Question 44. Elle ne se sent pas heureuse depuis l’accouchement
La demande
Le préliminaire
Le baby blues est un symptôme bénin et fréquent qui dure environ une semaine.
Il s’agit souvent d’un cortège d’émotions contradictoires, par exemple une joie immense suivie de pleurs abondants et d’irritabilité.
La psychose puerpérale est une urgence psychiatrique grave.
Les premiers jours peuvent ressembler au baby blues, mais d’autres symptômes apparaissent ensuite : confusion, obnubilation, angoisse majeure, troubles de la mémoire et de la perception. Il s’installe un délire avec des hallucinations auditives et visuelles.
La première consultation
Le médecin écoute la patiente avec empathie. Il faut laisser à la patiente le temps d’exprimer ses angoisses.
Il devra rechercher les signes d’une dépression (fatigue, dépréciation de soi, trouble de l’humeur, etc.), d’une psychose puerpérale (angoisse majeure, délire, hallucination, etc.) ou d’un simple baby blues.
Il mettra en place les traitements appropriés, en particulier une hospitalisation d’urgence en cas de psychose puerpérale. Il rassurera la patiente et insistera sur la bénignité en cas de baby blues.
Le point de vue du gynécologue
Généralités
Un professionnel de la santé confronté à une femme enceinte doit connaître son histoire de trouble mental (dépression, bipolarité, schizophrénie), ses suivis psychiatriques/psychologiques antérieurs, son histoire familiale de maladie mentale périnatale ainsi que son environnement familial, social et professionnel actuel. Des questions simples peuvent être posées. Durant le mois passé, vous êtes-vous sentie déprimée, abattue ? Avez-vous perdu de l’intérêt ou du plaisir à faire les choses habituelles ? Avez-vous le sentiment d’avoir besoin d’une aide particulière ?
En effet, la prévalence des troubles thymiques est la plus élevée durant la période de grossesse et du post-partum plus qu’à tout autre moment de la vie d’une femme. Jusqu’à 80 % des femmes qui ont accouché souffriront du baby blues. Entre 3 % et 20 % iront jusqu’à une dépression du post-partum et 1/1 000 connaîtra la psychose post-partum.
Les psychiatres ont identifié trois types de dépressions du post-partum : le post-partum blues (ou baby blues), la dépression du post-partum et la psychose du post-partum.
Le post-partum blues (ou syndrome du troisième jour)
C’est la forme la plus légère des troubles affectifs du post-partum. Il se présente soudainement entre le premier et le troisième jour suivant l’accouchement, sous forme de pleurs, d’irritabilité, de sautes d’humeur et un sentiment d’être dépassée. Ces blues peuvent durer plusieurs jours. On estime que 50 % à 80 % des mères les éprouvent. Si ces symptômes persistent durant quelques semaines, nous devons considérer le diagnostic de dépression du post-partum.
La dépression du post-partum
Elle correspond aux critères diagnostiques de l’épisode dépressif majeur du DSM-IV. Près de la moitié des dépressions du post-partum débutent en fait durant la grossesse.
Les parturientes éprouvent alors les symptômes suivants : tristesse, découragement, pleurs fréquents, sentiment de ne pas être à la hauteur, culpabilité, anxiété, irritabilité et fatigue. Elle se distingue du post-partum blues par une inscription dans la durée, un sentiment de culpabilité, des difficultés cognitives (mnésiques et de concentration), un négativisme, un sentiment de folie ou de perte de contrôle, des crises d’anxiété ou de panique, une difficulté à organiser ses tâches quotidiennes et la gestion du nouveau-né, ainsi que des pensées suicidaires. Les symptômes physiques souvent associés comprennent des maux de tête, un engourdissement, des douleurs thoraciques et une hyperventilation liée à l’anxiété.
Son étiologie est inconnue, plutôt multifactorielle avec des facteurs de risque psychologiques, biologiques (changements hormonaux) et sociaux (précarité, isolement, stress, traumatismes psychiques).
La relation mère-enfant peut être sérieusement endommagée par la dépression post-partum. La mère, ambivalente, triste et anxieuse, est alors moins disponible pour les interactions avec son enfant, éprouve un certain désintérêt envers son enfant, voire un sentiment d’inutilité. La chronicité de cet état peut avoir des répercussions négatives sur le développement du lien d’attachement mère-enfant, voire sur le développement psychoaffectif et neurocognitif de l’enfant. La dépression peut s’installer le plus souvent dans le mois suivant l’accouchement, mais la période de vulnérabilité s’étend sur un an. On parle alors de dépression du post-partum à début tardif.
La psychose post-partum
C’est un trouble relativement rare (entre 0,1 et 0,2 % des accouchements). Ce risque s’élève à 14 % chez les femmes aux antécédents d’un épisode psychotique du post-partum. Les premiers symptômes surviennent dans le premier mois suivant l’accouchement, et dans 50 % des cas durant les trois premiers jours du post-partum.
Le tableau clinique est souvent celui d’un délire confus. Les symptômes comportent un désarroi extrême, une fatigue, une agitation, une labilité de l’humeur, des sentiments de désespoir et de honte, parfois des hallucinations, une allocution rapide et des pensées obsessives. Une perte de contact avec la réalité est un critère discriminant. Dans la psychose affective du post-partum les symptômes les plus fréquents sont des délires de grandeur, des idées confuses et un comportement désorganisé. Un épisode maniaque peut survenir dans 35 % des femmes aux antécédents de bipolarité. Si l’épisode actuel se situe plutôt dans le spectre de la schizophrénie, les symptômes sont plus souvent des délires paranoïaques et des dénis de grossesse ou de la filiation. Si la nouvelle mère souffre de ces symptômes, il faut s’assurer de sa sécurité et de celle de l’enfant. En présence d’éléments délirants, une hospitalisation est probablement nécessaire. Elle n’est pas en mesure de s’occuper ni du bébé, ni d’elle-même.