4: MALFORMATIONS CONGÉNITALES PULMONAIRES

CHAPITRE 4


MALFORMATIONS CONGÉNITALES PULMONAIRES



4.1


MALFORMATIONS CONGÉNITALES RESPIRATOIRES DE L’ADULTE



Il n’est pas rare de rencontrer des malformations congénitales respiratoires à l’âge adulte. Or, dans cette tranche d’âge, les praticiens en charge du patient ont tendance à ne pas les suspecter, ce qui, malgré les progrès de l’imagerie non invasive, peut déboucher sur la réalisation d’actes invasifs (endoscopies, angiographies) parfois inutiles. Ces malformations peuvent être découvertes de façon fortuite à l’occasion d’un examen pratiqué pour une autre raison ou sous le masque d’une complication chronique, parfois trompeuse, ou aiguë, qu’il conviendra de rapporter à sa véritable étiologie [61, 82].


L’extraordinaire diversité des cas publiés illustre la grande hétérogénéité de ces malformations, souvent associées à des anomalies cardiovasculaires, squelettiques, abdominales ou diaphragmatiques. Les diverses tentatives de classifications unicistes, fondées sur de grandes séries cliniques et sur l’embryologie, se sont heurtées à un nombre illimité de variantes et n’ont fait que renforcer la confusion [10]. Il n’en reste pas moins vrai que le support embryologique est indispensable pour tenter d’élucider la pathogénie de ces malformations [29]. Nous nous intéresserons successivement aux anomalies du développement pulmonaire ou lobaire, regroupées sous le nom de « poumon dysmorphique », puis aux anomalies trachéo-broncho-pulmonaires et œsophagiennes, depuis les variantes de la normale jusqu’aux malformations les plus complexes. Nous ne ferons qu’énumérer les principales malformations qui se manifestent presque exclusivement en période néonatale ou pédiatrique précoce [7]. Les malformations congénitales des vaisseaux pulmonaires et les séquestrations sont traitées dans le sous-chapitre suivant (4.2).


Pour chaque groupe malformatif, nous préciserons la définition, l’anatomie pathologique, la pathogénie supposée, la clinique, les données de l’imagerie, le diagnostic différentiel et la conduite thérapeutique.



EMBRYOLOGIE


Nous distinguerons successivement le développement embryonnaire du poumon, puis celui des vaisseaux, tout en sachant leur étroite intrication.



Développement pulmonaire


Le développement pulmonaire s’effectue en deux étapes principales, intra-utérine et postnatale.



Développement intra-utérin


Le développement intra-utérin peut se scinder en quatre périodes distinctes [30, 84] (fig. 4-1). La première période, ou « période embryonnaire », débute au 26e jour pour se terminer à la 7e semaine. Dès le début de cette période apparaît, dans la partie ventrale de l’intestin primitif, un diverticule se situant à la jonction entre ses segments occipitaux et cervicaux. Il est limité par un épithélium endodermique et s’étend au sein du mésenchyme splanchnique environnant. Sa croissance se fait en direction caudale, aboutissant au bout de 2 jours à la formation des bourgeons pulmonaires primitifs droit, à direction caudale, et gauche, à direction plus transversale. Le bourgeon droit apparaît juste avant le bourgeon gauche. Ce diverticule ventral respiratoire se sépare progressivement de sa composante œsophagienne dorsale, en raison de la croissance vers la ligne médiane de deux crêtes du mésoderme qui s’unissent pour former une véritable cloison entre l’œsophage primitif et les bourgeons bronchopulmonaires. Il s’agit du septum trachéo-œsophagien.



Les bourgeons pulmonaires, situés de part et d’autre de l’œsophage primitif, s’allongent progressivement au sein du mésenchyme pour constituer les sacs pulmonaires primitifs qui se subdivisent initialement en cinq bourgeons lobaires, trois à droite et deux à gauche, puis en dix bourgeons segmentaires, entièrement constitués à la 7e semaine. À la fin de cette période, les deux poumons sont ainsi séparés et parfaitement distincts de la masse cardiopéricardique située en avant [53].


La deuxième période est dite « pseudo-glandulaire » et se prolonge jusqu’à la 17e semaine in utero. L’arbre bronchique se développe progressivement de façon plus ou moins dichotomique et 70 % environ des conduits aériens sont constitués entre la 10e et la 14e semaine. Les cellules mésodermiques situées autour des voies aériennes lors de leur croissance se différencient progressivement pour constituer le cartilage, les glandes sous-muqueuses, les muscles lisses bronchiques et le tissu conjonctif des voies aériennes. À la fin de la période pseudo-glandulaire, les voies aériennes sont constituées de tubules aveugles limités par un épithélium cuboïde ou en colonne et cernées par des cellules mésodermiques en cours de différenciation.


À la période « canaliculaire », qui se prolonge jusqu’à la 27e semaine, les voies aériennes transitionnelles poursuivent leur développement. L’amincissement de l’épithélium par le capillaire sous-jacent conduit à la formation de la barrière d’échange alvéolocapillaire qui s’avère parfois efficace pour des prématurés extrêmes. Ainsi, les espaces aériens et les capillaires récemment formés viennent en contact les uns avec les autres. On assiste parallèlement à la différenciation des pneumocytes de type I et de type II. Le surfactant, produit par les pneumocytes de type II, est détectable à la 24e semaine. À la fin de ce stade, les structures périphériques sont constituées de saccules à paroi fine, simple, formée par la réduction progressive d’épaisseur des tissus mésenchymateux.


La dernière période intra-utérine, dite « alvéolaire », va de la 27e semaine au terme de la grossesse. Les acini sont bien développés à ce stade. Les alvéoles apparaissent dès la 29e semaine dans la paroi des saccules, sous forme d’indentations ou de septa. À la 34e semaine, les alvéoles ont un aspect cupuliforme avec une double couche de capillaires sous les cellules épithéliales. À terme, entre le tiers et la moitié du nombre des alvéoles présents à l’âge adulte sont formés. Chez les prématurés, les anomalies du développement sont à l’origine de dysplasies bronchopulmonaires, sources de troubles respiratoires parfois graves. L’évolution à long terme de ces dysplasies est maintenant mieux connue [20, 24].




Développement vasculaire


Nous distinguerons artificiellement le développement des vaisseaux périphériques et des vaisseaux centraux. En effet, l’évolution embryonnaire des portions proximales et distales des vaisseaux pulmonaires se fait de façon différente mais synchrone (fig. 4-2). Le développement des vaisseaux bronchiques sera évoqué ensuite [30].




