Chapitre 30
Prise en charge rééducative du SDRC de type 1
Introduction
Il est attribué à un célèbre chirurgien nord-américain de l’école de Sterling Bunnell la phrase : « Le meilleur rééducateur est une femme, une “girl scout” et une amputée bilatérale » signifiant que l’approche rééducative du SDRC devait être maternelle mais ferme et surtout incapable de blesser physiquement le patient par une mobilisation passive intempestive.
Les rééducateurs ont été et sont encore qualifiés de « terroristes de la douleur ». Cette réputation est parfois justifiée.
L’algoneurodystrophie maintenant appelée syndrome douloureux régional chronique ou SDRC de type 1 représente un syndrome encore mal connu. Il apparaît le plus souvent à la suite d’un traumatisme. Tout a été dit puis contredit sur le SDRC de type 1 et son évolution. Même la terminologie porte à confusion ainsi que les pathologies qui doivent être incluses ou exclues de ce syndrome. Dans certains livres de rhumatologie, il est encore écrit que ce syndrome guérit sans laisser de séquelles [1].
La rééducation est considérée comme le traitement clé et la kinésithérapie plus efficace que l’ergothérapie [2].
Le rééducateur doit être familier avec l’étiologie, les diverses formes cliniques et classifications du SDRC et notamment, entre autres, les travaux de Doury et al. et de Lankford [3,4]. Le rééducateur doit être au fait des théories et du traitement de la douleur, de sa répercussion au niveau des centres nerveux corticaux, pour adapter le traitement.
L’évolution du SDRC est classiquement divisée en trois phases : inflammatoire, dystrophique, atrophique.
Buts de la rééducation
Selon Lankford [4], trois facteurs doivent être réunis pour que se déclenche un SDRC : une douleur persistante, un contexte ou diathèse basée sur trois facteurs (pathologique, métabolique, psychologique), et un réflexe sympathique anormal.
Le traitement rééducatif en complément au traitement médical et chirurgical s’adresse à chacun de ces facteurs :
Phase 2
Les buts de la rééducation sont identiques à ceux de la phase 1. Le maintien des amplitudes articulaires et la prévention de la fonction priment.
Évaluation
Elle est surtout clinique. Du fait du traumatisme initial et de l’immobilisation qui en résulte, l’évaluation peut rarement être complète. L’évaluation porte sur la douleur au niveau de la main, du membre supérieur. Une douleur à l’épaule étant souvent synonyme de début de SDRC I. Il faut savoir qu’il existe des formes de SDRC peu ou non douloureuses. La sensibilité est évaluée. Les parties molles sont scrutées à la recherche de signes dystrophiques. La personnalité du patient est notée.
L’évaluation de la douleur
Le questionnaire de Mc Gill est utilisé avec sa carte du corps, un goniomètre et une échelle visuelle analogique (Melzack, 1975) [5,6].
• les aspects spatiaux, l’intensité, la qualité et la chronologie de la douleur ;
• la douleur provoquée par la pression sur les articulations, particulièrement le test de la plaque palmaire (Carlson 1996) [7]. Ce test évalue la flexion passive de l’IPP jusqu’au seuil tolérable de douleur déclenchée. Il ne requiert qu’un goniomètre et une échelle visuelle analogique (figure 30.1) ;
Figure 30.1 Le test de la plaque palmaire mesure la flexion passive de l’IPP corrélée au niveau de douleur tolérable. Les amplitudes passives sont relevées selon la technique du « torque range of motion » de Brand. L’intensité de la force appliquée pour mobiliser l’articulation est mesurée par dynamomètre. La douleur est mesurée sur l’échelle visuelle analogique.
• la douleur de l’épaule en notant les amplitudes articulaires qui déclenchent ou aggravent la douleur.
L’évaluation de la sensibilité
Elle recherche toute lésion nerveuse : compression ou section responsable ou participant à la création d’une « épine irritative », entraînant le déclenchement du SDRC I, une hyperalgésie ou une allodynie.
