Chapitre 4
Comment palper
Qu’est-ce que la palpation ?, 102
Objectifs de la palpation : repérage et évaluation
La science de la palpation musculaire
Débuter dans l’art de la palpation musculaire
Se perfectionner dans l’art de la palpation musculaire
Directive n° 4 : ajouter une résistance à la contraction du muscle cible
Directive n° 5 : regarder avant de palper
Directive n° 6 : commencer par trouver le muscle cible à l’endroit où il est le plus facilement repérable
Directive n° 7 : faire rouler les doigts perpendiculairement en travers du muscle cible
Directive n° 8 : progresser à petits pas pour suivre le muscle cible
Directive n° 9 : faire alternativement contracter et décontracter le muscle cible
Directive n° 10 : quand c’est adapté, utiliser des actions associées
Directive n° 11 : quand c’est adapté, utiliser l’innervation réciproque
Directive n° 12 : utiliser la pression adaptée
Directive n° 13 : pour la palpation en profondeur, pénétrer lentement dans le tissu pendant que le patient souffle
Directive n° 14 : utiliser les muscles comme repères
Directive n° 15 : décontracter et détendre passivement le muscle cible pour palper son insertion osseuse
Directive n° 16 : fermer les yeux pour palper
Directive n° 17 : en palpant, construire une représentation mentale de l’anatomie sous-cutanée du patient
Directive n° 18 : si un patient est chatouilleux, placer sa main sur la main palpatoire du thérapeute
Directive n° 19 : garder les ongles des doigts courts et lisses
Directive n° 20 : utiliser la position de palpation optimale
Appliquez les directives et soyez créatif
QU’EST-CE QUE LA PALPATION ?
La palpation peut se définir de plusieurs manières. Le mot palpation, lui-même, vient du latin palpatio, qui signifie « toucher ». Cependant, définir la palpation comme le fait de simplement toucher est trop simpliste, car celle-ci recouvre bien davantage. Dans le terme de palpation, on ne trouve pas seulement le fait de toucher, mais aussi, inhérent à la palpation, l’acte de sentir ou de percevoir ce qui est touché. Dans ce contexte, la palpation implique plus que simplement les mains et les doigts. La palpation implique également l’esprit. Une palpation réussie exige que nous palpions avec notre intelligence autant qu’avec nos doigts. Lorsqu’il palpe, le thérapeute devrait se concentrer avec une intention attentive ; en d’autres termes, le thérapeute doit investir ses mains. Tout son savoir anatomique en rapport doit être intégré aux sensations que ses doigts captent sur le corps du patient et envoient à son cerveau. La conscience du thérapeute doit être ouverte aux sensations qui émanent du patient, mais, en même temps, il doit interpréter ces sensations avec un esprit averti (figure 4-1). Incorporer une intention attentive à l’examen et aux séances de traitement crée un toucher attentif.
QUAND PALPER ?
Le traitement devrait être une rue à double sens qui n’implique pas seulement la pression motrice dirigée vers les tissus du patient, mais aussi une information sensorielle continue en provenance de ces mêmes tissus (figure 4-2). En même temps que nous exerçons une pression sur les tissus du patient, nous sentons leur qualité et leur réaction à notre pression. Cette nouvelle information est susceptible de nous guider pour modifier ou ajuster notre traitement au patient. Ainsi, tandis que nous travaillons, nous continuons à évaluer, à recueillir des renseignements qui guident le rythme, la profondeur ou la direction des manœuvres suivantes. Idéalement, aucune manœuvre ne devrait être réalisée à la façon d’une recette de cuisine, exécutée comme en pilotage automatique. Le traitement est un processus dynamique. La façon dont le milieu et la fin de chaque manœuvre de massage sont réalisés devrait être déterminée par la réaction du patient à cette manœuvre pendant que nous l’exécutons. C’est l’essence du toucher attentif, une interaction fluide entre l’évaluation et le traitement. L’évaluation renseigne le traitement et le traitement renseigne l’évaluation, réalisant ainsi une prise en charge thérapeutique optimale pour le patient.