Vaisseaux pulmonaires périphériques


À partir d’études expérimentales récentes, il a été possible, grâce à un immunomarquage de cellules endothéliales et musculaires lisses, de découvrir dès le 28e jour des groupes de cellules endothéliales autour des bourgeons bronchiques primitifs au sein du mésenchyme [13]. Au 34e jour, ces cellules s’organisent en plexus capillaires (plexus de Huntington) alimentés primitivement par des artères segmentaires ventrales de l’aorte dorsale et se drainant vers les veines systémiques cardinales et ombilicovitellines. Autour de chaque nouveau bourgeon bronchique et à une distance déterminée de l’épithélium, apparaissent des structures tubulaires dont la coalescence s’effectue longitudinalement par rapport aux voies aériennes. Ces structures tubulaires sont à l’origine de la constitution des artères et des veines pulmonaires périphériques primitives. La fusion des plexus et de ces structures tubulaires constitue l’ensemble du réseau vasculaire pulmonaire primitif périphérique. Initialement, artères et veines sont situées à égale distance des voies aériennes. Progressivement, si les artères restent proches des structures aériennes, les veines s’en séparent pour rejoindre leur topographie définitive périlobulaire. Une telle distribution explique peut-être la différence de structure entre les parois artérielles et veineuses : les parois artérielles sont investies par des cellules musculaires lisses dérivées des bourgeons bronchiques adjacents en cours de développement pour constituer leur tunique profonde. À l’inverse, les parois veineuses sont constituées principalement de cellules fibroblastiques provenant du mésenchyme pulmonaire environnant [30].


Des facteurs de croissance provenant des cellules endothéliales et des cellules mésenchymateuses contribuent à la formation des vaisseaux pulmonaires au sein du mésenchyme. De même, les structures vasculaires contrôlent la croissance des voies aériennes, surtout les alvéoles.



Vaisseaux pulmonaires centraux


L’artère pulmonaire dérive du 6e arc aortique qui contribue à la formation de la portion proximale des artères pulmonaires droite et gauche. L’artère pulmonaire droite va perdre toute connexion avec l’aorte, alors que l’artère pulmonaire gauche conserve un lien avec l’aorte horizontale : le ductus arteriosus (canal artériel).


Pendant les périodes « embryonnaire » et « pseudo-glandulaire », le développement artériel se fait parallèlement aux voies aériennes. La connexion avec les vaisseaux périphériques en cours de développement s’effectue précocement. L’augmentation de calibre et de longueur des vaisseaux proximaux et le développement des capillaires se poursuivent jusqu’à l’âge de 8 ans.


Le drainage veineux pulmonaire embryonnaire se fait primitivement par le plexus splanchnique vers les veines cardinales et les veines ombilicovitellines.


À partir de la région sino-atriale du tube cardiaque primitif se constituent deux évaginations, crâniale et caudale, qui s’étendent progressivement vers les structures veineuses périphériques des bourgeons pulmonaires. La portion caudale régresse, alors que la portion crâniale se développe pour constituer la veine pulmonaire commune qui entre en connexion avec le plexus splanchnique, drainant ainsi le poumon. Au cours de l’évolution, cette veine pulmonaire commune crâniale est incorporée dans l’atrium gauche en même temps que survient une oblitération de la grande majorité des connexions splanchniques pulmonaires. En fin de développement ne persistent que quatre veines pulmonaires se drainant vers l’atrium gauche.



Circulation bronchique


Il existe deux hypothèses concernant l’évolution embryologique de la vascularisation bronchique :



– disparition de la vascularisation systémique des plexus de Huntington provenant de l’aorte à l’exception des artères bronchiques ;


– disparition totale de la circulation provenant de l’aorte dorsale sus-cœliaque ; cette disparition totale serait suivie de l’apparition secondaire vers la 9e-10e semaine de bourgeons vasculaires provenant de la face antérieure de l’aorte descendante ou des artères intercostales avec croissance vers l’arbre trachéobronchique puis connexion secondaire aux vaisseaux pulmonaires [30] ; les séquestrations pulmonaires, dans ce cas, seraient liées à la persistance anormale des artères systémiques primitives entraînées parfois dans la région sous-diaphragmatique en raison du glissement caudal du tronc cœliaque lors du développement en longueur de l’embryon.


Cette seconde hypothèse est concordante avec le fait qu’aucune artère bronchique n’est détectable embryologiquement avant la 8e semaine de gestation.


À ce stade, une ou plusieurs petites structures artérielles provenant de l’aorte dorsale cheminent vers le poumon le long des cartilages des bronches souches. L’extension des vaisseaux bronchiques se fait parallèlement à la croissance des voies aériennes, sous l’action stimulante du cartilage. Il se constitue un double plexus autour des voies aériennes, sous-muqueux et péribronchique.


Sur le plan physiopathologique un défaut de développement des structures artérielles pulmonaires, comme dans l’atrésie pulmonaire, induit un développement compensateur des vaisseaux bronchiques.


Les veines bronchiques de petit calibre se drainent vers les veines pulmonaires, participant pour une faible part au shunt droite-gauche physiologique. À l’inverse, les veines bronchiques proximales convergent vers la région hilaire pour rejoindre le système cardinal, puis l’atrium droit.


À l’état normal chez l’adulte, les artères bronchiques sont visibles jusque dans la périphérie des canaux alvéolaires. Elles participent à la vascularisation des bronches, de la trachée, de l’œsophage, des structures ganglionnaires médiastinales, de la plèvre médiastinale et des parois des structures vasculaires, médiastinales et pulmonaires. Des anastomoses bronchopulmonaires existent à trois niveaux : précapillaires (500 μ), par les vasa vasorum, et au niveau capillaire (5 μ), prédominant autour des canaux alvéolaires.


Les principales étapes embryologiques du développement pulmonaire et vasculaire servent de fil conducteur à la majorité des classifications des malformations congénitales respiratoires. Néanmoins, l’importance de l’embryologie varie d’une classification à l’autre et l’on peut schématiquement distinguer trois types de classifications :



– celles qui reposent sur l’embryologie et l’anatomie [10] ; selon la date de survenue de la lésion causale sur le bourgeon bronchopulmonaire, on constatera des anomalies du développement ou de la croissance des structures respiratoires d’aspect et de topographie différents ; si ce type de classification apparaît possible pour les malformations simples comme les dérivés kystiques de l’intestin primitif antérieur et les atrésies bronchiques, à l’inverse, les explications embryologiques s’avèrent beaucoup plus complexes pour des malformations multitissulaires comme les séquestrations extralobaires et les retours veineux pulmonaires anormaux ;


– des classifications à partir de la morphologie ont été proposées [26] ; dans ce cas, les malformations sont interprétées comme un continuum entre une anomalie vasculaire et une anomalie pulmonaire pures, avec un groupe de malformations intermédiaires où les deux composantes sont associées à des degrés variables ;


– le troisième type de classification fait référence à des cadres radiomorphologiques [54] ; il est subdivisé en deux groupes : en cas de trouble de développement d’un poumon ou d’un lobe, on parlera de « poumon dysmorphique » ; dans les autres cas, on parlera de « malformation focale trachéo-broncho-pulmonaire et œsophagienne ».


