26: Cancer de la prostate

Chapitre 26


Cancer de la prostate









Épidémiologie: L’incidence du cancer de la prostate diagnostiqué cliniquement reflète les effets du dépistage par l’antigène prostatique spécifique (prostate-specific antigen [PSA]). Avant que ce test ne soit disponible, environ 19 000 nouveaux cas de cancer de la prostate étaient signalés chaque année aux États-Unis ; ce nombre a atteint 84 000 en 1993 et a culminé à près de 300 000 nouveaux cas en 1996. Depuis 1996, l’incidence annuelle déclarée de cancer de la prostate aux États-Unis est tombée à environ 190 000, un chiffre qui peut mieux estimer l’incidence réelle de la maladie cliniquement décelable. Le taux de mortalité due au cancer de la prostate a diminué d’environ 1 % par an depuis 1990. La diminution de l’âge spécifique de la mortalité a été plus importante chez les hommes de moins de 75 ans. Les hommes âgés de plus de 75 ans représentent encore les deux tiers des décès dus au cancer de la prostate. On ignore si cette diminution est due à la détection précoce (dépistage) ou à une amélioration des traitements.


Les facteurs de risque pour le cancer de la prostate comprennent l’âge, des antécédents familiaux, la race afro-américaine et des facteurs alimentaires. Des études épidémiologiques ont suggéré que des facteurs nutritifs, comme la réduction de l’apport en graisses et une consommation accrue de protéines de soja, pouvaient exercer un effet protecteur contre le cancer de la prostate. L’incidence chez les Afro-Américains est presque le double de celle observée chez les Américains blancs. Le cancer de la prostate est diagnostiqué chez les Afro-Américains à un stade plus avancé, et la survie conditionnée par la maladie est plus courte chez les Afro-Américains. Les contributions relatives des différences biologiques, génétiques et environnementales, ainsi que les différences dans l’accès aux soins de santé ne sont pas bien établies. La vasectomie et l’hypertrophie bénigne de la prostate n’augmentent pas le risque. Une néoplasie intraépithéliale prostatique, en particulier quand elle est de haute grade, est considérée comme une lésion précancéreuse ; ainsi, sa présence à la biopsie augmente le risque de cancer ultérieur.



Physiopathologie: Le cancer de la prostate serait plus fréquent chez les membres de familles où les hommes sont atteints de la forme précoce. Un locus de la bande q24 du chromosome 1 favoriserait ce développement à un âge précoce, mais une anomalie à ce locus n’est détectée que chez moins de 10 % des patients atteints de cancer de la prostate. Bien que de nombreuses mutations, perte ou gain de fonction, aient été identifiées, des ensembles cohérents de changements associés à une probabilité accrue de développement du cancer de la prostate n’ont pas été identifiés. Environ la moitié des cancers de la prostate montrent des réarrangements génétiques, dont la fusion de promoteurs ou d’amplificateurs de gènes sensibles aux androgènes tels que TMPRSS2 (transmembrane protease, serine 2) avec des gènes ETS (E-twenty six) de facteurs de transcription oncogènes dont ERG (ETS-related gene). Ces fusions conduisent à la surexpression de ces facteurs de transcription oncogènes et semblent définir un sous-ensemble de tumeurs avec un comportement plus agressif.


La testostérone est nécessaire pour l’entretien normal d’un épithélium prostatique sain, mais elle l’est également pour le développement du cancer de la prostate. Ce dernier exprime fortement le récepteur d’androgène, et la signalisation qui s’ensuit favorise la croissance, la progression et le caractère invasif de la tumeur. L’inhibition de la signalisation, généralement par une réduction chirurgicale ou pharmacologique des taux de testostérone, induit l’apoptose du cancer de la prostate et son involution. En fin de compte, cependant, le blocage de l’activité androgène perd son efficacité clinique. Les événements biologiques qui entourent le développement clinique du « cancer de la prostate résistant à la privation d’androgènes » ne sont pas bien définis, mais l’expression accrue du récepteur des androgènes, qui est un événement courant chez ces patients, rend sans doute le cancer sensible à d’infimes quantités d’androgènes ou à d’autres ligands. L’identification de certains variants d’épissage du récepteur aux androgènes qui sont constitutivement actifs, et donc qui ne requièrent pas de ligand, suggère qu’il s’agit là d’un mécanisme plausible expliquant comment une vraie résistance hormonale se développe.



