4: Biologie du cancer

Chapitre 4


Biologie du cancer





Biologie génétique du cancer


Le cancer est une maladie génétique acquise (chapitre 3). Des modifications génétiques spontanées interfèrent dans les mécanismes qui maintiennent l’homéostasie cellulaire normale, perturbent le contrôle normal strict des divisions et de la mort cellulaires, ce qui aboutit au phénotype malin.


Les dommages génétiques responsables d’un cancer peuvent survenir de diverses façons : des translocations géniques peuvent juxtaposer deux gènes de telle manière que leur fonction n’est plus régulée ; des mutations peuvent activer des gènes qui causent le cancer ou inactiver des gènes qui le préviennent ; enfin, des modifications épigénétiques des protéines qui s’associent à de l’ADN peuvent modifier l’expression de gènes essentiels (chapitre 3). Parfois, la première étape est la mutation de gènes qui empêchent normalement les mutations d’autres gènes ; les cellules subissent alors rapidement des mutations supplémentaires qui, à la suite d’une sélection naturelle morbide, produisent finalement le clone mutant qui génère une tumeur maligne.


Les mêmes processus qui génèrent des transformations malignes constituent également des obstacles à leur traitement. La plasticité génétique à la base des mutations responsables du cancer peut également en induire qui rendent la tumeur résistante aux médicaments.


La formation des tumeurs après transformation maligne nécessite des changements dans la biologie cellulaire qui, dans les processus d’invasion et de métastases, favorisent la propagation des cellules malignes. Puisque les cellules individuelles, comme les organismes, sont programmées pour mourir, les cellules cancéreuses doivent apprendre à échapper aux systèmes complexes de l’apoptose qui conduisent à la mort cellulaire. Les cellules cancéreuses doivent également rendre possible la formation de nouveaux vaisseaux sanguins qui serviront à l’alimentation de la masse croissante et elles doivent s’organiser pour échapper à la surveillance immunitaire qui supprime la formation de tumeurs. À nouveau, ces processus qui donnent naissance à des tumeurs malignes peuvent faire obstacle à la réussite des traitements ; par exemple, les cellules dont le processus d’apoptose est défectueux peuvent résister aux médicaments anticancéreux qui tuent les cellules par activation de l’apoptose. Toutefois, la biologie particulière de tumeurs malignes peut également offrir des possibilités de thérapies dirigées.




Mutations spécifiques, thérapies ciblées


Dans toutes les cellules cancéreuses, on trouve des altérations génomiques ; en général, elles sont multiples, mais parfois une seule mutation paraît suffisante pour la transformation maligne. Il s’agit là de preuves évidentes que le cancer est une maladie génétique avec dérégulation de la croissance. On peut ainsi espérer que l’identification de la cause génétique conduira à une thérapie ciblée visant le produit du gène endommagé.


En cas de leucémie aiguë promyélocytaire (LAP ; chapitre 8), la translocation caractéristique t(15;17) est la seule lésion génétique identifiée. Cet accident génétique insère le gène du récepteur de l’acide rétinoïque (RAR) à côté d’un autre gène appelé PML, et la protéine hybride résultante, RAR-PML, ne fonctionne pas correctement. Le défaut fonctionnel du produit protéique hybride, RAR-PML, peut être corrigé par des doses pharmacologiques d’un analogue de la vitamine A, la trétinoïne ou ATRA (all-trans-retinoic acid). L’ajout de l’ATRA à la chimiothérapie contre les LAP double la survie sans maladie d’environ 40 à 80 %. De même, la recombinaison génétique accidentelle qui crée la protéine hybride BCR/ABL cause la transformation maligne des cellules myéloïdes (chapitre 9), le traitement étant alors des inhibiteurs spécifiques de la kinase BCR/ABL. Les cancers entraînés par des mutations uniques semblent être limités à des types tissulaires spécifiques. Ainsi, les altérations génétiques qui conduisent à une transformation maligne sont également tributaires du contexte cellulaire dans lequel elles se produisent.



Évolution du cancer en plusieurs étapes


La plupart des cancers n’ont pas une cause unique, mais sont plutôt les produits d’une progression de lésions génétiques qui peuvent prendre des années, comme en témoignent des altérations génétiques multiples et complexes. Le modèle classique du développement cancéreux en deux étapes, l’initiation et la promotion, a été remplacé par un modèle plus dynamique et en plusieurs étapes dans lequel l’accumulation d’erreurs génétiques conduit à une dérégulation de la division cellulaire et au désarmement des mécanismes de mort cellulaire.


Souvent, la première étape pour qu’une cellule devienne cancéreuse est le développement d’une instabilité génomique. À chaque division cellulaire, quelque 3 milliards de paires de nucléotides doivent être fidèlement copiées afin de produire des répliques exactes dans chaque cellule fille. Le processus de cancérisation peut commencer par des altérations de l’un des nombreux facteurs qui influencent l’exactitude de ce processus de réplication génétique. Deux mécanismes principaux interviennent dans ce dommage génétique acquis : des mutations spontanées peuvent désactiver le mécanisme qui révise la réplication de l’ADN et enlève les gènes endommagés ; ou, plus fréquemment, les cellules sont exposées à des agents cancérigènes qui endommagent directement l’ADN, et la réparation imprécise de l’ADN endommagé entraîne une augmentation des mutations spontanées.


Les affections héréditaires qui altèrent des protéines assurant la fidélité génomique prédisposent à divers types de cancer. Le tableau 4-1 reprend des exemples de défauts dans des gènes impliqués dans les réparations des dommages de l’ADN, responsables d’un risque accru de cancer héréditaire.



Puisque le cancer est une maladie génétique, les cancérigènes sont des toxines génomiques qui endommagent l’ADN et créent des mutations. Les altérations de l’ADN par la fumée de cigarette résultent de l’exposition à de dangereux hydrocarbures qui se lient l’ADN et perturbent la réplication. Les rayons ultraviolets provoquent des dommages caractéristiques dans l’ADN de la peau qui peuvent induire un mélanome et d’autres cancers cutanés (chapitre 29). Les rayonnements ionisants liés à des examens diagnostiques ou des traitements peuvent aussi causer des dommages génétiques et le cancer.


Un régulateur important de l’intégrité du génome est la protéine p53, le produit d’un gène suppresseur de tumeur qui est communément appelé le « gardien du génome ». La protéine p53 peut détecter l’ADN endommagé et arrêter le cycle cellulaire en augmentant l’expression de p21, qui inhibe les kinases dépendant des cyclines (fig. 4-1), ce qui donne à la cellule l’opportunité de réparer les dommages génétiques avant la division cellulaire. La protéine p53 peut aussi activer la voie de la mort cellulaire programmée (apoptose). Les mutations qui inactivent p53 sont parmi les anomalies les plus fréquentes observées en cas de cancer, ce qui illustre l’impact des dommages génétiques non réparés dans l’étiologie du cancer. Les individus porteurs de mutations héritées du gène p53 souffrent du syndrome de Li-Fraumeni (chapitre 3) ; ils ont une susceptibilité accrue à certains types de cancer. Le gène du rétinoblastome (RB) est un autre gène suppresseur de tumeur dont la fonction normale est de réguler la croissance cellulaire (voir fig. 4-1). Des mutations dans divers autres gènes suppresseurs de tumeurs sont également associées à des syndromes cancéreux particuliers (tableau 4-2).


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May 6, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on 4: Biologie du cancer

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