Nous adopterons cette dernière classification radiomorpho-logique car la radiographie thoracique standard permet une distinction facile entre les deux groupes pathologiques. De plus, les indications thérapeutiques sont en apparence simplifiées : une malformation focale fait opter plus volontiers pour un traitement chirurgical [54].


Nous envisagerons successivement le poumon dysmorphique puis les anomalies focales trachéo-broncho-pulmonaires et œsophagiennes.



POUMON DYSMORPHIQUE


Ce groupe d’anomalies congénitales recouvre la majorité des défauts de développement embryonnaire des structures pulmonaires et vasculaires pouvant affecter l’ensemble d’un poumon ou se limiter à un ou plusieurs lobes (fig. 4-3). Initialement décrit en se référant spécifiquement aux données de l’angiographie, le poumon dysmorphique est beaucoup mieux connu depuis que le scanner et, à un moindre degré, l’IRM ont permis une meilleure analyse de la composante parenchymateuse [53, 57]. Nous distinguerons deux groupes principaux selon que le défaut de développement affecte tout un poumon ou une partie seulement de ce dernier.



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Fig. 4-3 Malformation bronchopulmonaire et vasculaire découverte à l’âge adulte.
Il s’agit d’une femme de 46 ans ayant présenté une amaurose gauche. Dans ses antécédents, on signale la découverte à 35 ans d’une pathologie bronchopulmonaire malformative à l’occasion d’une pneumopathie du lobe moyen. (a) Radiographie standard permettant de déceler des images bulleuses bilatérales et des opacités serpigineuses en région axillaire droite (flèche). (b) Reformation axiale transverse d’un angioscanner pulmonaire. Mise en évidence d’images bulleuses circonscrites associées à des dilatations des bronches, visibles ici au niveau de B2 droite (flèche). En région axillaire droite, des vaisseaux dilatés siègent au sein d’une zone bulleuse. (c) Reformation axiale oblique dans le plan de la bronche lobaire moyenne. Aspect de dilatation des bronches affectant B4 droite (flèche). (d) Reformation coronale oblique dans le plan de la trachée. On identifie le raccordement proximal de la malformation vasculaire axillaire droite. (e) Reformation axiale MIP centrée sur la malformation vasculaire axillaire droite. On identifie une artère afférente (flèche) provenant d’une sous-segmentaire dorsale du lobe supérieur, une communication artérioveineuse au contact de la paroi et une veine efférente de plus gros calibre que l’artère (flèche). Il s’agit donc d’une malformation artérioveineuse pulmonaire (MAVP) associée à une malformation bronchopulmonaire. L’amaurose est la conséquence d’une embolie systémique paradoxale liée au shunt droite-gauche de la MAVP. (f) Reformation coronale MIP montrant la disposition des artères alimentant la MAVP, provenant d’une scissurale dorsale du lobe supérieur droit. L’indication d’une embolisation est posée en raison du calibre des artères afférentes de la MAVP (plus de 3 mm) et du caractère symptomatique de la malformation vasculaire. Le but est de prévenir une récidive d’embolie systémique. (g) Angiographie hypersélective d’une branche alimentant une partie de la MAVP. Les rameaux alimentant la MAVP ont un calibre irrégulier et un aspect dysplasique. On visualise le retour veineux précoce de la MAVP (flèche). L’embolisation sera faite par largage de spirales non ferromagnétiques ou en platine. (h) Angiographie de contrôle en fin d’embolisation montrant une exclusion complète de la MAVP. (i) Radiographie standard pratiquée après l’embolisation, montrant les spirales d’embolisation non ferromagnétiques standard (peu opaques) ou en platine (très opaques).



Agénésie, aplasie et hypoplasie pulmonaires



Agénésie pulmonaire


Elle se définit par l’absence totale de structure bronchopulmonaire ou vasculaire du côté atteint. Elle touche avec la même fréquence le poumon droit et le poumon gauche. En pratique, la carène n’existe pas. De multiples hypothèses ont été envisagées pour tenter d’expliquer cette malformation (anomalie génétique, infection in utero, avitaminose, etc.), mais la raison exacte reste inconnue.


Les agénésies pulmonaires unilatérales isolées sont cliniquement peu parlantes. Cependant, dans les agénésies droites, la symptomatologie clinique peut être bruyante en raison de la compression extrinsèque qu’exercent l’aorte descendante et le rachis thoracique sur la lumière de la bronche souche gauche déplacée par la hernie transmédiastinale. Une bronchomalacie peut survenir, source possible d’infections à répétition, voire d’insuffisance respiratoire aiguë.


De même, certaines agénésies ont un pronostic grave, à expression néonatale exclusive, quand elles s’intègrent dans des complexes malformatifs associant des anomalies vertébrales (bloc vertébral, hémivertèbre), une imperforation anale, des malformations cardiaques, des fistules œsotrachéales, des lésions rénales et des extrémités, regroupés sous le vocable « syndrome VACTERL » ou «association VATER » [37, 72]. Certaines observations illustrent des malformations des arcs branchiaux et des membres, homolatérales à l’atteinte pulmonaire [12]. Les agénésies bilatérales sont incompatibles avec la vie.


L’imagerie, qu’elle soit standard ou par tomodensitométrie, voire IRM, démontre un hémithorax opaque de petite taille et rétracté. Le déplacement du médiastin vers l’hémithorax opaque réalise un aspect proche de celui d’une atélectasie pulmonaire complète. Le poumon controlatéral vient occuper l’hémithorax pathologique de façon plus ou moins importante.


Dans les cas extrêmes, le côté pathologique donne l’aspect de poumon aéré entouré d’une opacité d’allure pleurale chronique et, sur l’incidence de profil, d’une clarté rétrosternale associée à un déplacement vers l’arrière de la masse cardiaque.


L’image d’allure pleurale chronique, initialement considérée comme un tissu de comblement venant compenser l’agénésie pulmonaire est, d’après la tomodensitométrie, le résultat de l’accumulation du tissu graisseux sous-pleural là où le déplacement du médiastin et la hernie du parenchyme controlatéral ne peuvent pas occuper l’espace laissé vacant.


