4: L’Âme Corporelle (Po)

Chapitre 4 L’Âme Corporelle (Po)




L’Âme Corporelle (Po)


L’Âme Corporelle (Po), qui réside au Poumon, est la contre partie physique de l’Âme Éthérée ; son caractère chinois se compose de deux parties, l’une (à droite) est le radical gui qui signifie « esprit » ou « fantôme », l’autre (à gauche) est le radical bai (ou bo), qui signifie « blanc ».


L’idéogramme de l’Âme Corporelle, Po, est :


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Il se compose du radical gui, « esprit » ou « fantôme » :


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et du caractère « blanc » :


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Le radical de « blanc » qui compose l’idéogramme de Po peut être interprété de différentes façons. Ce radical bai (ou bo), qui signifie « blanc », est en relation avec la lumière de la lune montante, mais il a aussi une fonction phonétique, c’est-à-dire que c’est lui qui donne le son de l’idéogramme de Po. L’association avec la lune montante (Yin) est en accord avec le lien qui existe entre l’Âme Corporelle et le Yin (par opposition à l’Âme Éthérée, qui est Yang) et avec les forces ténébreuses de gui. La relation entre l’Âme Corporelle et la lune est aussi liée au fait que l’âme physique prend naissance 3 jours après la conception, semblable au fin croissant de lune de troisième jour de la lune montante.


Enfin, l’association avec la couleur blanche tempère quelque peu le côté sombre du radical gui et véhicule l’idée que l’Âme Corporelle, bien que liée à gui, est bien une âme humaine et physique. Voir Fig. 4.1.



Il y a donc un lien entre l’Âme Corporelle et la lumière de la phase embryonnaire de la lune (Yin) qui contraste avec la lumière chaude du soleil (Yang) de l’Âme Éthérée. En fait, autrefois, l’Âme Corporelle s’appelait aussi « Lune-Po ». Comme la lune montante est à l’ouest, on peut donc établir les correspondances suivantes :



On peut définir l’Âme Corporelle comme étant « cette partie de l’Âme qui [contrairement à l’Âme Éthérée] est indissolublement attachée au corps et retourne à la Terre avec lui après la mort »1. L’Âme Corporelle est étroitement liée au corps et on peut la décrire comme l’expression somatique de l’Âme, ou, à l’inverse, le principe qui organise le corps. Il est toutefois important de ne pas interpréter l’Âme Corporelle selon les termes de la dualité occidentale qui oppose le corps physique inerte et « l’âme » qui l’habite et lui donne vie. Dans le cadre de la médecine chinoise, l’Âme Corporelle représente l’activité physiologique du corps, qui, en elle-même, est l’âme.


On peut aussi décrire l’Âme Corporelle comme l’organisation de l’organisme et la force de coordination de tous les processus physiologiques. Zhang Jie Bin dit :



L’Âme Corporelle est active dès la conception et c’est elle qui donne forme au corps. Traditionnellement, on dit qu’elle pénètre dans le corps 3 jours après la conception, analogue au troisième jour de la lune montante.


Zhu Xi, grand philosophe néo-confucianiste, dit :



À la mort, contrairement à l’Âme Éthérée, l’Âme Corporelle meurt avec le corps, mais on pense qu’elle adhère encore au corps pendant un certain temps, surtout aux os, avant de retourner à la terre. C’est ce qui explique l’importance de l’examen des os des morts dans la Chine antique. Quelques années après le décès, la famille du défunt nettoyait soigneusement les os du squelette et les mettait soigneusement en tas.


Il existe sept sortes d’Âme Corporelle : les cinq sens, les membres et l’Âme Corporelle totale. Nous expliquerons plus loin le lien de l’Âme Corporelle avec les cinq sens.


Comme nous l’avons vu pour l’Âme Éthérée, l’ancien caractère chinois de gui véhicule l’idée de mouvement, il exprime le mouvement de tourbillon de la tête sans corps de la personne décédée lorsqu’elle est dans le royaume des esprits. L’Âme Éthérée est responsable du mouvement au sens psychique, l’Âme Corporelle au sens physique.


Le mouvement associé à l’Âme Corporelle est un mouvement physique de cette âme dans tous les processus physiologiques du corps. De même, l’Âme Corporelle donne au corps la possibilité de se mouvoir, l’agilité, l’équilibre et la coordination des mouvements.


