Chapitre 3 IRM fœtale
Le diagnostic anténatal des malformations fœtales repose actuellement sur l’échographie [1]. Elle n’est cependant pas toujours capable d’identifier à elle seule l’ensemble des anomalies présentes chez le fœtus, en particulier en cas de pathologie neurologique [2], mais également en cas de pathologie thoracique ou digestive. L’imagerie fœtale par résonance magnétique (IRMf) se révèle être dans certaines circonstances un complément diagnostique indispensable [3].
Le dépistage d’anomalies fœtales, leur diagnostic et l’établissement de leur pronostic sont absolument nécessaires car lourds de conséquences. Plusieurs études ont montré que l’IRMf a modifié le conseil parental et la prise en charge de la grossesse dans un nombre significatif de cas [4].
Technique
Les examens IRM sont réalisés sur des IRM 1,5 tesla à l’aide d’une antenne en quadrature de phase.
En fonction de l’indication, plusieurs types de séquence peuvent être utilisés, en particulier une imagerie T1 et T2, mais nécessairement avec un temps d’acquisition court (séquences en écho de gradient T1 et single shot ou haste en pondération T2) pour limiter les artéfacts cinétiques étant donné l’absence de prémédication.
Le champ de vue (FOV ou field of view) est nécessairement adapté.
Pour ce qui est de l’épaisseur de coupe, elle se situe habituellement entre 3 et 5 mm en fonction des équipes, mais plus on utilise des coupes fines, plus on altère le rapport signal/bruit et donc la qualité de l’image. Il n’est donc pas préconisé d’avoir des coupes de moins de 3 mm, sauf cas particuliers [5].
Avantages et inconvénients
Tout comme l’échographie, l’IRMf est un examen non invasif, sans rayonnement ionisant [6]. C’est un examen reproductible [7], non opérateur-dépendant, permettant un meilleur contraste tissulaire que l’exploration ultrasonique [8], et notamment la différenciation de la substance grise et de la substance blanche [3, 4, 7, 9]. Contrairement à l’échographie, l’IRMf n’est pas limitée en cas d’oligoamnios, d’obésité ou d’engagement de la tête fœtale dans le bassin en fin de grossesse [3, 7]. De plus, elle apparaît comme incontournable dans l’examen de la fosse cérébrale postérieure dont l’étude par ultrasons s’avère extrêmement limitée en raison des artéfacts d’ossification [3, 8].
La principale limitation initiale de l’utilisation de l’IRM dans la pathologie fœtale était la mauvaise qualité des images acquises en raison des artéfacts cinétiques liés aux mouvements fœtaux et aux contractions utérines [9]. L’arrivée des séquences single shot a permis d’en révolutionner le résultat grâce à l’acquisition d’image en moins d’une seconde [3].
L’IRMf n’est pas un examen en temps réel, contrairement à l’échographie, et demeure un examen de deuxième intention, non de dépistage. Son accès est limité du fait de sa faible disponibilité et de son coût, et aussi parce qu’il n’est pas toujours bien toléré par les patientes (confinement, durée de l’examen) [10, 11]. Ses contre-indications sont les mêmes que celles de tout examen IRM.
L’IRMf apparaît donc complémentaire de l’échographie obstétricale dans les cas difficiles [12]. Elle permet de clarifier une malformation dépistée au cours d’un examen échographique comme les ventriculomégalies, de faire un bilan et de rechercher une pathologie associée [13]. Elle rend possible la détection d’anomalies non visualisables à l’échographie [9], comme les anomalies de la gyration, et apparaît enfin comme la seule technique pouvant explorer une anomalie fœtale lorsque l’échographie ne semble pas contributive [10, 14].
IRMf cérébrale
Rappels anatomiques (fig. 3.1 et 3.2)
L’IRM fœtale permet, tout comme l’échographie, une étude précise de la plupart des structures cérébrales et de leur maturation, en particulier au cours du 3e trimestre.