La clarté rétrosternale de profil est l’expression du passage transmédiastinal antérieur du poumon controlatéral en expansion compensatrice [66].


La présence de liquide ou du tissu thymique dans cet espace réduit a pu être également démontrée par scanographie et IRM.




Hypoplasie pulmonaire harmonieuse


Elle se caractérise par la réduction du nombre ou de la taille des espaces aériens, des vaisseaux et des alvéoles. Elle est visible en imagerie par un poumon de taille réduite mais morphologiquement harmonieux. Cette hypoplasie primaire doit être distinguée de l’hypoplasie secondaire à l’existence d’une masse à développement intrathoracique (hernie diaphragmatique, tumeur, épanchement pleural), à des anomalies morphologiques de la cage thoracique ou aux conséquences d’un oligohydramnios [36].


Une forme particulière a été décrite dans laquelle le poumon hypoplasique se caractérise par l’absence de structures bronchiolo-alvéolaires : l’hypoplasie globale kystique (fig. 4-4).




Agénésie, aplasie et hypoplasie lobaires


Ce complexe radioclinique comprend plusieurs malformations thoraciques qui affectent presque exclusivement le côté droit. L’importance de la malformation est tributaire de la période à laquelle est survenue l’anomalie du développement in utero. Si le trouble du développement est tardif, il concernera un secteur segmentaire ou sous-segmentaire, et la radiographie standard peut être normale. À l’inverse, en cas d’atteinte plus précoce avec un retentissement à l’étage lobaire, la présentation radiographique est différente.



Agénésie lobaire


Elle se définit par l’absence de toute structure bronchopulmonaire et vasculaire d’un lobe ou plusieurs lobes (fig. 4-5 et 4-6).





Aplasie lobaire


Dans l’aplasie lobaire, il existe un cul-de-sac bronchique souvent ectasique entouré d’éléments parenchymateux peu différenciés pouvant communiquer avec des cavités kystiques (fig. 4-7). Les cavités kystiques ont un aspect très proche de celui des bronchectasies et correspondent à un trouble de développement bronchiolo-alvéolaire. Les vaisseaux pulmonaires sont soit très grêles, soit absents. Une composante systémique est possible.




Hypoplasie lobaire


Ici le pédicule bronchique lobaire existe et présente des ramifications multiples. Celles-ci peuvent communiquer avec des cavités kystiques correspondant au défaut de développement bronchiolo-alvéolaire. Les artères pulmonaires sont généralement de petite taille et associées à des artères systémiques (fig. 4-8).



L’agénésie, l’aplasie ou l’hypoplasie d’un ou plusieurs lobes est dénommée « syndrome du poumon hypogénétique » [53, 78].



Syndrome du poumon hypogénétique


Les circonstances de découverte sont variables. Généralement, il s’agit d’une découverte fortuite sur une radiographie standard ou un examen tomodensitométrique réalisé pour une autre raison. Plus rarement, l’examen radiologique est programmé dans le cadre d’une recherche étiologique d’une infection bronchopulmonaire à répétition ou d’hémoptysies.


En radiographie standard, le syndrome du poumon hypo-génétique se manifeste presque exclusivement à droite. Les cas intéressant le côté gauche sont exceptionnels [63]. L’hémithorax droit apparaît réduit de volume avec un déplacement cardiomédiastinal vers la droite et un aspect flou du contour droit de la silhouette cardiaque. L’aspect du hile droit, lorsque celui-ci n’est pas masqué par la rotation cardiomédiastinale, ressemble parfois au hile gauche avec une bronche hyparté-rielle, signifiant alors l’association à un lévo-isomérisme. L’incidence de profil retrouve une bande opaque rétrosternale liée à une diminution du diamètre antéro-postérieur du thorax du côté du poumon hypogénétique.


Des malformations squelettiques de type métamérique (vertèbres ou disques hypoplasiques, bloc vertébral complet ou incomplet, hémivertèbres, côtes surnuméraires, bifidité et synostose costales) sont fréquemment associées.


L’angioscanner hélicoïdal permet d’optimiser l’analyse des anomalies bronchopulmonaires, vasculaires et diaphragmatiques [53]. Les lobes le plus souvent atteints par l’hypoplasie sont le lobe supérieur droit et le lobe moyen. Les modifications scissurales sont très variables. L’association à un diaphragme accessoire ou à une hernie diaphragmatique est classique. Le scanner hélicoïdal est réalisé en collimation fine avec un intervalle de reconstruction proche de la moitié de l’épaisseur de coupe, de façon idéale en 1,25 mm/0,6 mm. Il permet de faire la distinction entre une agénésie lobaire dépourvue de tout élément bronchique et donc sans risque de complication infectieuse, et une aplasie ou une hypoplasie compliquée d’« ectasies bronchiques », sources possibles de suppurations et de saignements. En contrepartie, le scanner fait difficilement la distinction entre des images de dilatation des bronches acquises et celles d’une aplasie bronchiolo-alvéolaire ou d’une hypoplasie lobaire congénitale dysharmo-nieuse. Le point essentiel est de faire un bilan topographique à visée préopératoire. L’angioscanner permet d’optimiser l’analyse des voies artérielles et veineuses pulmonaires, et de détecter et faire la cartographie des fréquentes participations systémiques dans le poumon droit hypogénétique (fig. 4-9). La présence d’un retour veineux pulmonaire anormal permet d’intégrer le syndrome du poumon hypogénétique dans celui du syndrome veinolobaire pulmonaire congénital.




Syndrome veinolobaire pulmonaire congénital ou syndrome du cimeterre [40]


Ce syndrome malformatif associe les éléments du poumon droit hypogénétique à un retour veineux pulmonaire anormal, partiel ou total, vers la veine cave inférieure sous-diaphragmatique, une veine hépatique, l’atrium droit, le sinus coronaire, la veine azygos ou, plus rarement, la veine cave supérieure et la veine porte. Le siège à gauche est très rare [50]. La pathogénie de ce syndrome est mal connue [57].


Woodring et al. [78] en ont rapporté 29 cas. L’hypoplasie touchait préférentiellement le lobe moyen (65 %), puis le lobe supérieur droit (40 %), un lobe inférieur (20 %) et plusieurs lobes dans 45 % des cas. Dans 38 % des cas, il s’agissait d’un lobe hypoplasique et, dans 62 % des cas, d’une aplasie ou d’une agénésie.


