracapsulaire du cristallin est un événement fréquent, survenant dans 6 % à plus de 50 % des cas selon la durée de suivi et le type d’implant utilisé. Les matériaux employés dans la fabrication des implants (silicone, acrylique hydrophobe), ainsi que leur géométrie (bords carrés) ont permis d’observer une diminution du taux d’opacification capsulaire ou, du moins, de retarder son apparition. Baratz, sur une série de trois mille cinq cent quarante et une cataractes opérées [7], tous types d’implants confondus, retrouve une incidence de capsulotomies de 6 % à un an et 38 % à neuf ans. Les facteurs de risque dégagés dans cette étude sont le jeune âge des patients, les implants en polyméthylméthacrylate (PMMA) et la technique d’extraction extracapsulaire manuelle comparativement à la phacoémulsification. Plus récemment, Gauthier [16] retrouve un taux de capsulotomies à deux ans moins élevé avec les implants multifocaux en acrylique hydrophobe comparés aux implants hydrophiles.


Comme l’a montré Lerman [25] chez le singe et le lapin, la capsulotomie au laser YAG a les mêmes conséquences sur la composition chimique du vitré que celles vues précédemment et favorise la survenue d’un décollement postérieur du vitré aigu. C’est sans doute, là encore, ce facteur vitréen qui influence le plus le risque de décollement de rétine [23]. Il est possible qu’une corrélation existe entre l’énergie totale délivrée ou la taille de la capsulotomie et la survenue d’un décollement de rétine ; cela n’a pas été établi de façon unanime mais quelques publications récentes favorisent cette hypothèse [1,2, 33]. La réalisation d’une capsulotomie au laser YAG s’accompagne d’un risque accru de décollement de rétine compris entre 0,08 % et 4,1 % selon les séries [17, 28]. La variabilité de ces chiffres s’explique par les différences de durée de suivi après capsulotomie dans les différentes études, l’âge et la proportion de myopes dans les populations étudiées. Il est logique de penser que l’incidence du décollement de rétine post-YAG est directement conditionnée par la présence ou non d’un décollement postérieur du vitré au moment de la procédure. Chez les patients ayant déjà fait un décollement de rétine sur l’autre œil ou présentant des lésions rétiniennes périphériques, le risque de décollement de rétine après capsulotomie au laser YAG est nettement majoré, multiplié par un facteur 3 selon Rickman-Barger [36] et Javitt [23]. On note que la majorité des décollements de rétine surviennent dans un court délai après la réalisation du laser YAG : environ 50 % dans les six premiers mois [4, 14, 17, 19, 36]. Une capsulotomie différée de plus d’un an après la chirurgie du cristallin semble diminuer le risque de décollement de rétine pour certains [14], mais a peu d’influence pour d’autres [24].



Caractéristiques cliniques du décollement de rétine du pseudophaque


Les aspects particuliers classiquement décrits chez l’aphaque concernent la taille, la localisation et le nombre des déhiscences. Typiquement, le décollement de rétine est dû à des déchirures multiples, de petite taille et de localisation très antérieure. Son évolution est rapide en raison du caractère très liquéfié du vitré. Sa physiopathogénie met en jeu des tractions vitréorétiniennes chroniques expliquées par les modifications vitréennes précédemment décrites.


Ce type de décollement de rétine est, en fait, beaucoup moins fréquent aujourd’hui, car il est surtout observé chez l’aphaque et il se manifeste souvent tardivement par rapport à la chirurgie du cristallin (après deux ans) [8]. Le décollement le plus souvent observé aujourd’hui a les mêmes caractéristiques que le décollement de rétine du sujet phaque (déchirures en « fer à cheval » de siège équatorial), provoqué par un décollement postérieur du vitré aigu [18]. Il est souvent précoce, survenant dans les six premiers mois postopératoires après extraction intracapsulaire ou extracapsulaire avec capsule postérieure ouverte ; il peut être plus tardif après une phacoémulsification non compliquée, correspondant alors au décollement postérieur du vitré spontané, qu’il est parfois difficile de rattacher directement au geste chirurgical.

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Jun 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 47: Décollement de rétine chez le pseudophaque

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