3: Épidémiologie et prévention

Chapitre 3 Épidémiologie et prévention



La brûlure représente un traumatisme extrêmement fréquent qui, dans sa version mineure, fait partie des accidents du quotidien. Personne, en effet, n’échappe au cours de son existence à la survenue d’une petite brûlure, accident banal de la vie courante, relevant souvent de l’automédication et sans conséquences durables. À l’opposé de ces petites brûlures, les brûlures très graves, relativement peu fréquentes dans les pays développés, sont caractérisées par une mortalité élevée : environ 265 000 décès par an dont 90 % dans les pay en voies de développement [1], près de 3 500 décès aux États-Unis [2, 3] de 800 à 1 000 décès en France. Ces brûlures graves, lorsqu’elles ne tuent pas, ont des conséquences dramatiques. Elles peuvent entraîner de lourdes séquelles et sont toujours responsables d’importantes souffrances physiques et psychologiques et de coûts considérables. On estime ainsi que 10 millions de personnes dans le monde sont, chaque année, victimes de brûlures entraînant un handicap [14].


Toute analyse épidémiologique doit tenir compte de la très grande variété de gravité des brûlures. Il est en effet évident que les circonstances responsables des « petites » brûlures sont différentes de celles à l’origine des accidents les plus graves. Une étude épidémiologique globale risque donc de donner des résultats plus représentatifs des brûlures peu graves, beaucoup plus nombreuses et sans grandes conséquences, que des brûlures les plus graves qui pourtant ont les répercussions vitales, esthétiques, fonctionnelles, sociales et économiques les plus importantes.


Il convient également, pour obtenir des résultats épidémiologiques exploitables, de distinguer les populations ayant des risques différents. Les causes de brûlures diffèrent en effet suivant le sexe, l’âge, le développement socio-économique, les coutumes, le type d’habitat.


La prévention dans le domaine des accidents entraînant des brûlures doit avoir une place de premier rang. En effet tout praticien en charge de patients brûlés sait parfaitement qu’un très grand nombre, pour ne pas dire la majorité, des patients qu’il soigne ont été victimes d’accidents qui auraient pu être évités.


La prévention ne peut être efficace que si elle se fonde sur les données épidémiologiques. Elle dépend donc de la pertinence de ces dernières qui doivent lui permettre de cibler les populations à risque et de proposer des mesures adaptées à chacune d’entre elles. Il serait absurde de vouloir prévenir les brûlures des personnes âgées avec des mesures utilisées pour protéger les enfants ou encore d’appliquer aveuglément à un pays pauvre des moyens de prévention adaptés à un pays développé.



Épidémiologie des brûlures en France et dans les pays développés



Incidence globale des brûlures


Seule la fréquence des brûlures graves, nécessitant une hospitalisation est connue avec précision. L’incidence de la totalité des brûlures, incluant les brûlures bénignes, ne peut être qu’extrapolée.


En France, le nombre annuel total de brûlés peut être déduit d’une enquête déjà ancienne réalisée par la Caisse nationale d’assurance maladie en 1992 [5] qui montrait une incidence de 700 brûlures pour 100 000 habitants au cours d’accidents domestiques, de loisirs et de la vie scolaire. Soit pour le pays une incidence d’environ 430 000 brûlures par an non compris les accidents du travail. Les brûlures au cours de ces derniers représentant environ 20 % de toutes les brûlures, on arrive à un chiffre légèrement supérieur à 500 000 brûlures par an.


Aux États-Unis, les patients brûlés consultant aux urgences représentaient, en 2003, 516 patients pour 100 000 habitants [6].


Les chiffres sont beaucoup plus précis en ce qui concerne les brûlures nécessitant une hospitalisation.


Si l’on considère la totalité des hospitalisations pour brûlures en additionnant les hospitalisations en centres de brûlés et celles dans des services non spécialisés, on recense en France 6 466 hospitalisations par an soit une incidence de 104 hospitalisations/million d’habitants/an (données PMSI, 2006). Le nombre de brûlés hospitalisés chaque année aux États-Unis est de 202/million d’habitants/an [7] où l’on constate, au cours des deux dernières décennies, une diminution de l’incidence de ces brûlures graves [8].


En Suède, l’étude sur une large population (24 538 cas) réalisée récemment par Akerlund et al. [9] montre une incidence de 155 hospitalisations/million d’habitants/an.


Si l’on ne considère que les hospitalisations en centre de grands brûlés, les chiffres rapportés au nombre d’habitants sont proches pour des pays ayant des développements socio-économiques voisins :



aux États-Unis [10], 187 000 brûlés ont été hospitalisés dans un des 70 centres de brûlés entre janvier 1991 et janvier 2005 soit 18 700 par an correspondant à 65 hospitalisations/ million d’habitants/an, chiffre très voisin des 66 hospitalisations par an en centres spécialisés par million d’habitants constatées en Catalogne (Espagne) [11] ;



Brûlures et données démographiques


Une extrapolation à partir d’une revue de la littérature réalisée par Burd et Yuen [13] permet d’estimer à plus de 500 000 le nombre d’enfants brûlés chaque année dans le monde. D’après cette analyse, le taux d’incidence serait plus faible en Amérique qu’en Europe.