On oppose les formes asymptomatiques à celles révélées par une dyspnée d’effort en rapport avec l’hypoplasie, par une suppuration bronchique similaire à celle du poumon droit hypogénétique et par le shunt gauche-droite lié au retour veineux pulmonaire anormal. Ce dernier ne devient symptomatique que dans la mesure où le rapport entre le débit pulmonaire et le débit systémique est supérieur ou égal à 2 ou si le shunt se complique d’hypertension artérielle pulmonaire (fig. 4-10) [28].



En radiographie standard, on retrouve, outre les signes du poumon droit hypogénétique, une image vasculaire en forme de « sabre turc » s’élargissant de haut en bas, visible dans environ deux tiers des cas, traduisant le retour veineux pulmonaire anormal à direction caudale. Cette image, appelée « signe du cimeterre », peut être masquée par la dextroversion de la masse cardiaque [57]. Elle peut être confondue avec une veine cave supérieure ectopique intra-parenchymateuse, une volumineuse artère systémique ou une veine pulmonaire unique se drainant vers l’atrium gauche.


L’examen tomodensitométrique s’attache à l’étude de la disposition bronchopulmonaire et des scissures. Une attention toute particulière doit être portée à l’analyse de la région diaphragmatique à la recherche des anomalies qui peuvent compliquer le geste chirurgical : adhérences, absence de plèvre, diaphragme accessoire.


L’angioscanner précise les caractéristiques du retour veineux pulmonaire anormal (total ou partiel), son siège d’abouchement, la topographie, le calibre et la distribution de l’artère pulmonaire droite et des veines pulmonaires non concernées par le retour veineux pulmonaire anormal [53]. De même, la vascularisation systémique par les artères bronchiques ou par une autre artère provenant de l’aorte thoraco-abdominale est analysable par la même technique (voir fig. 4-9). La zone perfusée par ces branches donne un aspect d’hyperhémie du parenchyme pulmonaire droit concerné. On analysera précisément le calibre du vaisseau anormal et on recherchera des signes d’athérome, de thrombose murale ou un anévrisme, sources possibles de complications mettant en jeu le pronostic vital.


Le contenu informatif de l’imagerie par scanner, IRM et échocardiographie est si important que le recours aux explorations endoscopiques ou angiographiques avec mesures des pressions pulmonaires et du shunt ne se discute que lorsqu’une indication opératoire est posée en raison de la symptomatologie clinique : correction d’un shunt gauche-droite significatif pour prévenir la survenue d’une hypertension artérielle pulmonaire, prévention des hémoptysies (ligature d’une artère systémique), suppuration pulmonaire (résection pulmonaire), cure de cardiopathie associée.



Poumon dit en « fer à cheval »


Il associe les éléments du syndrome veinolobaire pulmonaire congénital à un passage d’une partie du parenchyme du lobe inférieur droit, au-delà de la ligne médiane, au contact ou plus rarement fusionné au lobe inférieur gauche [16]. Généralement, ce croisement s’effectue derrière le cœur et devant l’aorte et l’œsophage. La séparation est fréquemment matérialisée par une image scissurale qui se projette en radiographie standard à gauche de la ligne médiane et du rachis thoracique (fig. 4-11) [19]. La vascularisation de cet isthme parenchymateux est assurée par des branches artérielles pulmonaires du lobe inférieur droit. Le retour veineux pulmonaire anormal droit n’est absent que dans 20 % des cas. Le scanner hélicoïdal monocoupe, multicoupes ou à focalisation électronique démontre la discontinuité médiastinale derrière la masse cardiaque et les modalités de contact des deux lobes inférieurs [23, 27, 74] Le poumon en fer à cheval s’inscrit fréquemment dans un contexte malformatif complexe [33, 76].




Diaphragme accessoire


Cette entité, également dénommée « duplication diaphragmatique », est parfois associée au poumon droit hypogénétique ou au syndrome veinolobaire pulmonaire congénital [53]. Dans sa genèse, on incrimine une perturbation de la descente du septum transversum (futur diaphragme) qui cloisonne la cavité cœlomique en cavités pleurales et cavité péritonéale. Une partie du septum transversum peut rester ancrée à la paroi thoracique postérieure et produire un diaphragme accessoire incomplet en forme de repli semi-lunaire pouvant fixer une partie du poumon en développement et former deux compartiments. Si le parenchyme enchâssé sous le diaphragme accessoire est aéré, il se crée une fine bande opaque, oblique, visible de face ou de profil sur l’image standard du thorax. Si le poumon n’est pas aéré, on note une opacité de type tissulaire à la base du poumon. Le scanner identifie ces deux compartiments et les continuités bronchovasculaires entre le parenchyme situé au-dessus du diaphragme accessoire et le parenchyme sous-jacent.



ANOMALIES TRACHÉO-BRONCHO-ŒSOPHAGIENNES


L’incidence et l’importance clinique des variantes de la systématisation bronchique ne sont pas réellement connues. À partir des données endoscopiques ou bronchographiques anciennes, leur fréquence se situerait entre 1 et 12 % de la population [3]. Cette fréquence évolue car nos capacités de détection se sont améliorées grâce à la tomodensitométrie multicoupes et aux possibilités de reconstructions bi- ou tridimensionnelles. À titre d’exemple, le mode de division des bronches du lobe supérieur droit, siège de prédilection de variantes du normal, ne reproduit la trifurcation classique que dans à peine un tiers des cas. Il n’en reste pas moins vrai que si ces variantes du normal sont fréquentes, elles ont une incidence pathologique indéterminée, malgré leur incrimination dans la survenue des pneumothorax spontanés de l’adulte [6].



Anomalies de division bronchique [15]


Il est habituel de distinguer les bronches dites « ectopiques » (ou « déplacées ») et les bronches surnuméraires. Les bronches « ectopiques » ont une origine déplacée, mais le parenchyme dont elles assurent la ventilation correspond à une partie ou à la totalité d’un territoire à systématisation normale. À l’inverse, les bronches « surnuméraires » assurent la ventilation d’un territoire parenchymateux qui vient se surajouter au territoire normal [21]. Les bronches ectopiques sont près de trois fois plus fréquentes que les bronches surnuméraires et se rencontrent chez environ 1 à 2 % des patients.


Nous distinguerons successivement les bronches trachéales, la bronche cardiaque accessoire puis, plus brièvement, d’autres malformations encore plus rares.



Bronches « trachéales »


Ce terme ambigu recouvre une variété d’anomalies bronchiques qui prennent leur origine de la trachée aux bronches souches et se dirigent vers un territoire lobaire supérieur droit, avec une prévalence de 0,1 à 2 %, ou gauche, avec une prévalence de 0,3 à 1 % [65].


