CHAPITRE 43 TRAITEMENT DES INFECTIONS GYNÉCOLOGIQUES
GÉNÉRALITÉS
Physiopathologie
Les infections gynécologiques sont parmi les raisons de consultation chez le gynécologue les plus fréquentes.
Il convient tout d’abord de préciser que l’appareil génital de la femme est constitué de deux secteurs bien différenciés quant à leur écologie microbienne (figure 43.1).
La vulve, le vagin et l’exocol sont des muqueuses résistantes à la pénétration bactérienne en dépit d’une large colonisation microbienne de leur surface et des sécrétions vaginales. Chaque gramme de sécrétions vaginales contient 107 à 108 bactéries.
Trois groupes de bactéries peuvent être définis :
– les bactéries de portage habituel : flore de Doderlein, constituée de bactéries acidophiles, en particulier de lactobacilles et plus accessoirement de streptocoques α-hémolytiques et très exceptionnellement de corynébactéries. Le pH vaginal est inférieur à 5 (bactériostase physiologique) ;
– les bactéries de portage fréquent, provenant essentiellement de la flore digestive : Streptococcus agalactiae, entérocoques, entérobactéries (Escherichia coli principalement), staphylocoques et bactéries anaérobies. D’autres bactéries d’origine plus incertaine sont également fréquentes : Gardnerella vaginalis, Mycoplasma hominis, Ureaplasma urealyticum par exemple ;
– les bactéries de portage exceptionnel, commensales usuelles de la flore oropharyngée : Haemophilus influenzae et parainfluenzae, streptocoques pyogènes, pneumocoques, Neisseria et Branhamella.
Le portage des bactéries des deux derniers groupes peut être asymptomatique, sans entraîner de pathologie vaginale, ou entraîner des tableaux de vaginose bactérienne ou de vulvovaginite si elles prolifèrent dans le vagin et remplacent la flore lactique.
Les cavités endocervicale, utérine, tubaire et péritonéale sont des milieux dépourvus de flore naturelle à l’état physiologique.
Le tractus génital supérieur est normalement stérile mais les bactéries peuvent monter dans la cavité utérine, les trompes de Fallope et dans le péritoine pelvien durant les menstruations, lors de l’utilisation d’instruments, de la présence de corps étrangers (stérilets) et des actes chirurgicaux.
Les bactéries comme Neisseria gonorrhoeae et Chlamydiae trachomatis, capables de coloniser et d’infecter l’endocol, sont responsables d’infections sexuellement transmissibles (IST).
Plusieurs facteurs peuvent déséquilibrer la flore vaginale :
Selon le site de l’infection, on distingue :
– les infections gynécologiques basses telles que les vulvo-vaginites infectieuses. Elles peuvent être d’origine bactérienne (vaginose bactérienne), parasitaire (trichomonase), fongique (vulvo-vaginite à Candida) ou virale (herpes virus ou human papillomavirus). Elles sont le plus souvent bénignes. Toute infection qui ne cède pas à un traitement de première intention doit faire l’objet d’une consultation médicale ;
– les infections gynécologiques hautes, telles que la salpingite aiguë et l’endométrite. Ces infections sont graves et doivent être prises en charge le plus souvent en milieu hospitalier (antibiothérapie adaptée).
Diagnostic
Le diagnostic d’infection repose sur :
– Le test dit « à la potasse » à 10 % ou « Sniff test » : l’addition d’hydroxyde de potassium aux sécrétions vaginales permet d’identifier rapidement la présence d’amines volatiles produites par les agents responsables de vaginose bactérienne (une odeur de poisson se dégage).
– Les prélèvements : ils ne sont pas indispensables mais parfois nécessaires si les signes cliniques ne sont pas typiques ou en cas d’échec d’un premier traitement médical ou de récidives des symptômes.
TRAITEMENT DES INFECTIONS GÉNITALES BASSES (VULVO-VAGINITES INFECTIEUSES)
Les vulvo-vaginites infectieuses (VVI) sont la cause la plus fréquente de consultation médicale chez la femme. Environ 90 % de ces VVI sont attribuées à trois causes : la vaginose bactérienne (50 % des cas), la trichomonase et la vulvo-vaginite à Candida [1]. Ces trois infections seront discutées dans cette section et seront comparées dans le tableau 43.1.
Les antibiotiques les plus classiquement utilisés dans les infections gynécologiques basses sont les 5-nitro-imidazolés. Pour plus de précisions sur leurs propriétés (mécanisme d’action, spectre antibactérien, etc.) se reporter au chapitre 40 « Généralités sur les antibiotiques ».