Âge gestationnel (semaines) | Sillon ou circonvolution |
---|---|
10 | Sillon interhémisphérique |
14 | Vallée sylvienne |
16 | Scissure calgarine Sillon pariéto-occipital |
18 | Gyrus cingulaire Sillon cingulaire |
20 | Gyrus central |
23 | Gyrus temporal supérieur |
24 | Gyrus précentral |
25 | Gyrus postcentral |
26 | Gyrus temporal inférieur |
28 | Gyrus temporal moyen |
32–35 | Insula Gyrus pariétal Circonvolutions frontales secondaires Circonvolutions temporales secondaires |
36–39 | Circonvolutions pariétales secondaires Gyrus occipital supérieur Gyrus occipital inférieur Circonvolutions frontales tertiaires |
Malformations du système nerveux central de l’étage sus-tentoriel
Anomalies de la ligne médiane (fig. 3.3)
Agénésies commissurales
Le terme agénésie du corps calleux (ACC) est consacré par l’usage, mais il est plus exact de parler d’agénésies commissurales, la commissure hippocampique (fornix) et la commissure blanche antérieure participant du même processus morphogénétique [15].
Il s’agit d’une des malformations cérébrales les plus fréquentes, représentant 3 à 5 % des malformations du système nerveux [15, 16]. La plupart des diagnostics échographiques d’agénésie du corps calleux sont effectués à 22 SA. Elles peuvent être partielles (splénium) ou complètes, isolées ou associées à de nombreuses malformations cérébrales et/ou rentrer dans le cadre de syndromes polymalformatifs.
Le pronostic est extrêmement variable, de l’absence de symptomatologie [17] jusqu’au retard psychomoteur majeur ou l’épilepsie réfractaire. Il dépend non pas de l’agénésie elle-même, mais essentiellement des anomalies neurologiques associées [18], résumées dans le tableau 3.2. L’IRM est ainsi indiquée dans tous les cas, permettant de confirmer le diagnostic mais surtout de détecter les anomalies associées pouvant motiver une interruption médicale de grossesse (IMG) [18–20].
Type d’anomalie associée à une ACC | Détail des anomalies les plus fréquentes | |
---|---|---|
Anomalies cérébrales | Dysplasie septo-optique Dilatation ventriculaire évolutive Hypoplasie du cervelet Hypoplasie vermienne Arnold-Chiari de type II Dandy-Walker Microcéphalie Anomalie de la gyration : lissencéphalie-pachygyrie-polymicrogyrie Kyste des plexus choroïdes Kyste interhémisphérique | |
Anomalies de la face | Fentes labiales uni- ou bilatérales Hypotélorisme Micrognathie Dysmorphies diverses | |
Autres malformations | Cœur | CIV Canal atrioventriculaire Sténose aortique |
Reins | Hydronéphrose Ectopie rénale | |
Abdomen | Hernie diaphragmatique | |
Squelette | Polydactylie | |
Anomalies caryotypiques | Trisomie 18 Trisomie 13 Trisomie 8 Trisomie 21 Triploïdie |
ACC : agénésie du corps calleux.
Les signes directs en imagerie sont l’absence (partielle ou complète) de corps calleux.
Dysplasie septo-optique [23]
Il s’agit d’une malformation rare, difficile à mettre en évidence en échographie. Elle se caractérise par des défects variables des structures médianes du système nerveux central, comme le septum pellucidum, le chiasma et/ou les voies optiques. Le pronostic est relativement sombre même si la symptomatologie est variable, en associant des troubles visuels et un retard psychomoteur. Les causes sont multiples, liées à un défect vasculaire, à une origine génétique ou tératogène (acide valproïque).
Recherche de malformations associées :
Troubles de la prolifération, de la migration et de l’organisation du cortex (fig. 3.4)
Il existe schématiquement trois stades embryologiques dans la formation du cortex cérébral :
De ces différents stades embryologiques découlent différentes pathologies [24], réparties de manière schématique dans le tableau 3.3. De manière globale, l’IRM apparaît plus performante que l’échographie [11] notamment grâce à la différenciation substance blanche-substance grise.
Stade de survenue des anomalies | Types de pathologie |
---|---|
Prolifération neuronale | Lissencéphalie de type III Lissencéphalie de type IV Hémimégalencéphalie Sclérose tubéreuse de Bourneville Dysplasie corticale focale de Taylor |
Migration neuronale | Lissencéphalie de type I ou agyrie-pachygyrie = migration arrêtée entre 12 et 16 SA Lissencéphalie de type II Hétérotopie de substance grise pouvant être diffuse ou focale |
Organisation neuronale | Polymicrogyrie Schizencéphalie Lissencéphalie de type V |
Pathologies de la prolifération
Hémimégalencéphalie
C’est une pathologie rare, secondaire à une anomalie de la prolifération neuronale et des cellules gliales. Elle consiste en une augmentation de volume et de taille de tout ou partie d’un hémisphère cérébral associant une prolifération anormale de parenchyme hamartomateux [24]. Il en résulte une désorganisation architecturale du cortex avec un aspect flou des couches cellulaires.