L’évaluation des parties molles
Le statut de l’œdème est évalué par prise de mesures circonférentielles. La couleur de la peau, sa température, l’état vasomoteur et les modifications trophiques sont notés.
L’évaluation des amplitudes articulaires actives et passives
Les articulations non immobilisées démontrent une perte d’amplitudes du fait de l’œdème, de la douleur, de l’inhibition de la commande motrice volontaire, de la dystonie et de l’installation progressive de la raideur (Scharwtzman et Kerringan [8]). Les amplitudes articulaires de la scapulo-humérale sont systématiquement notées.
Traitement physiothérapeutique phase 1
Diminuer l’épine irritative, améliorer le confort du patient
L’immobilisation initiale
Au travers du choix de traitement initial et de la position d’immobilisation, le médecin ou chirurgien peut également être un terroriste de la douleur. Fontaine a noté que le traitement d’une fracture de l’extrémité inférieure du radius traitée par réduction et ostéosynthèse déclenchait moins de SDRC que le traitement orthopédique classique [9]. Une immobilisation plâtrée mal modelée qui n’accommode pas l’œdème empêche la flexion des MCP, peut constituer une épine irritative et entraîner une raideur en extension des MCP et en flexion des IP. Un membre supérieur immobilisé dans une écharpe laissant libre le poignet, la main plus basse que le cœur, les parties molles comprimées entre l’écharpe et l’ulna aggrave l’œdème (figure 30.2).
Figure 30.2 L’immobilisation du membre supérieur – la main plus basse que le cœur – par une écharpe s’arrêtant au poignet comprime les parties molles, place le poignet en position vicieuse et aggrave l’œdème.
Une immobilisation en flexion prononcée du poignet par plâtre ou fixateur externe augmente la pression intracanalaire du canal carpien déjà modifiée par la fracture et ainsi l’irritation du nerf médian. Le nerf médian possède un contingent important de fibres végétatives.
La simple vue d’un fixateur externe et des broches sortant de la peau peut être un facteur aggravant pour une personne sensible.
Le rééducateur doit prévenir le médecin traitant de tout signe d’apparition du SDRC afin de modifier éventuellement la position d’immobilisation, de remplacer un plâtre par une orthèse bien adaptée, ajustée au fur et à mesure de la réduction de l’œdème, ou de tout signe d’inconfort.
Parfois, la position d’immobilisation imposée par le traitement initial n’est pas modifiable. Dans ce cas, il sera souvent possible d’améliorer le confort du patient en aménageant cette position par l’ajout de modules amovibles diminuant les contraintes provoquées par la pesanteur ou les vibrations (marche, trajet en automobile, etc.) ou permettant de maintenir les amplitudes articulaires.
Position d’immobilisation idéale
La position idéale d’immobilisation du poignet et de la main est celle la plus favorable à la récupération de la fonction dans le cas où la raideur se développerait.
Cette position met en équilibre les forces statiques et dynamiques mises en œuvre par la pesanteur et les muscles extrinsèques et intrinsèques [10].
1. La flexion des MCP évite la rétraction des ligaments collatéraux des MCP.
2. La flexion des IP prévient un enraidissement en extension, notamment au niveau de l’IPD. La facilité avec laquelle le ligament rétinaculaire de Landsmeer se rétracte à ce niveau est bien connue.
3. La rétraction en extension des IPD est quasiment impossible à récupérer par la suite.
Cette position de sécurité se rapproche de la position « intrinsèque plus » mais ne doit pas être confondue avec celle-ci. La position intrinsèque + est une position pathologique de rétractions des muscles intrinsèques. Dans le SDRC, la souffrance vasculaire des muscles intrinsèques du fait de l’œdème, et par la suite de la dystrophie, entraîne souvent une fibrose. Laisser les IP s’enraidir en extension, les doigts en « baguettes de tambour » laisse généralement des séquelles.