Manifestations cliniques: La plupart des patients atteints de la maladie à un stade précoce, confinée à l’organe, sont asymptomatiques. Les symptômes mictionnels obstructifs (début de miction difficile, jet urinaire intermittent, diminution de la force du jet) reflètent généralement une maladie localement avancée, envahissant l’urètre ou le col vésical, mais il peut être impossible de distinguer ces symptômes de ceux d’une hypertrophie bénigne de la prostate. Les tumeurs localement avancées peuvent également entraîner une hématurie et une hématospermie. Lorsque le cancer a gagné les ganglions lymphatiques pelviens régionaux, il provoque parfois un œdème des membres inférieurs ou une gêne dans les zones pelvienne et périnéale. Les métastases sont en général osseuses, mais souvent asymptomatiques ; parfois, elles causent de fortes douleurs permanentes et peuvent entraîner des fractures pathologiques ou une compression de la moelle épinière. Les métastases viscérales sont rares comme premières manifestations d’un cancer de la prostate, mais les patients peuvent avoir des métastases pulmonaires, hépatiques, pleurales, péritonéales et dans le système nerveux central à la fin de l’évolution spontanée ou après échec du blocage des androgènes.



Diagnostic: Plus de 60 % des patients atteints de cancer de la prostate sont asymptomatiques et le diagnostic est suggéré uniquement par un taux de PSA élevé au dépistage. Un nodule palpable au toucher rectal, qui est le signe clinique suivant le plus commun, doit en général être suivi de biopsie. Beaucoup moins souvent, le cancer est diagnostiqué à cause de son extension qui entraîne des symptômes mictionnels obstructifs, une gêne pelvienne ou périnéale, un œdème des membres inférieurs ou des lésions osseuses symptomatiques.


La sensibilité et la spécificité du toucher rectal pour le diagnostic du cancer de la prostate sont faibles, mais la biopsie d’un nodule ou d’une zone indurée révèle un cancer dans 50 % des cas, ce qui indique qu’une biopsie s’impose chez tous les patients ayant des nodules palpables. Le taux de PSA a une sensibilité bien meilleure, mais une spécificité faible en raison d’affections comme l’hypertrophie bénigne de la prostate et la prostatite, qui peuvent aussi augmenter le taux de PSA. En se référant à un seuil de PSA de 4 ng/ml, on détecte 70 à 80 % des tumeurs. La précision est beaucoup plus grande si l’on prend en compte des seuils de PSA en fonction de l’âge. Ainsi, pour les hommes de 40 à 49 ans, un taux de PSA supérieur à 2,5 est alarmant ; de 50 à 59 ans, une valeur supérieure à 3,5 est aussi anormale ; de 60 à 69 ans, si elle dépasse 4,5, il faut entreprendre une évaluation plus poussée ; et entre 70 et 79 ans, le taux ne devrait pas dépasser 6,5. Un taux de PSA supérieur à 10 ng/ml, mesuré une seule fois, est prédictif d’un cancer dans 60 % des cas, un taux entre 4 et 10 ng/ml ne l’étant que dans environ 30 % des cas. Des dosages de la fraction non liée du PSA (pourcentage de PSA libre) peuvent contribuer à la distinction entre cancer et processus bénins chez les patients dont les taux de PSA oscillent entre 4 et 10 ng/ml. Le pourcentage de PSA libre semble être un facteur prédictif indépendant du cancer de la prostate, et une valeur limite de PSA libre inférieure à 25 % permet de détecter 95 % des cancers tout en évitant 20 % de biopsies inutiles.


Une échographie transrectale avec biopsie est indiquée lorsque le taux de PSA est élevé, lorsque le pourcentage de PSA libre est inférieur à 25 %, ou si une anomalie est notée au toucher rectal. L’aire des prélèvements doit être suffisamment large pour que jusqu’à six biopsies puissent être pratiquées de chaque côté. Chez les patients à haut risque, les vésicules séminales doivent aussi être biopsiées. Une scintigraphie osseuse est justifiée uniquement chez les patients avec des taux de PSA supérieurs à 10 ng/ml. L’imagerie abdominale et pelvienne par TDM et IRM est généralement négative chez les patients dont le taux de PSA est inférieur à 10 à 20 ng/ml.


Le pronostic du cancer de la prostate dépend du grade histologique et de l’étendue (stade) de la maladie. Plus de 95 % des cancers de la prostate sont des adénocarcinomes, et les foyers sont souvent multiples. Les grades histologiques (Gleason) vont de 1 à 5, même si à notre époque, les grades 1 et 2 sont extrêmement rares ; le score de Gleason, qui se réfère à la somme des deux aspects histologiques les plus fréquents parmi les différents prélèvements tissulaires, varie de 4 (2 + 2) à 10 (5 + 5). En général, les tumeurs sont classées comme bien différenciées (score de Gleason 2 à 6), moyennement différenciées (score de Gleason 7) ou peu différenciées (score de Gleason 8 à 10).