Les mécanismes pathogéniques de ces malformations sont peu connus. On évoque un trouble de la morphogenèse tra-chéobronchique favorisant l’induction de bourgeons à partir de l’épithélium trachéal [18]. Ce phénomène de bourgeonnement n’existe pas normalement au niveau de la trachée. Il peut cependant y être induit si un fragment de mésenchyme bronchique actif est greffé dans l’épithélium trachéal. Les bronches surnuméraires découleraient d’un trouble de l’embryogenèse vers le 29e-30e jour. De ce fait, elles sont volontiers associées à des anomalies cardiaques précoces en raison de la relation temporelle avec le développement de ces structures de type dextrocardie, transposition des gros vaisseaux, ventricule droit à double issue ou agénésie de la valve pulmonaire. Les bronches déplacées ou ectopiques (32e jour), les plus fréquentes, sont en revanche associées à des malformations cardiovasculaires plus tardives : « sling » de l’artère pulmonaire gauche, veine cave supérieure gauche, ductus arteriosus.


De très nombreuses variétés de bronches trachéales ont été décrites selon qu’elles prennent leur origine directement de la trachée, d’une des bronches souches, en amont, en regard, voire au-delà de la naissance de la bronche lobaire supérieure. Si une bronche trachéale naît en amont d’une bronche lobaire supérieure, elle est dite pré-épartérielle à droite et préhypartérielle à gauche. Cette terminologie est liée aux rapports respectifs des bronches lobaires supérieures par rapport à l’artère pulmonaire correspondante : la bronche lobaire supérieure droite normale est épartérielle car située au-dessus de l’artère pulmonaire droite ; la gauche est hypartérielle car située au-dessous d’elle. De même, une bronche trachéale naissant au-delà de la bronche lobaire supérieure sera dite, quant à elle, postépartérielle à droite et posthypartérielle à gauche.


S’il s’agit d’une bronche trachéale déplacée, le territoire ventilé peut être plurisegmentaire, segmentaire, sous-segmentaire, voire au-dessous du niveau sous-segmentaire. Dans sa comparaison entre les bronches trachéales droites et gauches, Rémy et al. [65] précisent que le segment apical (S1) en entier ou en partie est le plus souvent concerné, associé, surtout du côté gauche, au segment dorsal (S3) dans 50 % des cas. À l’inverse, qu’il s’agisse d’une bronche trachéale droite ou gauche, le segment dorsal n’est que très rarement concerné isolément (2,5 %).


La symptomatologie clinique varie d’un sujet à l’autre. Les bronches trachéales sont volontiers asymptomatiques, de découverte fortuite lors d’un examen radiographique standard ou tomodensitométrique, d’une endoscopie ou d’une intervention chirurgicale. Ailleurs, elles peuvent s’exprimer par des infections pulmonaires récidivantes, des troubles de ventilation ou des dilatations des bronches, conséquences possibles d’une sténose proximale. Signalons enfin la possibilité de troubles de ventilation en cas d’intubation trachéale avec gonflage du ballonnet de la canule en regard de la bronche ectopique ou de lésions traumatiques par intubation sélective. Les manifestations cliniques sont plus marquées pour les bronches trachéales gauches (fig. 4-12). Elles paraissent dépendre de plusieurs facteurs : la proximité de la bronche ectopique avec la crosse de l’artère pulmonaire gauche, qui pourrait agir comme élément compressif, l’existence d’une sténose congénitale et la présence d’anomalies cartilagineuses. Ces facteurs contribueraient à l’apparition de phénomènes d’hyperaération avec piégeage, d’une dilatation des bronches, d’une hypoplasie kystique, de troubles de ventilation, d’hémoptysies, voire de lymphangiectasies congénitales.



La tomodensitométrie hélicoïdale retrouve la lumière de la bronche ectopique ou surnuméraire, ainsi que son caractère normal, sténosé ou ectasique (fig. 4-13) [5]. La distribution respective des bronches orthotopiques du lobe supérieur et de la bronche ectopique ou surnuméraire est précisée, ainsi que les éventuelles complications telles que l’emphysème obstructif et les dilatations des bronches avec possible piégeage expiratoire [36].



La prise en charge thérapeutique est tributaire de la symptomatologie et des éventuelles complications. Le traitement chirurgical est nécessaire dans les suppurations chroniques, les infections récidivantes et les complications hémoptoïques.



Bronche cardiaque accessoire [80]


C’est une bronche surnuméraire rare maisbien connue sur les plans anatomique, bronchographique et endoscopique. Sa fréquence se situe entre 0,09 et 0,5 %. Une prédominance masculine ressort des données de la littérature. Elle prend son origine le long de la paroi médiale de la bronche intermédiaire droite juste avant la naissance de la bronche apicale du lobe inférieur (B6) et en général en amont de la bronche lobaire moyenne (B4-B5) [5]. Des variantes sont possibles (fig. 4-14).



La bronche cardiaque accessoire a une direction caudale vers le médiastin et la masse cardiaque, d’où son appellation. Sa longueur est variable : lorsqu’elle est courte, il s’agit généralement d’un simple cul-de-sac sans tissu parenchymateux alentour. À l’inverse, une bronche cardiaque accessoire longue peut déboucher sur un tissu parenchymateux avec ou sans structure alvéolaire.


Sur le plan clinique, elle peut être découverte de façon fortuite ou à l’occasion d’une toux chronique, d’épisodes récurrents d’infection bronchopulmonaire, de dyspnée ou de suppuration chronique dans le lobe inférieur droit. Une description tomodensitométrique sur six cas a été rapportée décrivant, outre la lumière bronchique dont le diamètre oscille entre 7 et 9 mm, un éperon bronchique à son origine, une scissure séparant le parenchyme aéré du territoire de cette bronche accessoire de celui du lobe inférieur droit dans deux tiers des cas [47]. De plus, l’injection de produit de contraste apparaît précieuse pour démontrer d’une part le rehaussement de la paroi bronchique, d’autre part une prise de contraste par le parenchyme dépendant de cette bronche, situé dans le récessus inter-azygo-œsophagien. Cette prise de contraste peut poser des problèmes diagnostiques en particulier avec une adénomégalie sous-carénaire. L’endoscopie révèle la présence d’une muqueuse bronchique et l’étude anatomopathologique la présence de cartilage, ce qui permet la distinction avec les fistules ou les diverticules. Sur les 14 observations rapportées par Ghaye et al. [21], 10 étaient des culs-de-sac borgnes. Les autres débouchaient sur une masse tissulaire plus ou moins aérée localisée dans le récessus inter-azygo-œsphagien. La résection chirurgicale est indiquée chez le patient symptomatique.



