Chapitre 33
Rééducation des ténolyses des fléchisseurs
Introduction
Le principe des ténolyses connu depuis le début du XXe siècle a été popularisé par Sterling Bunnell [1]. Les ténolyses ont mauvaise réputation. Jusque dans les années 70, une ténolyse de fléchisseurs était souvent suivie d’une immobilisation plâtrée. De ce fait, de nouvelles adhérences et cicatrices s’ajoutant à l’ancienne le résultat était le plus souvent désastreux. Les années 70 verront se généraliser le principe de mobilisation postopératoire précoce voire immédiate grâce auquel les résultats actuels sont devenus souvent excellents.
Même si la libération chirurgicale du tendon est le plus souvent complète et satisfaisante aux yeux du chirurgien, la formation de nouvelles adhérences reste un phénomène inéluctable que certains auteurs essayèrent sans succès de contourner de façon mécanique en interposant divers matériaux, métal, silicone, amnios de veau, etc. [2], ou chimiquement par corticothérapie entre autres, etc. [1,3,4]. Les techniques chirurgicales de libération sont bien codifiées mais restent – même dans les mains d’un chirurgien habile – traumatisantes et dévascularisantes pour le tendon libéré. Le consensus international s’accorde sur le fait que la mobilisation postopératoire immédiate permet d’organiser la cicatrisation et la formation des adhérences en les « mécanisant ». Les résultats cliniques le prouvent. La chirurgie des ténolyses est vouée à l’échec si elle ne s’appuie pas sur une rééducation immédiate et bien sûr sur la collaboration du patient. Ces deux derniers aspects sont aussi importants que l’acte chirurgical lui-même.
Généralités
Rappel des méthodes chirurgicales
La formation et la persistance des adhérences postopératoires après réparation par suture ou greffes des tendons fléchisseurs restent un problème, malgré la mobilisation précoce. La ténolyse a fait la preuve de son efficacité [5,6], mais il s’agit d’une opération difficile dans ses indications et dans sa réalisation technique [7].
Indications de ténolyse de fléchisseurs
La ténolyse est indiquée lorsque, après réparation :
• la mobilité passive est supérieure à la mobilité active ;
• les amplitudes restent les mêmes durant 6 à 8 semaines en dépit d’une rééducation bien conduite ;
• les éventuelles fractures sont consolidées ;
• les parties molles et la peau ont atteint un état d’équilibre, sans réaction inflammatoire, avec un minimum de sclérose ;
• les articulations ont retrouvé leur souplesse ou sont accessibles à une arthrolyse : l’intervention sera alors une téno-arthrolyse ;
• la sensibilité et la force musculaires sont compatibles avec une fonction acceptable.
Les impératifs techniques
Les impératifs techniques sont :
• une planification rigoureuse des incisions cutanées, prévoyant la couverture des pertes de substances qui peuvent se révéler au cours de la correction d’un défaut d’extension. Dans ces cas, la pose des greffes de peau, sur un tendon ou sur une articulation ouverte, n’est pas possible, et il faut avoir prévu à l’avance un lambeau de couverture ;
• une libération initiale du tendon dans la partie distale de la paume, voire à l’avant-bras, en vérifiant bien la mobilité de la portion proximale du tendon. À quoi servirait une ténolyse distale si la jonction musculo-tendineuse n’était pas mobile ?
