Chapitre 39 Brûlures des membres inférieurs à la phase aiguë

A. Mojallal, M. Moutran, F. Braye

La prise en charge des brûlures des membres inférieurs, comme pour toutes les brûlures, nécessite un examen clinique exhaustif du patient décrivant le pourcentage de surface cutanée brûlée, la profondeur, l’étiologie et l’agent causal de la brûlure. On relèvera aussi les zones saines potentiellement donneuses.

Dans le cas des brûlures électriques, il faut rechercher la porte de sortie au niveau des membres inférieurs et les éventuelles lésions vasculo- nerveuses associées.

L’ensemble de ces éléments va dicter la conduite chirurgicale à tenir.

La spécificité des lésions de brûlures des membres inférieurs et du traitement réside dans les particularités anatomiques et fonctionnelles.

Spécificités anatomiques

Au niveau des membres inférieurs, il existe quatre loges musculaires entourées d’aponévrose inextensibles. Ainsi, dans les brûlures circulaires profondes, la peau devenant inextensible associée à l’œdème des muscles situés dans une loge aponévrotique inextensible crée une ischémie des muscles (fig. 39-1).

Fig. 39-1 Brûlures profondes avec carbonisation, circulaires et étendues, touchant les deux membres inférieurs.

Au niveau des membres inférieurs, il existe un réseau veineux et lymphatique superficiel sous-cutané qui peut être touché dans les brûlures profondes. Ainsi, la cicatrisation des lésions distales des membres inférieurs est souvent plus longue, surtout chez les personnes âgées. De même, lorsqu’il s’agit d’une brûlure profonde étagée, il n’est pas rare de voir apparaître des troubles de la circulation lymphatique par effet de barrière en aval.

La plante des pieds possède une peau épaisse à couche cornée importante, et également une graisse sous-cutanée unique au niveau de l’organisme, ayant un rôle d’amortisseur du poids en position debout. Aucun autre tissu de l’organisme ne possède ces caractéristiques mécaniques et ne peut remplacer la graisse sous-cutanée plantaire. Il faut donc préserver celle-ci dans la mesure du possible.

Spécificités fonctionnelles

De par sa fonction dans la position debout et dans la marche, le membre inférieur est le siège de zones à grande mobilité cutanée. Celles-ci se situent en regard des articulations des hanches, des genoux et de la cheville et seront des endroits où le manque de peau saine va le plus se ressentir au stade de séquelles.

Enfin, lors de la croissance, le membre inférieur est le siège d’une élongation qui ne peut avoir lieu correctement si le revêtement cutané est inextensible. Chez l’enfant, il faut impérativement réaliser dans un second temps une interposition de peau totale ou de substrat dermique pour permettre la croissance.

Incisions de décharge (fig. 39-2)

Les incisions de décharge doivent être idéalement réalisées dans les six premières heures. Elles restent justifiées jusqu’à 24 heures mais la réversibilité des lésions nerveuses et musculaires causées par l’ischémie est moins certaine. Il faut tenir compte du remplissage du patient lors de l’évaluation de la tension cutanée clinique et de la pression des loges.

Fig. 39-2 Incisions de décharges au membre inférieur recouvertes d’un tulle vaseliné et pommade sulfadiazine argentique.

Les incisions de décharges sont indiquées en cas :

• de tension cutanée augmentée à la palpation ; • d’élévation des pressions sous cutanées et dans les loges (> 20 mm Hg) ;

• de baisse de la saturation périphérique prise sur un orteil non carbonisé ;

• de troubles de la sensibilité (paresthésies, dysesthésies) ou de la motricité ;

• de disparition des pouls distaux (survenue tardive) (ces deux derniers éléments doivent orienter vers la réalisation d’aponévrotomies complémentaires).

Les incisions de décharge sont réalisées sous anesthésie générale, au bistouri électrique, selon le schéma décrit dans le chapitre des généralités. Elles respecteront les zones articulaires. Les incisions sont complétées par des aponévrotomies des loges musculaires si la pression des loges est augmentée ou s’il s’agit de brûlures électriques avec atteintes profondes. Si la brûlure est supérieure à 6 heures, il convient de réaliser, lors des incisions de décharge, une ouverture partielle de l’aponévrose pour vérifier l’état musculaire. Si le muscle fait hernie à travers ces incisions, il faut compléter les aponévrotomies. Dans le cas particulier des brûlures électriques et par compression, il est recommandé de réaliser une aponévrotomie préventive. Les incisions de décharge sont recouvertes de tulle gras qui sera changé en même temps que le reste du pansement du brûlé.

Pansement et indication chirurgicale

L’objectif est d’obtenir une cicatrisation totale en moins de 21 jours. Le pansement doit être réalisé dans des conditions d’antalgie optimale. La fréquence du pansement dépendra du topique utilisé. Le principe de greffes rapides des brûlures profondes et avant 15 jours des brûlures intermédiaires est appliqué (cf. chapitres généralités).

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