L’orthèse idéale d’immobilisation pour traumatisme du poignet doit jouer un triple rôle :
• maintenir le poignet et les doigts dans la position décrite, permettre l’application des techniques de contrôle de l’œdème ;
• la mobilisation active passive, le massage, l’application de froid, de compression et d’électrothérapie sur la face dorsale de la main ;
• permettre l’utilisation de la main dans les activités de la vie courante autant que se peut.
L’orthèse ne doit pas être constrictive et accommoder les variations de l’œdème.
Une orthèse confortable diminue la douleur, rassure le patient et l’encourage à mobiliser et utiliser sa main. Une bonne orthèse est un agent efficace de lutte contre les facteurs étiologiques d’occurrence du SDRC. Ces critères indiquent la réalisation d’une orthèse en trois parties.
Un module d’immobilisation du poignet en plâtre ou thermoplastique sera porté continuellement. Ce module sera éventuellement enlevé pour les pansements éventuels et remodelé au fur et à mesure de la régression de l’œdème. Ce module doit laisser libre la flexion-extension des doigts. Deux modules amovibles s’emboîtant sur le premier sont portés alternativement : un module de repos maintenant les doigts dans la position de sécurité décrite en flexion, un autre maintenant les doigts en extension. Le module de flexion est porté la nuit. Durant la journée, les deux modules sont portés alternativement et associés à un programme d’autorééducation : contrôle de l’œdème, mobilisation active des doigts main au zénith, utilisation de la main dans des activités sans résistance. Si l’intensité de la douleur empêche toute mobilisation de la main, seul sera porté le module de flexion plaçant la main dans la position de sécurité (figure 30.3).
Dans le cas où le traitement initial de la lésion du poignet interdit la mise en légère extension de celui-ci, un module de repos et un d’extension digitale sont adaptés au plâtre ou au fixateur externe.
Contrôle de la douleur et de l’œdème
En conjonction avec le traitement médical, le traitement physiothérapique vise à diminuer la douleur, l’œdème, à contrôler le réflexe sympathique anormal et à maintenir les amplitudes articulaires.
L’électrothérapie
Dans le traitement du SDRC, l’électrothérapie joue un rôle primordial. Les effets physiologiques des courants électriques sur les différents tissus sont connus. L’électrostimulation est le seul agent produisant à la fois un effet antalgique, un effet trophique, un effet excito-moteur sur les fibres musculaires striées et sur les fibres musculaires lisses et un effet de rétro-information sensorielle (biofeedback) permettant d’agir au niveau des centres nerveux supérieurs. Tous ces effets interdépendants sont déclenchés simultanément lors de toute application de stimulation électrique. Cependant, le réglage des paramètres des courants permet de déclencher un effet plus qu’un autre, moteur ou antalgique. Le type de courant décrit par Baulande (1960) fait contracter de façon plus sélective les fibres lisses de l’intima veineuse et est d’un apport efficace dans le contrôle de l’œdème.
La stimulation électrique transcutanée (TENS) peut être utilisée pour contrôler la douleur présente et la douleur provoquée par la mobilisation active ou passive.
La TENS agit au niveau des trois neurones véhiculant la douleur : au niveau périphérique par réflexe d’axone et action trophique sur la « soupe inflammatoire » au niveau intermédiaire médullaire selon la théorie de la porte de Melzack et Wall, et au niveau des centres supra-médullaires par sécrétion d’endorphines.
La TENS est reconnue comme un moyen efficace non invasif et sans effets iatrogènes de contrôle de la douleur. L’achat d’un neuro-stimulateur est remboursé par les organismes de sécurité sociale. Sans effets secondaires, la TENS peut être utilisée pendant de nombreuses heures, jour et nuit (Walsh [11]).
Elle peut être synchronisée avec les mobilisations actives et passives pour diminuer la douleur provoquée par celles-ci (Thomas [12]).

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