Vaginose bactérienne
La prévalence de la vaginose bactérienne (VB) en France est estimée entre 15 et 20 % [2]. Il s’agit d’une pathologie bénigne chez la femme non enceinte. Sa gravité se révèle pendant la grossesse, puisqu’elle est responsable, dans 16 à 30 % des cas selon les études, de prématurité, de chorioamniotites, d’avortements spontanés et de petits poids à la naissance. Elle doit alors impérativement être traitée.
Physiopathologie
La VB est due à une altération de la flore vaginale résultant de la disparition quasi complète des lactobacilles au profit des bactéries anaérobies (Gardnerella vaginalis principalement). D’autres bactéries telles que Ureaplasma urealyticum, Prevotella, Peptostreptococcus, Atopobium vaginae, voire des parasites comme Trichomonas vaginalis, peuvent être incriminés.
Les causes de ce déséquilibre de la flore sont multiples (douches vaginales, grossesse, dispositif intra-utérin [DIU], antibiotiques, rapports sexuels, par une action mécanique ou chimique [alcalinisation par le sperme]). mais il ne s’agit pas d’une IST.
Le diagnostic est généralement clinique. L’examen cyto-bactériologique vaginal est rarement utile. La VB se manifeste par des leucorrhées grisâtres fluides, malodorantes, avec ou sans symptômes, une élévation du pH vaginal (supérieur à 5) et la présence de « clue-cells » caractéristiques à l’examen direct (cellules de l’exocol tapissées de bacilles à Gram négatif). La mauvaise odeur (odeur de poisson) est due à la production par les bactéries anaérobies d’amines aromatiques d’autant plus volatiles que le pH augmente, et sera donc majorée après le coït.
Critères de choix thérapeutique
Les patientes symptomatiques doivent être traitées. Pour les patientes asymptomatiques, seules les femmes enceintes à haut risque (antécédents d’accouchement avant terme), celles qui ont porté un stérilet et celles qui ont subi un avortement thérapeutique ou une exploration instrumentale des voies génitales supérieures avant une chirurgie, nécessitent un traitement.
Le traitement d’un épisode isolé de VB repose principalement sur les 5-nitro-imidazolés :
– métronidazole comprimés (Flagyl) : 1 g par jour en 2 prises pendant 7 jours ;
– tinidazole comprimés (Fasigyne) : 2 g en une prise ;
– secnidazole sachets (Secnol) : 2 g en dose unique ou sur la clindamycine gélules (Dalacine) : 600 mg par jour en 2 prises pendant 7 jours.
Un traitement local par le métronidazole en ovule (Flagyl) peut être associé : 1 ovule à 500 mg par jour au coucher pendant 7 jours.
Le tableau 43.2 décrit les traitements recommandés dans la VB.
Ces traitements sont efficaces à court terme. Des taux de récurrence de VB sont observés, atteignant 80 % à 3 mois [6]. En effet, les bactéries responsables de la genèse de la VB produisent un biofilm, sur lequel les antibiotiques ont une action minime.
Cas particulier de la femme enceinte
La prévalence de la VB est de 10 à 15 % chez les femmes enceintes. Le risque de prématurité est multiplié par 2 en cas de VB [7]. Le dépistage de la vaginose est de plus en plus recommandé au 2e trimestre, par la réalisation du « sniff-test » ou par la mesure du pH vaginal.
Si la femme a déjà présenté des problèmes obstétricaux, le dépistage doit être pratiqué dès le début de la grossesse et le traitement instauré le plus rapidement possible (avant la 12e semaine) [2]. Le but du traitement de la vaginose bactérienne est de soulager les symptômes et également de prévenir le travail prématuré chez les femmes enceintes à haut risque (antécédents de travail prématuré, de rupture prématurée des membranes ou de naissance prématurée) et de diminuer le risque d’endométrite post-césarienne et de chorioamniotite.
Il peut être également envisagé le traitement des vaginoses bactériennes en cours de grossesse avec le métronidazole 2 g en prise unique (hors AMM) [8]. Le métronidazole peut être utilisé à tous les trimestres de la grossesse [9].
Dans les vaginoses bactériennes au 2e trimestre chez les patientes à risque élevé de travail prématuré, on pourrait également privilégier l’utilisation de la clindamycine 300 mg per os 2 fois par jour pendant 7 jours [8]. La clindamycine peut être utilisée à tous les trimestres de la grossesse [9].