Figure 4-2 Cette figure illustre l’idée que la palpation devrait être pratiquée chaque fois que le thérapeute touche le patient, même quand il administre des manœuvres thérapeutiques. En même temps que la pression motrice s’applique sur les tissus du patient, les mains devraient saisir tous les signaux sensoriels palpatoires qui contribuent en même temps à l’évaluation.
COMMENT APPRENDRE À PALPER ?
Étant donné que le fondement de toutes les compétences manuelles repose sur notre aptitude palpatoire à lire les indices et les signes qu’offre le corps d’un patient, plus nous affûtons cette habileté, plus nous enrichissons notre répertoire palpatoire. Perfectionner notre répertoire palpatoire est un travail en évolution constante – un voyage sans fin. Plus nous polissons et perfectionnons cette habileté, plus notre potentiel thérapeutique s’accroît, pour le plus grand bénéfice de nos patients. Cependant, les chapitres écrits ne peuvent que fournir des directives et un cadre de travail sur la façon de palper. Fondamentalement, la palpation est une habileté kinesthésique et, en tant que telle, ne peut être apprise que par des moyens kinesthésiques. En d’autres termes, « la palpation ne peut pas être apprise en lisant ou en écoutant ; elle ne peut être apprise que par la palpation* ».
DIRECTIVES PALPATOIRES
La science de la palpation musculaire
Directive n° 1 : connaître les insertions du muscle cible
Quand un muscle est superficiel, il n’est habituellement pas difficile à palper. Si nous savons où il se situe, il nous suffit de placer nos mains à cet endroit et de chercher à le sentir. À travers la peau, on se trouvera directement sur le muscle, sauf si le tissu graisseux sous-cutané est particulièrement abondant dans cette région. Ainsi, la première étape de la palpation musculaire est la connaissance des insertions musculaires. Par exemple, si nous savons que le deltoïde s’insère sur la partie latérale de la clavicule, le processus acromial, l’épine de la scapula et la tubérosité deltoïdienne de l’humérus, il nous suffit de placer notre main à cet endroit pour le sentir (figure 4-3).
Directive n° 2 : connaître les actions du muscle cible
Parfois, même si le muscle cible est superficiel, il peut être difficile de distinguer les limites du muscle. Si le muscle cible est situé en profondeur sous un autre muscle, il peut devenir beaucoup plus difficile à palper et à distinguer des muscles plus superficiels et des autres muscles voisins. Pour mieux distinguer le muscle cible de toute la musculature adjacente et des autres tissus mous, il est utile de demander au patient de contracter le muscle cible en exécutant une ou plusieurs de ses actions. Quand le muscle cible se contracte, il devient plus dur à la palpation. En supposant que tous les muscles adjacents restent décontractés et donc mous, la différence de texture tissulaire entre le muscle cible dur et les muscles voisins mous deviendra claire. Cette différence permettra de déterminer avec précision l’emplacement du muscle cible. Donc, la deuxième étape de la palpation musculaire est la connaissance des actions du muscle cible (figure 4-4).
Figure 4-4 L’emplacement précis du deltoïde est plus facile à palper quand le muscle est contracté. Pour cela, on demande au patient de faire une abduction du bras au niveau de l’épaule, contre la force de la pesanteur. Quand un muscle se contracte, il devient franchement plus dur et plus aisé à distinguer des tissus voisins mous. Par conséquent, connaître les actions du muscle cible est la deuxième étape nécessaire quand on cherche à palper un muscle.
Débuter dans l’art de la palpation musculaire
Directive n° 3 : choisir la meilleure action du muscle cible pour obtenir sa contraction
Prenons comme exemple de muscle cible le fléchisseur radial du carpe qui appartient au groupe des fléchisseurs du poignet. Demander au patient de fléchir le poignet entraînera l’intervention non seulement du fléchisseur radial du carpe, mais aussi des deux autres fléchisseurs du poignet que sont le long palmaire et le fléchisseur ulnaire du carpe. Dans ce cas, pour palper le fléchisseur radial du carpe et le distinguer du long palmaire et du fléchisseur ulnaire du carpe, il faut demander au patient de faire une inclinaison radiale de la main dans l’articulation du poignet, au lieu d’une flexion de la main dans l’articulation du poignet. Cette action isolera la contraction du fléchisseur radial du carpe. Celui-ci deviendra plus dur à la palpation que les muscles long palmaire et fléchisseur ulnaire du carpe, décontractés et plus mous à la palpation, ce qui facilite la palpation et le repérage du fléchisseur radial du carpe (figure 4-5).