Autres malformations


Nous ne ferons que citer certaines malformations à révélation pédiatrique pratiquement exclusive.



– Les malformations bronchopulmonaires communicantes de l’intestin primitif (poumon œsophagien), dont 4 cas ont été rapportés par Leithiser et al. [43] : dans trois de ces observations, une bronche droite provenait de la partie basse de l’œsophage près du cardia.


–  La bridging bronchus (littéralement « bronche en pont ») : il s’agit d’une anomalie exceptionnelle au cours de laquelle une bronche ectopique destinée au lobe inférieur droit prend son origine dans la bronche souche gauche traversant le médiastin dans la région rétrocardiaque. Une description tomodensitométrique récente en a été faite [44]. S’intégrant généralement dans un syndrome polymalformatif, la bridging bronchus a un pronostic souvent péjoratif et conduit à des détresses respiratoires aiguës néonatales.


– L’emphysème lobaire congénital, dont le caractère héréditaire est envisagé, se manifeste généralement avant le 6e mois [36, 44, 68]. Un mécanisme de valve incomplète serait à l’origine de la distension et du trappage d’un secteur parenchymateux où la constatation d’un emphysème réel sur le plan microscopique est exceptionnelle. Deux hypothèses sont envisagées : une anomalie bronchique intrinsèque au niveau du cartilage ou une multiplication anormale des alvéoles sans anomalie des voies aériennes (« emphysème polyalvéolaire lobaire »). L’emphysème lobaire congénital atteint par fréquence décroissante le lobe supérieur gauche, le lobe moyen et le lobe supérieur droit. Les signes cliniques sont classiques : dyspnée, poly-pnée, toux, wheezing, détresse respiratoire aiguë. La radiographie standard révèle une hyperclarté plus ou moins étendue accompagnée de distension, une compression du parenchyme sain et un déplacement médiastinal. La découverte à l’âge adulte est très rare. Cependant, au traitement chirurgical traditionnel vient se substituer un traitement conservateur chez les enfants peu symptomatiques [35]. L’amélioration progressive du rapport ventilation/perfusion, surtout au profit de la ventilation, et la réduction de la compression des lobes adjacents conduisent certains praticiens à préférer cette option non chirurgicale, ce qui augmentera, de facto, la fréquence de l’emphysème lobaire congénital de l’adulte.


Signalons enfin le déplacement ou la fusion des bronches lobaires supérieures droites et lobaires moyennes, simulant un lévo-isomérisme [62].



Anomalies d’isomérisme


La disposition normale des bronches proximales correspond à un anisomérisme avec à droite trois lobes et une disposition épartérielle, et à gauche deux lobes avec une disposition hypartérielle.


Un dextro-isomérisme correspond à deux poumons trilobés et une disposition épartérielle bilatérale. La prédominance masculine est nette. Si la rate est absente, Landing [42] attribue le terme de « syndrome d’Ivemark » dans leur classification (type I). Si les rates sont multiples et de tailles inégales, il s’agit d’un type II, ou anisosplénie masculine.


Dans le lévo-isomérisme, les poumons sont bilobés avec une disposition bronchique hypartérielle bilatérale (fig. 4-15). En cas de polysplénie, il s’agit d’un type III sans prédominance masculine ou féminine. Le type IV correspond à un lévo-isomérisme avec anisosplénie féminine.



Les anomalies d’isomérisme s’intègrent volontiers dans des contextes malformatifs cardiovasculaires et abdominaux de mauvais pronostic. L’acquisition tomodensitométrique volumique fait le diagnostic et contribue à l’évaluation des malformations viscérales ou vasculaires associées.



Atrésies bronchiques congénitales


Il s’agit d’une solution de continuité complète ou incomplète d’une bronche proximale ventilant un secteur lobaire et, plus fréquemment, segmentaire, voire sous-segmentaire [54]. Dans la genèse de cette affection, on incrimine soit le détachement d’un bourgeon bronchique proximal qui poursuit sa croissance périphérique indépendamment de sa connexion proximale, soit les conséquences d’une ischémie du bourgeon bronchique survenant in utero avec involution secondaire [75]. Dans l’une ou l’autre des hypothèses, le bourgeon bronchique périphérique poursuit sa croissance au sein du mésenchyme et les espaces aériens périphériques sont primitivement normaux. Au fil du temps, la lumière bronchique en amont de la zone atrétique se remplit de sécrétions muqueuses provenant des glandes bronchiques. Il se constitue une mucocèle dont l’extension digitiforme en distalité est plus ou moins étendue. Le secteur pulmonaire concerné est aéré grâce à la ventilation collatérale assurée par les canaux bronchiolo-alvéolaires de Lambert et les pores interalvéolaires de Kohn. Aussi, en raison de l’obstruction bronchique proximale, se développent une hyperinflation et un trappage du parenchyme concerné avec compression des secteurs parenchymateux adjacents et hypovascularisation artérielle pulmonaire du secteur en distension.


Le nombre de cas rapportés dans la littérature est très limité [55]. La localisation habituelle est le lobe supérieur gauche dans 64 % des cas, le lobe inférieur gauche dans 14 % des cas et le lobe moyen et le lobe inférieur droit dans 8 % des cas.


Au sein du lobe supérieur gauche, B1 et B3 sont les plus fréquemment concernées.


Les atrésies bronchiques congénitales sont fréquemment découvertes de façon fortuite (50 % des cas) en raison de leur caractère pauci-symptomatique. La symptomatologie clinique, lorsqu’elle existe, est dominée par les infections pulmonaires récidivantes dans un secteur déterminé, une dyspnée parfois majorée à l’effort et une toux chronique.


La présentation radiologique est dominée par l’association de la bronchocèle proximale, de l’hyperinflation pulmonaire périphérique et de l’absence juxtahilaire de la bronche segmentaire concernée.


En radiographie standard et en tomodensitométrie, la bronchocèle se traduit par une masse parahilaire avec d’éventuels prolongements digitiformes périphériques tubulés en V ou en Y. Elle peut être soit pleine, soit le siège de niveaux hydroaériques ou d’air [84]. Plus rarement, les mucosités au sein de la mucocèle peuvent être calcifiées, voire mobiles, en fonction de la position. Lorsqu’elle est pleine, la bronchocèle est de densité homogène et ne se rehausse pas après injection de produit de contraste.


Le parenchyme distendu correspond à une zone d’hyper-clarté systématisée plus ou moins étendue, associée à des signes de compression du parenchyme adjacent et des déplacements scissuraux. Si un doute persiste entre bronchocèle et structure vasculaire, le contraste entre la distension parenchymateuse qui s’accompagne d’une hypovascularisation et le calibre de cette structure tubulée plaide en faveur d’une structure non vasculaire. Le piégeage en expiration lève définitivement tout doute diagnostique.