L’IRM peut retrouver les signes suivants [24, 25] :
Les principaux diagnostics différentiels sont :
Mais, dans ces différentes pathologies, il n’existe pas de dilatation du ventricule homolatéral [26].
Dysplasie corticale focale de Taylor [27]
Il s’agit de la même entité que l’hémimégalencéphalie, avec des lésions plus limitées [26]. Elle correspond à une anomalie cortico-sous-corticale qui ne touche en général qu’un seul lobe.
Sclérose tubéreuse de Bourneville [28]
Il s’agit d’une pathologie autosomique dominante à haute pénétrance ; néanmoins, 80 % des cas sont de novo. Elle atteint essentiellement la peau, le cœur et le système nerveux central. Elle associe à des degrés variables un retard mental et une épilepsie.
L’IRM permet la détection d’hamartomes sous-épendymaires et de tubers corticaux apparaissant en hypersignal T1 [18] et en hyposignal T2 [28] au sein de la substance blanche. Leur détection est possible à partir de 28 SA, même si leur visualisation peut être rendue difficile par les hypersignaux de la substance blanche périventriculaire et par le LCS (liquide cérébrospinal). Ils doivent être vus dans deux plans orthogonaux pour éliminer les artéfacts et donnent habituellement des déformations des parois ventriculaires [28].
Pathologies de la migration neuronale
Ces pathologies sont essentiellement représentées par les hétérotopies de la substance grise.
Le pronostic est variable, les hétérotopies sous-épendymaires pouvant être totalement asymptomatiques [18] ou responsables d’épilepsie, voire de retard intellectuel et d’atteinte neurologique sévère [29]. C’est une pathologie non accessible à l’échographie ; seule l’IRM peut en faire le diagnostic, avec cependant des cas indétectables lorsque les hétérotopies sont de très petite taille, voire microscopiques [9]. Le diagnostic est d’autant plus difficile que l’IRM est effectuée avant la 32e SA.
À l’IRM, les nodules de substance grise au sein de la substance blanche apparaissent en isosignal par rapport au ruban cortical et en relatif hyposignal T2. Ils peuvent donner un aspect de double cortex [18]. Ils doivent être différenciés des nodules hamartomateux sous-épendymaires de la sclérose tubéreuse de Bourneville et de la matrice germinative.
Pathologies de l’organisation neuronale
Elles sont caractérisées par une anomalie de la gyration corticale avec un volume apparent normal de la substance grise sans arrêt de migration des neurones au niveau de la substance blanche ou au niveau des régions sous-épendymaires [16].
Polymicrogyrie [25]
Elle est caractérisée par des neurones rejoignant correctement le ruban cortical, mais présentant une anomalie dans leur distribution, entraînant la présence de circonvolutions de petite taille et augmentées en nombre [18, 21, 30]. Les circonvolutions atteintes peuvent être localisées ou s’étendre à une large partie d’un hémisphère cérébral, voire diffuses à l’ensemble de l’hémisphère. La polymicrogyrie touche préférentiellement la vallée sylvienne, en particulier sa partie postérieure. Cependant, tous les lobes peuvent être concernés.
Schizencéphalie
Elle est secondaire à un trouble de la migration et de l’organisation neuronale caractérisée par une fente bordée de substance grise dysplasique [25] allant d’un ventricule latéral au ruban cortical. Il en existe deux types. Le premier est dit « fermé », la fente n’est pas visualisée et les deux rubans corticaux se sont souvent accolés. Le second est dit « ouvert » avec une fente de LCS bordée de part et d’autre par deux rubans corticaux. Sa localisation préférentielle est sylvienne, en regard des circonvolutions pré- et post-centrales [21, 25].
La schizencéphalie peut être d’origine génétique (transmission autosomique dominante à pénétrance variable [30]), vasculaire (accident ischémique ou hémorragique au cours du 1er trimestre) ou virale (infection à cytomégalovirus [31]).
En IRM, il est important d’avoir au minimum deux plans orthogonaux pour faire le diagnostic de schizencéphalie (elle ne peut être visualisée dans l’axe de la fente). Les bandes corticales apparaissent en hyposignal T2, iso-intense au ruban cortical. La fente apparaît, quand elle est présente, en hypersignal en pondération T2, en isosignal au LCS. Elle s’associe à une dilatation ventriculaire homolatérale à la fente (70 % des cas).
On recherchera les signes pouvant y être associés :