4: Épidémiologie

Chapitre 4 Épidémiologie




Données générales en France


Le décollement du neuroépithélium rétinien est une affection rare et potentiellement cécitante [42]. Il n’existe pas en France — comme dans d’autres pays : The Swedish Retinal Detachment Register en Suède, par exemple — un organisme public de surveillance de l’incidence des maladies rétiniennes. L’incidence globale est de 6,3 à 17,9 pour cent mille habitants [38], soit un cas sur dix mille personnes et par an. Son profil d’incidence crée deux pics : le premier pic vers trente ans, le second et principal pic vers la soixantaine [24]. La prévalence dans la population est de 0,3 % [23].


L’étude Mergier Ipsen (1995) est informative sur l’épidémiologie de la cécité en France : le nombre total de personnes en France en 1995 atteintes d’une vision située entre « nulle » et « 0,1 (1/10) inclus », c’est-à-dire dans les catégories III, IV et V de l’OMS, sont au nombre de cent vingt-quatre mille dont : cinquante mille dégénérescences maculaires liées à l’âge, trente-cinq mille pathologies du cristallin, vingt et un mille glaucomes, huit mille cinq cents décollements de rétine, huit mille rétinopathies diabétiques. Ces huit mille cinq cents décollements de rétine représentent une prévalence de 0,014 %, avec un âge moyen de soixante-neuf ans. Le nombre total de personnes en France en 1995 atteintes de décollement de rétine avec une vision située entre « plus de 0,1 (1/10 exclus) » et « 0,3 (3/10 inclus) », c’est-à-dire les catégories I et II de l’OMS, sont au nombre total de quatre mille six cent trentedeux personnes, soit une prévalence de 0,007 %.



Données générales dans le monde


La littérature rapporte une incidence moyenne du décollement de rétine dans la population mondiale de 6 à 18 pour cent mille habitants. En Écosse [4, 39], en Irlande [42] et dans le sud de l’Angleterre [42], 2 % des cécités ont pour cause initiale le décollement de rétine selon le registre du National Council for the Blind of Ireland. Un centre finlandais [28] rapporte une incidence de 6,9 cas pour cent mille habitants avec une moyenne d’âge de cinquante-quatre ans. Les équipes suédoises [2, 62] rapportent un chiffre de 14 cas pour cent mille habitants avec un âge moyen à la chirurgie de soixante ans dans une série de mille cent seize patients. En Chine [64], on rapporte une incidence du décollement de rétine de 14 cas pour cent mille habitants, principalement de quarante à cinquante-neuf ans. Aux États-Unis, une étude épidémiologique dans l’Iowa [22] rapporte une incidence de 12,4 pour cent mille habitants ; dans le Minnesota [52], elle est de 17,9 pour cent mille habitants. Au Japon, l’incidence du décollement de rétine est de 10,4 cas pour cent mille habitants [55]. En Nouvelle-Zélande [47], l’âge moyen au diagnostic est de cinquante-trois ans et l’incidence est de 11 cas pour cent mille habitants.


La variabilité saisonnière des décollements de rétine est décrite dans la littérature [33, 38, 60, 62] avec une augmentation statistiquement significative en saison chaude (56 % des décollements annuels au printemps et en été) et un pic en juin-juillet [45]. Les patients sont alors souvent d’âge un peu plus jeune (quarante-sept ans versus cinquante-quatre ans dans une série libanaise [33]). Sont évoqués le rôle de la déshydratation du vitré et son incidence sur l’interface vitréorétinienne, ainsi que la production de radicaux libres par la lumière, modifiant la structure vitréenne [60].


Le sex-ratio du décollement de rétine est défavorable aux hommes pour de nombreuses études [47, 51]. Mitry [37] rapporte sur une cohorte écossaise de vingt années un sex-ratio de 1,3 à 1,8 homme pour une femme. Les hommes sont en moyenne plus jeunes [37, 52] que les femmes, tous types de décollements de rétine confondus, avec un âge à la chirurgie de 62,9 ans pour les femmes et 58,3 ans pour les hommes [2]. La population masculine est particulièrement représentée dans le pic de décollements de rétine de la troisième décade du fait de décollements de rétine posttraumatiques. Il n’y a pas de prédominance de côté atteint. Le sexratio est également défavorable aux hommes dans les études de décollements de rétine après phakoémulsification [63].


Plus étonnant, la Scottish Retinal Detachment Study [54] établit statistiquement une relation entre l’incidence du décollement de rétine et le niveau socio-économique des patients. Dans le premier quart le plus favorisé, le taux de décollements de rétine est de 15,4 pour cent mille et il est de 6,9 pour cent mille dans le quart le plus défavorisé, sans que cela puisse être expliqué, notamment par la pseudophaquie.


Plusieurs études rapportent une augmentation sensible de l’incidence du décollement de rétine ces dernières années, résultats à critiquer par un meilleur diagnostic et par la meilleure prise en charge thérapeutique du fait des innovations importantes en termes de chirurgie rétinovitréenne. Mitry rapporte récemment une série rétrospective écossaise des décollements de rétine de 1987 à 2006 [37]. Il décrit une augmentation progressive de l’incidence de 1,9 % par an sur la période (incidence de décollements de rétine de 9,36 pour cent mille en 1987 contre 13,61 pour cent mille en 2006).