Il existe dans tous les pays une importante surreprésentation des enfants entre 1 et 4 ans dans la population des brûlés [14, 15, 9, 16]. Ce risque accru s’explique probablement par le besoin d’exploration de l’environnement caractéristique de ces âges.


Les personnes âgées sont également très fréquemment victimes de brûlures, représentant, au-delà de 59 ans, 11 % des admissions en centres spécialisés pour McGill et al. [17]. Les données recueillies dans le centre des brûlés de l’hôpital Cochin montrent une plus forte population de personnes âgées puisque 19 % des admissions concernent des patients de plus de 59 ans, chiffre stable sur les vingt dernières années (tableau 3-I). D’une façon générale, les handicaps quels qu’ils soient augmentent le risque de brûlures [18].



La fréquence des brûlures dépend également du type d’habitat : ainsi, en France, l’incidence est plus forte en milieu rural qu’en milieu urbain [19]. Elle dépend aussi du niveau économique, notamment pour ce qui concerne les brûlures au cours des incendies. Ceci est bien mis en évidence aux États-Unis où les statistiques montrent une probabilité de décès par brûlures au cours des incendies trois fois plus importante chez les enfants noirs que chez les enfants blancs, différence qui s’estompe lorsque le niveau socio-économique est plus élevé [20].


Enfin, toutes les études montrent une nette prédominance du sexe masculin (sexe ratio voisin de 2/3) chez les enfants comme chez les adultes, prédominance qui s’atténue au-delà de 60 ans en raison de la plus forte proportion de femmes dans la population des personnes âgées.



Circonstances des brûlures


Ici encore, on retrouve une grande similitude des données recueillies dans les pays dits développés.


En France [19, 14], comme dans les autres pays, ce sont les accidents domestiques qui dominent largement. Ils représentent entre 65 et 70 % de toutes les brûlures nécessitant une hospitalisation. Les accidents du travail ne représentent que 15 à 20 % des circonstances de brûlures chez les adultes. Cette large prédominance des accidents survenant à la maison doit bien évidemment inciter à y renforcer la prévention d’autant que les incendies qui sont à l’origine de 12 % des hospitalisations sont responsables des lésions les plus graves avec fréquemment des atteintes pulmonaires par inhalation de fumée. Les tentatives de suicides, avec 7 à 8 % des hospitalisations en centres de brûlés restent un grave problème, car il s’agit pratiquement toujours de brûlures très graves. Les brûlures au cours d’agression ne sont pas rares (4 % des hospitalisations). Enfin les accidents de la circulation entraînant des brûlures ne représentent que 2 à 3 % des hospitalisations en centres spécialisés.


Aux États-Unis [10], l’analyse de 187 000 patients traités entre 1991 et 2005 dans 70 centres de brûlés donne des résultats très proches de ceux enregistrés en France : accidents domestiques : 65 %, accidents du travail : 17 %, tentatives de suicide et agressions 5 %. En Allemagne, la proportion d’accidents domestiques est légèrement inférieure à celle constatée en France ou aux États-Unis, alors que les tentatives de suicides avec brûlures sont un peu plus fréquentes [21].


En Australie [22], les chiffres sont équivalents (accidents domestiques : 55 % ; accidents du travail : 20 %) mais on constate une plus faible proportion de brûlures par tentative d’autolyse (2,5 %) et une plus grande fréquence des accidents de la circulation (13 %).


Enfin, les statistiques recueillies par Kobayashi et al. au Japon [12] relèvent la place importante des tentatives de suicide qui représentent 19 % des brûlures par flammes.


Certaines activités doivent être considérées à risque majeur de brûlures. Tel est le cas de la préparation des repas et plus particulièrement de l’utilisation des barbecues qui, dans les statistiques du centre des brûlés de Cochin, représentent ces dernières années entre 5 et 10 % des hospitalisations. Les brûlures sont une cause fréquente d’accident du travail dans les métiers de la restauration, elles représentent 12 % de tous les accidents du travail dans ces professions [23]. Les cigarettes sont également responsables de nombreux incendies et des brûlures qu’ils entraînent. Aux États-Unis, l’usage du tabac serait responsable chaque année de 14 450 incendies [24]. Les cigarettes seraient ainsi à l’origine de 1 décès sur 4 survenant au cours des incendies [8]. Le fait de fumer après la prise d’alcool ou d’une autre drogue est à l’origine de 40 % des décès survenant au cours des incendies [25].

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Sep 21, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 3: Épidémiologie et prévention

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