Figure 4-5 Le fléchisseur radial du carpe (FRC) est activé et palpé. A. Si le patient fléchit la main contre résistance, le long palmaire (LP), adjacent, se contracte aussi, rendant difficile de distinguer le FRC. B. Si, à la place, le patient fait une inclinaison radiale de la main contre résistance, le LP restera décontracté, rendant plus facile de distinguer le FRC.
Se perfectionner dans l’art de la palpation musculaire
La connaissance des insertions et des actions du muscle cible constitue les deux premières étapes de l’apprentissage de la science de la palpation musculaire. Déterminer quelle action articulaire demander au patient est le début de l’apprentissage de l’art de la palpation musculaire. Mais se perfectionner dans l’art de la palpation musculaire implique la connaissance et l’application de bien d’autres directives. Ces directives supplémentaires sont présentées dans les pages suivantes. Après la discussion de chacune des directives, vous trouverez une liste récapitulative de l’ensemble des 20 directives de palpation musculaire. Il est difficile sinon impossible de se rappeler une liste aussi longue. C’est en exploitant ces directives dans la palpation des muscles squelettiques, telle qu’elle est décrite dans les chapitres 6 à 11 de cet ouvrage, qu’il faut les apprendre. Avec la pratique, ces directives vous deviendront familières et vous serez à l’aise avec elles ; elles amélioreront l’art et la science de votre technique de palpation musculaire.
Directive n° 4 : ajouter une résistance à la contraction du muscle cible
Quand on demande au patient d’exécuter une des actions du muscle cible pour que celui-ci se contracte, durcisse et devienne évident, il arrive que cette contraction soit trop faible pour être aisément palpable. C’est particulièrement vrai quand l’action articulaire n’engage pas la mobilisation d’un segment corporel important et/ou si ce segment corporel n’est pas mobilisé contre pesanteur. Quand la contraction du muscle cible n’est pas assez énergique, il peut être nécessaire au thérapeute d’ajouter une résistance, afin que le muscle cible se contracte plus fort et se voie mieux. Le rond pronateur en est un bon exemple, quand on demande au patient de faire une pronation de l’avant-bras dans les articulations radio-ulnaires. Comme l’avant-bras n’est pas un gros segment corporel et que la pronation ne se fait pas contre pesanteur, le rond pronateur se contractera, mais très probablement de façon insuffisante pour devenir saillant et être facilement palpable. Dans ce cas, le thérapeute peut ajouter une résistance à la contraction du patient, en s’opposant à la pronation de l’avant-bras. Cela va entraîner une contraction plus intense du rond pronateur et le rendre plus facile à palper et à distinguer de la musculature adjacente (figure 4-6). Quand on palpe, la main qui fait la palpation s’appelle la main palpatoire. L’autre main, celle qui oppose la résistance, s’appelle la main résistante.
Figure 4-6 Pour provoquer une contraction plus forte du muscle rond pronateur, le thérapeute peut tenir l’extrémité distale de l’avant-bras du patient et résister à la pronation de l’avant-bras dans les articulations radio-ulnaires. Ajouter une résistance augmente la force de la contraction du muscle cible du patient. Le muscle « saute aux yeux » et est plus facile à palper. Noter que la main résistante qui s’oppose à la pronation de l’avant-bras du patient est placée sur l’extrémité distale de l’avant-bras et ne croise pas l’articulation du poignet en tenant la main du patient. Autrement, des muscles supplémentaires se contracteraient probablement et la contraction du muscle cible ne serait pas isolée.