Des surinfections à répétition avec possible greffe aspergillaire peuvent modifier la présentation radiologique du parenchyme distendu.


L’association bronchocèle et hyperinflation est pratiquement constante dans l’atrésie bronchique congénitale mais n’est en rien spécifique de cette dernière puisqu’on la rencontre également en cas de masse compressive hilaire proximale (tumeur bénigne ou maligne, kyste bronchogénique pédiculaire compressif, corps étrangers, broncholithiase) (fig. 4-16). Le diagnostic différentiel est particulièrement délicat en regard du hile gauche ; il comprend, outre le kyste bronchogénique, l’emphysème lobaire congénital ou une bronche trachéale [65]. Là encore, le rôle du scanner à acquisition volumique avec reconstructions multiplanaires et 3D est majeur pour éliminer un élément compressif proximal, préciser la topographie du segment bronchique atrétique et rechercher des malformations associées (séquestration, retour veineux pulmonaire anormal, veine cave supérieure gauche persistante, etc.) [5].



Sur les 9 cas rapportés par Matsuchima et al. [55], l’association radiologie-endoscopie a fait le diagnostic sept fois. Deux fois il s’agissait d’un diagnostic opératoire ; en effet, l’hyper-aération n’existait pas au scanner car le secteur parenchymateux concerné était de petite taille. Le rôle de l’imagerie par résonance magnétique est encore imprécis. Elle serait utile pour la détection des impactions qui se traduisent généralement par un haut signal en T1 et T2 [77].


Il est bien difficile de connaître l’évolution naturelle d’une atrésie bronchique initialement asymptomatique. En l’absence de complication, l’abstention chirurgicale apparaît logique.


À l’inverse, l’exérèse chirurgicale s’impose en cas de surinfection et de suppuration. L’analyse précise de la systématisation du secteur concerné par le scanner volumique est essentielle avant l’étape chirurgicale [64]. Elle est complexe en raison des redistributions de parenchyme, secondaires à l’hyperaération. En théorie, une exérèse chirurgicale la plus limitée possible est préférable. Cependant, la fréquence des fuites aériques postopératoires dans les résections atypiques est supérieure à celles constatées lors des lobectomies.



Dérivés kystiques de l’intestin primitif


Nous envisagerons successivement les dérivés kystiques de l’intestin primitif dominés par les kystes bronchogéniques médiastinaux et pulmonaires, puis les duplications digestives, les kystes neuroentériques et la malformation kystique adé-nomatoïde pulmonaire. Nous développerons plus particulièrement les dérivés kystiques de l’intestin primitif antérieur, qui se manifestent aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant, contrairement aux autres malformations, dont la pédiatrie a l’apanage.



Dérivés kystiques de l’intestin primitif antérieur


Ces anomalies résultent du développement anormal d’un bourgeon bronchique détaché de la partie trachéobronchique de l’intestin primitif au cours de sa différenciation in utero [77]. Il conduit à la formation d’une poche de liquide généralement sans issue qui reste satellite de la trachée, des bronches ou de l’œsophage, avec lesquels une communication peut exister (fig. 4-17). Si le détachement est précoce, le dérivé kystique pourra garder un contact médiastinal, proximal s’il se situe au-dessus du clivage diaphragmatique (septum transversum), ou caudal avec de possibles localisations sous-diaphragmatiques au contact ou au sein des viscères abdominaux, voire à cheval de part et d’autre du diaphragme [11] (fig. 4-18). Beaucoup plus rarement, des ectopies non communicantes peuvent exister à distance des structures médiastinales ou digestives (creux sus-claviculaire, région rétrosternale, territoire sous-cutané, etc.) [1]. Si le détachement est plus tardif lors de l’embryogenèse, il donne lieu à des localisations pulmonaires [29, 48, 71].




Macroscopiquement, les kystes bronchogéniques sont des poches à contenu liquidien dans tous les cas, sphériques ou elliptiques, dont le diamètre moyen se situe aux alentours de 5 cm. Le contenu est laiteux, séreux, gélatineux ou épais, blanc et translucide ou, au contraire, verdâtre, brun, jaune ou à contenu purulent ou hémorragique. Deux des 68 cas rapportés par Mac Adams et al. [46] avaient un contenu gazeux. La poche ne présente pas de cloisons internes. Les kystes bronchogéniques sont plus volontiers uniques et uni-loculaires. Microscopiquement, les kystes sont revêtus d’un épithélium respiratoire pseudo-stratihé ou en colonne. Leur paroi contient des glandes, du cartilage, ainsi que des éléments musculaires lisses. Pour certains auteurs, la présence de cartilage est un élément déterminant du diagnostic différentiel avec les autres formations kystiques congénitales [46].



Kystes bronchogéniques médiastinaux

La localisation médiastinale des kystes bronchogéniques est prépondérante (75 à 80 %). Les kystes bronchogéniques représentent 10 à 15 % des masses primitives du médiastin. Soixante-dix-neuf pour cent sont localisés dans le médiastin moyen, 17% dans le médiastin postérieur et 3 % dans le médiastin antérieur, incluant les localisations intrapéri-cardiques [46]. En raison de leur mécanisme de formation, la majorité d’entre eux ont une topographie paratrachéale, autour de la carène, en arrière de la région hilaire, au contact ou à l’intérieur de la paroi œsophagienne, dans le ligament pulmonaire ou les gouttières costovertébrales [2]. Ils ont tendance à se mouler sur les structures adjacentes et à sortir de la région de la bifurcation trachéobronchique vers l’arrière et la droite en avant de la colonne vertébrale. Pour ce qui concerne les kystes pédiculaires gauches, les possibilités de croissance sont beaucoup plus limitées par la présence de la crosse de l’aorte et du ligament artériel, ce qui explique la fréquence des complications compressives des éléments hilaires.


L’histoire naturelle des kystes bronchogéniques est difficile à établir puisque les séries de suivi longitudinal chez des patients non opérés sont peu nombreuses. La fréquence des patients symptomatiques s’échelonne entre 56 et 67 % [1, 46, 58, 67, 71]. Certains symptômes sont progressifs : douleur, toux, dyspnée, wheezing, dysphagie. En cas de croissance progressive, ou rapide à l’occasion d’une complication (fistulisation, infection, hémorragie), ils peuvent provoquer des compressions cardiaques et vasculaires (fig. 4-19).


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Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 4: MALFORMATIONS CONGÉNITALES PULMONAIRES

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