• l’excision et non la simple incision de la sclérose : la ténolyse doit être une sclérectomie et non une sclérotomie ;
• l’utilisation de grossissement optique, d’instruments de microchirurgie et d’instrumentation spéciale : lames Beaver 64 et 66 et de lacs élastiques ;
• la détermination du bon plan de dissection : ni trop superficiel (ménageant trop la sclérose) ni trop profond (lésant le tendon) ;
• l’exposition tendineuse par résection des poulies A3 et A5 ;
• le respect des poulies annulaires A2 et A4. Le passage d’une anse de fil destiné à couper les adhérences entre tendon et poulie est préférable au passage d’un instrument qui léserait soit le tendon soit la poulie. La réparation d’une poulie, dans le même temps que la ténolyse, est déconseillée par certains qui préfèrent alors une reconstruction en deux temps. D’autres auteurs pensent que la réparation d’une seule poulie ou de plusieurs poulies [5] peut être exécutée au moment de la ténolyse sans que les précautions prises pour la mobilisation d’une part et la protection des poulies d’autre part soient incompatibles. Une greffe tendineuse ou une portion du rétinaculum dorsal des extenseurs peut être utilisée. La fixation des poulies est assurée soit par des tunnels transosseux, soit sur les parties restantes des insertions des poulies. Le passage par rapport à l’appareil extenseur se fait soit entre l’os et le tendon dans la partie proximale, soit autour de l’ensemble os-extenseur de la phalange moyenne. La protection par bague et la protection par la pression digitale doivent être assurées au cours des suites opératoires ;
• le respect des tendons : le risque de rupture doit être pris en considération quand le tissu tendineux a perdu plus de 30 % de sa largeur [8] ;
• le respect de la vascularisation des tendons : il est parfois préférable de ne pas pousser trop distalement la libération d’un fléchisseur profond : même si l’on perd un peu en mobilité, on gagne en prévention de la rupture, dont la cause peut être ischémique ;
• la libération individuelle du fléchisseur superficiel et du fléchisseur profond ;
• le sacrifice, si l’on ne peut faire autrement, du tendon le plus lésé : une bandelette du superficiel, ou le superficiel dans sa totalité. Plus rarement encore, on se résout au sacrifice d’un fléchisseur profond très lésé si le superficiel est conservable, en renonçant à la mobilité active de l’articulation distale. La téno-arthrolyse totale antérieure de P. Saffar [9] est utilisée dans les doigts en crochet extrême : elle comprend une désinsertion sous-périostée à la face palmaire des phalanges proximale et moyenne, et une désinsertion distale du fléchisseur profond ;
• l’association, si nécessaire d’une ténolyse des extenseurs : une incision médio-latérale est, dans ce cas, préférable à l’incision de Brunner. Elle permet un abord palmaire et dorsal dans le même temps ;
• la prévention du syndrome « lombrical plus » de Parkes [10] par résection du lombrical. Ce syndrome qui se traduit par une extension paradoxale du doigt, dans les tentatives de flexion, peut s’observer après une greffe trop longue ou une suture distendue ;
• le traitement ou la prévention d’un éventuel syndrome du quadrige de Verdan par désinsertion de tout tendon fléchisseur ou de tout moignon tendineux adhérent à un segment digital raide [11] ;
• l’interposition de péritendon, de fascia ou de membranes synthétiques (silicone…) n’empêche pas toujours la formation des adhérences et pourrait constituer une barrière à la revascularisation ;
• l’instillation locale per- et/ou postopératoire de corticoïdes diminue peut-être la formation des adhérences, mais induit aussi une diminution des défenses locales contre l’infection.
Atouts dans les ténolyses des fléchisseurs
Dans la rééducation des ténolyses des fléchisseurs, nous disposons de deux atouts : une relative simplicité de l’appareil fléchisseur, et des muscles extrinsèques puissants, capables d’entretenir le glissement tendineux au travers d’obstacles créés par l’œdème et la douleur.
Les temps de la rééducation
Idéalement, ce qui est le cas dans une équipe rodée, la rééducation comporte une phase préopératoire essentielle pour améliorer les amplitudes articulaires passives et la trophicité tissulaire.
Phase préopératoire
• des amplitudes articulaires passives les plus complètes possibles ;
• des téguments non adhérents et souples ;
• une bonne trophicité des doigts ;
• des muscles moteurs du tendon adhérent, puissants. La rééducation doit améliorer l’état du rayon lésé pour l’amener idéalement vers le stade « 1 » décrit par Boyes et Hunter [12–14].
Les amplitudes articulaires passives
• mobilisations manuelles passives spécifiques, effectuées par le rééducateur, utiles en cas de rétraction des parties molles péri- et ab-articulaires ;
• mobilisations passives, analytiques et globales ; que le patient doit réaliser lui-même au cours de la journée ;
• postures passives manuelles, ou au plateau canadien, associées au travail électroactif. Le patient effectue également des autopostures pendant la journée (figure 33.1) ;
Figure 33.1 Une façon très simple de réaliser une autoposture en extension en plaçant la main sous la cuisse.

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