Facteurs pronostiques


La littérature rapporte un taux de réapplication rétinienne de 85 % à 90 % après une prise en charge chirurgicale d’un décollement inaugural et de 94 % à 96 % après au moins deux opérations [14]. Le principal facteur pronostique positif du décollement de rétine est l’acuité visuelle préopératoire [9]. La macula est décollée dans la moitié des cas lors de la chirurgie [2, 38]. Les principaux facteurs négatifs préopératoires sont la durée du décollement (plus de cinq jours), la prolifération vitréorétinienne et une traction vitréomaculaire. Les facteurs pronostiques visuels négatifs postopératoires sont les complications maculaires (œdème maculaire cystoïde, membrane épimaculaire secondaire), un profil fovéolaire postopératoire défavorable en OCT [29] et des migrations de l’épithélium pigmentaire sous-rétinien. La présence d’une prolifération vitréorétinienne est statistiquement corrélée à l’augmentation du nombre de procédures chirurgicales : 3,7 interventions en moyenne (incluant la cataracte) contre 1,8 sur les décollements de rétine simples et 2,1 sur un décollement de rétine avec prolifération vitréorétinienne préexistante dans une étude rétrospective de cent quatre-vingt-dix patients [46].



Âge


La courbe d’incidence du décollement de rétine a un profil à deux bosses [38]. Le pic de fréquence se situe entre cinquante ans et soixante-dix ans [2, 19, 37, 47]. Un autre pic de fréquence aux alentours de vingt à trente ans [37] est marqué par la fréquence des décollements d’origine traumatique et par la myopie forte.


Dans la population pédiatrique [5], l’âge moyen du décollement de rétine est de treize ans avec plus de 70 % de garçons. Les facteurs de risque sont les traumatismes (52 %) et la myopie (37 %). Dix pour cent sont bilatéraux et les syndromes malformatifs sont plus représentés dans ce groupe, notamment le syndrome de Marfan et les hérédodégénérescences vitréorétiniennes : maladie de Wagner, syndrome de Stickler, vitréorétinopathie exsudative familiale et rétinoschisis juvénile. Spécifiquement dans la population des enfants opérés de cataracte congénitale [48], 3,2 % développent un décollement de rétine avec un délai de survenue de six ans en moyenne, et la myopie demeure un important facteur de risque. Une étude du décollement de rétine sur une population pédiatrique du Bristol Eye Hospital [30] rapporte les facteurs de risque suivants : traumatisme oculaire (53 %), pathologies associées (27 %) (cataractes congénitales, rétinopathie du prématuré, uvéites et glaucome) et myopie forte (17 %) ; 19 % sont idiopathiques — sont retrouvées alors une majorité de dialyses inférotemporales (en faveur d’une origine traumatique) et la macula est décollée dans 66 % des cas. Les garçons sont majoritaires dans cette population.



Lésions prédisposantes


Gonin, au début du XXe siècle, a mis en évidence le rôle capital des déhiscences rétiniennes dans la survenue du décollement de rétine. Le décollement de rétine rhegmatogène [11] répond à une ouverture rétinienne localisée avec passage de fluide vitréen liquéfié. Le traitement des déhiscences est l’objectif de la cure du décollement de rétine. L’intérêt d’un examen préventif est de mettre en évidence les lésions dégénératives prédisposantes. Celles liées statistiquement à un décollement de rétine sont :






Les palissades sont communes dans la population générale (8 %) et sont présentes dans 45 % des décollements de rétine [38] ; mais elles sont associées à 60 % des cas de décollements de rétine non traumatiques et phaques [55]. L’examen préopératoire des patients chirurgicaux retrouve 45,7 % de palissades et 47,3 % de myopies [38]. Les trous ronds atrophiques sont des facteurs de risque importants chez le phaque et représentent 2,8 % de tous les décollements de rétine dans une étude de 1976 du Wills Eye Hospital [61]. Ces décollements de rétine à vitré non décollé surviennent chez le patient plus jeune ; 75 % des patients ont des erreurs réfractives de type myopique de plus de – 3 D et la topographie du décollement est plutôt inférieure et lentement évolutive. Le pronostic est bon (98 % de recollement). Il est intéressant de constater que toute ouverture rétinienne n’aboutit pas à un décollement de rétine. En effet, la découverte d’une déhiscence chez un phaque asymptomatique n’évolue vers un décollement de rétine que dans 2 % des cas [9]. Ces lésions rétiniennes prédisposantes constituent le premier facteur de la constitution des déhiscences à l’origine du décollement de rétine. Le deuxième facteur est vitréen.


Le décollement postérieur du vitré, symptomatique ou non, peut être responsable de la création d’une déhiscence rétinienne par la traction vitréenne localisée sur une zone d’adhérence vitréorétinienne pathologique. La majorité des déhiscences rétiniennes surviennent alors dans les six premiers mois [58]. Processus physiologique du vieillissement vitréen, le décollement postérieur du vitré augmente de façon progressive avec l’âge. L’augmentation du degré de myopie favorise ce décollement postérieur du vitré. Comparée à une population emmétrope, la population myope réalise son décollement postérieur du vitré environ dix ans plus tôt dans une étude observationnelle [1]. Le décollement postérieur du vitré peut également être créé par une procédure chirurgicale endoculaire, notamment une chirurgie de cataracte [36]. Au décours d’une phakoémulsification sans incident d’une population d’yeux sans décollement postérieur du vitré, 20 % des yeux réalisent un décollement postérieur du vitré à une semaine postopératoire et 30 % [36] des yeux le réalisent dans le premier mois. À cinq ans postopératoires, 80 % des yeux ont fait un décollement postérieur du vitré [50]. Ces modifications vitréennes sont particulièrement impliquées [13] dans la genèse de décollement de rétine postopératoire, d’autant plus qu’il existe en préopératoire des palissades sans décollement postérieur du vitré [50].

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Jun 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 4: Épidémiologie

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