On décrit l’Âme Éthérée comme le « va-et-vient » de l’Esprit et l’Âme Corporelle comme « l’entrée et la sortie » de l’Essence (voir ci-dessous).


Comme nous le verrons plus loin, l’Âme Corporelle est aussi en relation avec gui. Confucius disait : « Le Qi est la plénitude de Shen ; l’Âme Corporelle est la plénitude de gui »4. He Shang Gong écrit :




La présentation de l’Âme Corporelle comportera les rubriques suivantes :




L’Âme Corporelle et l’Essence (Jing)


L’Âme Corporelle est étroitement liée à l’Essence (Jing), et le chapitre 8 de L’Axe spirituel la décrit comme « l’entrée et la sortie de l’Essence »6. L’Âme Corporelle vient de la mère et se manifeste à la conception (théoriquement, 3 jours après la conception), peu après l’apparition de l’Essence Prénatale chez l’être nouvellement conçu. Ainsi, étroitement liée à l’Essence, l’Âme Corporelle est la première à prendre vie après la conception. L’Essence et l’Âme Corporelle représentent toutes deux les principes organisationnels de la vie qui donnent forme au corps depuis la conception (ce sont les Merveilleux Vaisseaux qui rendent possible ce processus).


« L’entrée et la sortie » impliquent l’existence d’un Intérieur et d’un Extérieur, c’est-à-dire le fait que l’individu et son environnement soient séparés. Cela implique aussi un mouvement vertical car ru image (entrer) évoque les « racines » et chu image (sortir) les « branches ». Ainsi, la matérialisation centripète et scindée de l’Âme Corporelle (voir ci-dessous) dépend aussi des sorties et entrées verticales de l’Essence (Fig. 4.2).



On peut décrire l’Âme Corporelle comme la manifestation de l’Essence dans le domaine des sensations et des sentiments. Tout comme l’Âme Éthérée donne sa mobilité à l’Esprit (« va-et-vient de l’Esprit »), l’Âme Corporelle anime les mouvements de l’Essence, c’est-à-dire qu’elle met en jeu l’Essence dans tous les processus physiologiques du corps.


Il s’agit d’une fonction très importante de l’Âme Corporelle, car sans elle l’Essence serait une substance vitale certes précieuse, mais inerte. L’Âme Corporelle est donc au plus proche de l’Essence, elle est l’intermédiaire entre celle-ci et les autres substances vitales de l’organisme. Zhang Jie Bin dit d’ailleurs, dans le Classique des catégories : « Si l’Essence est épuisée, l’Âme Corporelle décline, le Qi est dispersé et l’Âme Éthérée flotte sans résidence »7.



Les relations entre l’Âme Corporelle et l’Essence expliquent aussi les eczémas atopiques et l’asthme des bébés. Du point de vue chinois, l’eczéma des bébés est dû au passage à la surface de la Chaleur Poison de l’utérus ; il est donc étroitement lié à l’Essence Prénatale du bébé (Fig. 4.3). Puisque l’Essence est liée à l’Âme Corporelle qui se manifeste à la peau (par du prurit et des douleurs), la Chaleur Poison de l’utérus se traduit sur la peau du bébé par de l’eczéma.





On peut expliquer l’asthme de la même manière, car l’Essence insuffisante du bébé ne peut donner racine à son Âme Corporelle, et donc à son Poumon.


Pendant la gestation, le fœtus n’est « qu’Âme Corporelle et Essence » et il est nourri par l’Âme Corporelle de la mère (Fig. 4.4). Ceci a une importance clinique car nous avons tendance à penser que c’est le Rein de la mère qui nourrit le fœtus, ce qui est absolument vrai, mais le Poumon et l’Âme Corporelle de la mère jouent également un rôle important dans la nutrition du fœtus.



La connexion entre l’Âme Corporelle et la vie fœtale est très ancienne ; Granet appelle l’Âme Corporelle « l’âme du sang ». Pour être nourri, le fœtus doit compter sur l’Âme Corporelle, le Sang et l’Essence de la mère.


En donnant naissance à la forme humaine pendant la gestation, l’Âme Corporelle a un mouvement centripète qui sépare, matérialise et agrège. Tout comme elle sépare, elle agrège et matérialise le fœtus en tant qu’existence individuelle. Comme cette séparation s’exprime par la peau (qui sépare l’être du monde extérieur), il se crée une connexion supplémentaire entre l’Âme Corporelle, la peau et le Poumon.


