Chapitre 30
Cancer d’origine primitive inconnue
Définition: Les premiers signes ou symptômes de cancer sont souvent la conséquence de métastases viscérales ou ganglionnaires. Chez la plupart de ces patients, on réussit à identifier la tumeur primitive par une évaluation clinique de routine comprenant une anamnèse approfondie, un examen physique, un hémogramme complet, des analyses biochimiques de dépistage et des investigations radiologiques dirigées en fonction de symptômes ou de signes spécifiques. Lorsque cette évaluation clinique de routine ne parvient pas à localiser la tumeur primitive, le cancer est dit d’origine primitive inconnue. Une évaluation plus poussée, clinique et anatomopathologique, ne réussit à identifier le site primitif que chez quelques malades, et au cours de leur évolution clinique ultérieure, environ 80 % ne connaîtront jamais le point de départ de leur cancer.
Épidémiologie: Une taille trop petite de la tumeur primitive explique probablement pourquoi le site d’origine reste indétectable, mais on ne peut pas exclure qu’elle ait régressé spontanément. Avant l’utilisation en routine de la tomodensitométrie (TDM) ou de l’imagerie par résonance magnétique (IRM), de grandes séries d’autopsies ont détecté de petits foyers cancéreux primitifs chez 85 % des patients atteints de tumeur primitive non identifiée, le plus souvent dans le pancréas, un poumon, et divers sites gastro-intestinaux ; depuis l’utilisation diagnostique de la TDM et de l’IRM, les sites primitifs identifiés à l’autopsie ne représentent plus que de 50 à 70 %.
Diagnostic: Si possible, l’évaluation clinique initiale et anatomopathologique doit se concentrer sur la détection du site primitif, et sur l’identification des patients pour lesquels un traitement spécifique est indiqué. Chez la plupart des patients atteints de cancer de site primitif inconnu, le diagnostic de cancer avancé est fortement suspecté dès l’anamnèse et l’examen physique. Quelques investigations supplémentaires, comme un hémogramme complet, la biochimie sanguine, une TDM thoracique et abdominale, sont indiquées. Tout symptôme ou signe spécifique doit conduire à une exploration radiologique et endoscopique appropriée.
Biopsie: Le diagnostic de cancer métastatique doit être confirmé par une biopsie de la lésion métastatique la plus accessible. La cytoponction peut ne pas fournir suffisamment de tissu pour un examen histologique optimal et pour des analyses complémentaires ; dans ce cas, un prélèvement plus large sera nécessaire. L’examen microscopique initial identifie un adénocarcinome chez environ 60 % des patients atteints de cancer de site primitif inconnu, un carcinome peu différencié chez 25 %, un carcinome épidermoïde chez 10 %. Chez 5 %, le néoplasme est indifférencié au point qu’il est inclassable comme carcinome, lymphome, mélanome ou sarcome.
Chez les patients atteints d’un adénocarcinome, il est rarement possible pour l’anatomopathologiste de déterminer un site principal sur la base des caractéristiques microscopiques ou avec des techniques histologiques supplémentaires. Cependant, la coloration à l’immunoperoxydase peut mettre en évidence différents marqueurs. Le PSA (prostate-specific antigen) est un marqueur relativement spécifique de l’adénocarcinome de la prostate (chapitre 26). Les récepteurs d’estrogène et de progestérone sont évocateurs d’un cancer du sein (chapitre 23). Quant à l’antigène commun leucocytaire, il permet l’identification du lymphome non hodgkinien (chapitre 10), qui est la tumeur primitive chez près de 50 % des patients atteints de tumeurs mal différenciées. Les autres diagnostics suggérés par la coloration à l’immunoperoxydase comprennent les carcinomes neuroendocriniens, les mélanomes (chapitre 29) et les sarcomes (chapitre 28). La microscopie électronique doit être envisagée lorsque la microscopie optique et la coloration à l’immunoperoxydase ne parviennent pas à identifier la tumeur, en particulier chez les jeunes patients atteints de tumeurs anaplasiques. Des particularités ultrastructurales peuvent suggérer un carcinome neuroendocrinien (granules neurosécrétoires), un mélanome (prémélanosomes) et certains sarcomes.
Parfois, la détection d’une anomalie chromosomique spécifique de la tumeur peut fournir un diagnostic définitif. Les cancers avec des anomalies chromosomiques spécifiques reconnues comprennent les tumeurs des cellules germinales (i12p ; chapitre 25), les neuroépithéliomes périphériques et les tumeurs d’Ewing (t11; 22 ; chapitre 27) ainsi que le lymphome non hodgkinien (chapitre 10). L’analyse chromosomique doit donc être envisagée, en particulier chez les hommes jeunes qui ont une tumeur médiastinale ou rétropéritonéale peu différenciée et chez qui d’autres études anatomopathologiques n’ont pas été concluantes.
Recherche du site primitif: Après la brève évaluation initiale décrite plus haut, les investigations diagnostiques supplémentaires devraient être limitées (tableau 30–1). La tomographie par émission de positons (TEP) identifie un site primitif et guide le traitement chez environ un tiers des patients ; elle devrait donc être effectuée chez tous les patients dont la tumeur primitive est inconnue. En comparaison, d’autres examens radiologiques de routine et endoscopiques de zones asymptomatiques ne sont pas utiles pour l’identification du site primitif et ne sont donc pas recommandés. Les taux sériques de marqueurs tumoraux, notamment l’antigène carcino-embryonnaire, le CA-125, le CA-19-9 et le CA-15-3, sont fréquemment augmentés chez les patients atteints de cancer d’origine inconnue, mais ces marqueurs ne sont pas spécifiques et ne conviennent pas pour l’identification d’un site primitif, même s’ils peuvent s’avérer utiles dans le suivi de la réponse au traitement.
Tableau 30-1
Examens recommandés après le diagnostic microscopique initial
Diagnostic | Examens cliniques* | Études histopathologiques spéciales |
Adénocarcinome (ou adénocarcinome peu différencié) | TEP TDM thoracique, abdominale Hommes : PSA sérique Femmes : mammographie Examens radiologiques ou endoscopiques dirigés supplémentaires en cas de symptômes, de signes ou de résultats de laboratoire anormaux | Hommes : PSA marqueur tissulaire Femmes : récepteurs d’estrogène et de progestérone comme marqueurs (si la clinique suggère un cancer du sein métastatique) |
Carcinome peu différencié | TEP TDM thoracique, abdominale hCG, AFP sériques Examens radiologiques ou endoscopiques dirigés supplémentaires en cas de symptômes, de signes ou de résultats de laboratoire anormaux | Immunoperoxidase Microscopie électronique (si les résultats des tests à l’immunoperoxidase sont ininterprétables) |
Carcinome épidermoïde, ganglions cervicaux | TEP Laryngoscopie directe ; biopsie du nasopharynx, du pharynx, de l’hypopharynx, du larynx Bronchoscopie avec fibre optique (si laryngoscopie négative) | – |
Carcinome épidermoïde, ganglions inguinaux | TEP Examen complet du périnée (avec examen pelvien) Anuscopie Cystoscopie | – |
*En plus des antécédents, de l’examen physique, d’un hémogramme complet, du profile biochimique et d’une radiographie thoracique.