Le stade clinique est défini par l’étendue de la maladie estimée sur la base de l’examen clinique, de l’imagerie et de l’histopathologie. Au stade T1, le cancer est non palpable ; il est détecté à l’examen histopathologique, soit fortuitement à l’occasion d’une résection transurétrale pour hypertrophie bénigne (T1a et T1b), soit sur un échantillon de biopsie prélevé en raison d’un taux élevé de PSA (T1c, le stade clinique le plus fréquent au moment du diagnostic). Le stade T2 est une tumeur palpable qui semble être confinée à la prostate (T2a dans un lobe, T2b dans les deux lobes). Le stade T3 est une tumeur avec extension à travers la capsule de la prostate (T3a si elle est focale, T3b si les vésicules séminales sont impliquées). Les T4 sont des tumeurs qui envahissent des structures adjacentes, telles que le col de la vessie, le sphincter urinaire externe, le rectum, les muscles releveurs ou la paroi pelvienne. Les métastases ganglionnaires peuvent être microscopiques et n’être détectées que par biopsie ou curage, ou elles peuvent être visibles en imagerie. Les métastases à distance sont principalement osseuses, mais parfois viscérales.



Prévention: L’utilité du dépistage reste controversée. À l’heure actuelle, de nombreuses organisations recommandent le dépistage par dosage du PSA, mais un groupe de travail américain, l’U.S. Preventive Services Task Force, a déconseillé le dépistage chez les hommes de plus de 70 ans, et ne s’est prononcé ni pour ni contre le dépistage chez les hommes plus jeunes. Le dépistage par les taux de PSA a été testé dans deux grands essais randomisés ; l’un a conclu à une réduction de la mortalité due au cancer de la prostate 1, mais aucun des deux n’a constaté une réduction globale de la mortalité 1,2. Au mieux, on estime que 1410 hommes devraient subir un dépistage pour prévenir un seul décès par cancer de la prostate au cours d’une période de 10 ans. Des essais randomisés ont montré que les vitamines E et C et le sélénium ne sont pas efficaces pour prévenir le cancer de la prostate. Les inhibiteurs de la 5α-réductase (finastéride et dutastéride) réduisent le risque de développement du cancer de la prostate 3,4. Cependant, ce type de prévention n’a pas été largement adopté.



Traitement



Cancer de la prostate localisé



Principes du traitement


Les principales options thérapeutiques en cas de cancer de la prostate localisé sont les suivantes : surveillance active ; privation androgénique ; prostatectomie radicale par voie rétropubienne ou périnéale, avec ou sans radiothérapie postopératoire des marges prostatiques et pelviennes ; radiothérapie externe et curiethérapie (implants de grains radioactifs permanents ou temporaires) avec ou sans radiothérapie externe des marges prostatiques et pelviennes.


Le traitement doit être individualisé ; il doit prendre en compte les caractéristiques de chaque patient : les comorbidités éventuelles, l’espérance de vie, la probabilité de guérison et les préférences personnelles fondées sur une compréhension des effets secondaires associés à chaque traitement. Une prise en charge multidisciplinaire qui intègre la chirurgie, la radiothérapie et la privation androgénique est de plus en plus recommandée. Pour les patients à haut risque ayant très probablement des micrométastases ganglionnaires, l’hormonothérapie est souvent combinée avec une radiothérapie de la prostate et du bassin, alors que si le risque est particulièrement élevé ou en présence de comorbidité, la thérapie sera systémique, sans traitement local concomitant.


Le dépistage par dosage du PSA a conduit à la détection précoce de nombreuses tumeurs non palpables, pour lesquelles des moyens conventionnels de stadification clinique sont insuffisants. Ainsi, l’accent est mis moins sur le stade clinique que sur les taux de PSA et d’autres indicateurs. Une évaluation minutieuse des risques est nécessaire pour que les candidats à un traitement local définitif soient sélectionnés de manière appropriée.


Plusieurs études ont confirmé que l’on pouvait prédire le stade histopathologique final après prostatectomie sur la base des taux de PSA, du stade clinique, des scores de Gleason, et que ceux-ci sont des facteurs prédictifs indépendants de survie sans élévation du PSA après radiothérapie externe ou prostatectomie radicale. Par exemple, dans une étude portant sur la radiothérapie, un stade clinique T3 ou supérieur, avec un taux de PSA supérieur à 10 ng/ml et un score de Gleason de 7 ou plus étaient des facteurs de risque de mauvais pronostic (décès ou augmentation du PSA) ; la survie à 5 ans sans augmentation du PSA était de 85 % en l’absence de ces caractéristiques défavorables (risque faible), de 65 % en présence d’un seul signe défavorable (risque moyen) et de 35 % quand deux ou trois indicateurs défavorables avaient été identifiés (risque élevé). Des résultats statistiques similaires sont cités à propos des suites de prostatectomie radicale. Le pourcentage de biopsies qui sont positives et le taux d’augmentation du PSA sont chacun des indicateurs pronostiques indépendants après prostatectomie radicale et sont utiles lorsque les patients doivent être conseillés à propos des options thérapeutiques. Divers modèles pronostiques prenant en compte plusieurs variables ont été développés et validés ; ils ont servi au développement d’abaques simples ou de calculatrices de risque accessibles en ligne.

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May 6, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on 26: Cancer de la prostate

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