Ce pouvoir de séparation de l’Âme Corporelle s’associe aux forces centripètes de gui, qui se fragmentent continuellement et qui, parfois, constituent le germe de la mort. Pour ce qui est de la fragmentation de l’Âme Corporelle et de gui, on trouve une résonance entre le mot gui image et le mot kuai image, qui veut dire « morceaux » et qui se compose du radical gui précédé de celui de la terre. Ceci confirme la tendance à la fragmentation de gui (et donc de l’Âme Corporelle) dans son mouvement centripète.


Bien que l’on puisse voir la contraction et la fragmentation comme deux processus contradictoires, il n’en est rien et l’on peut en trouver plusieurs exemples dans le monde naturel. La gravité est une force centripète (comme celle de gui) dirigée vers l’intérieur. Lorsqu’une étoile a brûlé toute son énergie nucléaire, la force centripète de la gravité la fait sombrer dans un trou noir8. Un autre exemple de cette association entre la contraction et la fragmentation est la fragmentation des myofibrilles dans les muscles sous l’effet de la contraction9.


L’Âme Corporelle est donc associée à une « soif d’existence » qui est une force de vie centripète qui se concrétise et se concentre en une existence autonome et s’achève tôt ou tard avec la mort.





La petite enfance


L’Âme Corporelle, étant la plus proche de l’Essence, a en charge les premiers processus physiologiques après la naissance. Zhang Jie Bin dit : « Au début de la vie, les oreilles, les yeux et le Cœur perçoivent, les mains et les pieds bougent et la respiration commence ; tout cela est dû à l’activité de l’Âme Corporelle »10.


On dit que, surtout dans le premier mois de vie, le bébé n’est « qu’Âme Corporelle ». Comme elle réside au Poumon, l’Âme Corporelle est responsable du toucher et des sensations transmises par la peau par l’Âme Corporelle de la mère lorsqu’elle allaite et caresse son bébé. Ceci explique l’importance du toucher dans la vie d’un bébé ; celui-ci non seulement établit un lien entre la mère et l’enfant, mais il nourrit aussi physiquement l’Âme Corporelle, et donc le Poumon.


Des spécialistes du sommeil comme McKenna dit qu’une mère qui dort avec son enfant partage plus qu’un lit avec lui. Leurs rythmes physiologiques au cours du sommeil montrent des accords et des synchronismes qui, d’après lui, sont d’ordre à maintenir la vie chez le bébé. Il écrit :






Les sens


Plus tard dans notre vie, l’Âme Corporelle nous donne la capacité d’avoir des sensations, des sentiments, d’entendre et de voir. Quand l’Âme Corporelle est florissante, les yeux et les oreilles ont une bonne acuité et peuvent enregistrer. La baisse de l’acuité auditive et visuelle chez les gens âgés est due à l’affaiblissement de l’Âme Corporelle. On attribue souvent le déclin de la vue et de l’ouïe chez les personnes âgées au déclin du Rein et de l’Essence, ce qui est assurément vrai, mais l’influence de l’Âme Corporelle dans ce déclin ne doit pas être sous-estimée.


Zhu Xi écrit :



Zhang Zie Bin dit : « L’Âme Corporelle peut bouger et faire des choses et [quand elle est active] on peut ressentir des douleurs et des démangeaisons »13. Cela montre que l’Âme Corporelle est responsable des sensations et des démangeaisons, et elle est donc en relation étroite avec la peau, au niveau de laquelle on perçoit ces sensations.


C’est ce qui explique les dermatoses d’origine psychosomatique qui surviennent lorsque des tensions émotionnelles affectent l’Âme Corporelle par l’intermédiaire de l’Esprit, ainsi que la relation qui lie l’Âme Corporelle, le Poumon et la peau (Fig. 4.5). En fait, l’Âme Corporelle, parce qu’elle est en liaison étroite avec le corps, est la première à être affectée quand on pique les aiguilles : la sensation de relaxation presque immédiate qui suit la mise en place des aiguilles est due à la détente de l’Âme Corporelle. Par son intermédiaire, l’Esprit, l’Âme Éthérée, l’Intellect et la Volonté sont tous impliqués.



May 6, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on 4: L’Âme Corporelle (Po)

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