Conseils aux patientes
– Le métronidazole peut provoquer des nausées. Pour éviter cet effet indésirable, prendre les comprimés au cours du repas.
– Interrompre le traitement en cas d’ataxie, de vertiges ou de confusion mentale (toxicité neurologique des imidazolés).
– S’abstenir de boire de l’alcool pendant le traitement et pendant les 48 heures suivantes du fait de l’effet antabuse avec les imidazolés (chaleur, rougeurs, vomissements, tachycardie).
– Prudence au cours du premier trimestre de la grossesse.
– Prévenir la patiente de la coloration brun-rouge des urines avec les imidazolés.
– Le traitement simultané du partenaire doit être pratiqué.
– Le traitement des récurrences doit impérativement associer aux agents anti-infectieux :
Trichomonase vaginale
La trichomonase vaginale est une infection sexuellement transmissible (IST), dont le taux de transmission est élevé, souvent associée à d’autres IST. Environ 70 % des hommes contractent l’infection après un seul contact sexuel avec une femme infectée et les taux de transmission de l’infection d’un homme à une femme sont encore plus élevés.
Physiopathologie
La trichomonase est causée par Trichomonas vaginalis, parasite flagellé. Elle est souvent asymptomatique. Chez les patientes symptomatiques, les signes cliniques suivants sont décrits :
– sécrétions vaginales abondantes, mousseuses, purulentes (jaunâtres ou verdâtres) et malodorantes ;
– avec ou sans prurit vulvaire ;
– vagin rouge et col framboisé ;
L’association de la trichomonase avec un risque de prématurité et de naissance de bébés de petit poids est controversée.
Critères de choix thérapeutique
En France, le métronidazole (Flagyl), le secnidazole (Secnol), le tinidazole (Fasigyne) et l’ornidazole (Tibéral) sont indiqués pour traiter la trichomonase.
Le traitement concerne les deux partenaires.
– Un traitement local par le métronidazole en ovules (Flagyl) peut être associé : 1 ovule de 500 mg par jour au coucher pendant 10 jours.
– Secnidazole per os : un sachet de 2 g en une prise unique, au début d’un repas, à répéter après 15 jours.
– Tinidazole per os : 2 g per os en une seule dose, de préférence en dehors des repas.
– Ornidazole per os : 1 g/j en 2 prises 5 jours ou 1,5 g en une seule prise après le repas du soir (traitement « minute »).
Ces trois derniers 5-nitro-imidazolés peuvent être utilisés chez la femme enceinte, en particulier au cours des 2e et 3e trimestres. Cependant, on préférera le métronidazole mieux évalué quel que soit le terme de la grossesse.
Conseils aux patientes
Les conseils suivants sont à prendre en compte.
Les conseils concernant le traitement par 5-nitro-imidazolés sont les mêmes que ceux figurant dans le paragraphe « Vaginoses » :
– ne pas oublier de répéter le traitement après 15 jours ;
– mesures d’hygiène : le germe peut survivre sur des objets humides (serviettes, sièges de toilette, matériel de douche vaginale, saunas, etc.) pendant plusieurs heures ;
– porter des sous-vêtements de coton et des vêtements amples pour garder au sec la région infectée, ce qui accélèrera la guérison. Pour soulager les démangeaisons, appliquer des compresses d’eau froide ou prendre des bains de siège.
Vulvo-vaginite à Candida
Physiopathologie
Environ 75 % des femmes ont au moins un épisode de vulvovaginite à Candida (VVC) dans leur vie. Plusieurs facteurs peuvent prédisposer les femmes à la VVC :
– les antibiotiques, en perturbant la flore vaginale ;
– l’immunosuppression liée à l’infection à VIH, au diabète mal contrôlé, à la prise de corticostéroïdes ;
– la grossesse, du fait des changements hormonaux et de l’immunosuppression qu’elle entraîne ;
– l’utilisation de contraceptifs hormonaux ;
La VVC n’est pas considérée comme une infection transmise sexuellement, mais la transmission sexuelle est possible. Le diagnostic est essentiellement clinique :
– le prurit est le symptôme le plus caractéristique de la VVC ;
– les leucorrhées peuvent être fluides à épaisses, blanchâtres, d’aspect caillebotté (fromage blanc ou yaourt), grumeleuses, inodores ou odeur de moisi mais le test au KOH est négatif ;
– douleur vaginale, dyspareunie ;
– irritation et brûlures vulvaires, vulve rouge en ailes de papillon ;

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