29: Pollicisation de l’index

Chapitre 29 Pollicisation de l’index



La pollicisation de l’index est une intervention consistant à créer un pouce à partir de l’index, stratégie qui s’envisage dans les hypoplasies congénitales graves ou les aplasies du pouce. L’aplasie ou l’hypoplasie du pouce se rencontrent dans plusieurs contextes malformatifs différents. Dans les mains botes radiales, les anomalies du pouce sont l’expression sur la main de l’hypoplasie touchant aussi le rayon latéral de l’avant-bras (hypoplasie ou aplasie du radius). Une hypoplasie ou aplasie du pouce peut aussi se rencontrer isolément, sans aucune malformation associée de l’avant-bras.


En 1937, Muller [1] a initié les bases de la première description des hypoplasies du pouce. Nous utilisons aujourd’hui la classification en cinq stades qui a été proposée par Blauth en 1967 [2] (tableau 29.1) :









INDICATIONS DANS LES HYPOPLASIES ET APLASIES DU POUCE


Le recours à une pollicisation de l’index se conçoit aux stades V (aplasie), IV (pouce flottant) et IIIB (hypoplasie profonde comportant une agénésie de l’articulation carpométacarpienne de premier rayon). Si, dans le stade I, l’abstention est la règle, au stade II et IIIA, l’attitude dépend des demandes de l’enfant et de la famille. La chirurgie, si elle doit intervenir à ce stade, consiste en un programme d’amélioration du pouce existant, passant par la réalisation de plasties de commissures et/ou de transferts musculaires pour améliorer l’opposition, associés à une stabilisation de l’articulation métacarpo-phalangienne [4]. Dès le stade IIIB, nous sommes partisans de la réalisation d’une pollicisation de l’index, considérant que l’hypoplasie du pouce est trop marquée pour qu’une reconstruction du doigt « natif » aboutisse à une solution fonctionnellement satisfaisante. Néanmoins, il est des cas d’hypoplasie de grade IIIB où la pollicisation de l’index n’est pas acceptée par la famille qui poursuit l’objectif inconditionnel de l’obtention d’une main à cinq doigts. Dans ces circonstances, le recours à un transfert microchirurgical ostéo-articulaire à partir d’orteil a pu être proposé [58], mais la plupart des auteurs semblent confirmer que les résultats de cette chirurgie en plusieurs temps restent en deçà de ceux obtenus par la pollicisation d’un index.


L’évaluation de ces enfants en pré-opératoire est purement clinique. Le point essentiel à évaluer est la souplesse de la chaîne digitale à polliciser, en particulier dans les mains botes radiales où une composante de raideur des articulations interphalangiennes est souvent présente, à même de grever le résultat fonctionnel final de la pollicisation. Lorsque l’enfant a déjà pris l’habitude, en l’absence de pouce « fonctionnel », d’utiliser une pince de substitution latéro-latérale entre l’index et le troisième doigt, c’est autant de chemin déjà fait dans le sens de l’intégration du futur néo-pouce. Cette chirurgie est réalisée vers l’âge d’un an, à un moment où tous les automatismes concernant l’usage des pinces pollici-digitales ne sont pas encore totalement ancrés.



TECHNIQUE CHIRURGICALE



Tracé des incisions


L’incision que nous utilisons dérive de celles proposées par Buck-Gramcko [9] et Blauth [10]. Cette incision circonscrit la base d’implantation de l’index à sa face palmaire, puis se prolonge par un tracé sinusoïdal le long du bord radial de la main. Le placement exact de cette incision nous semble un des points les plus difficiles de la pollicisation. Les repères sont essentiels pour ce tracé. Le point Y marque la limite proximale de la dissection. Ce point se situe sur le bord radial de la main, quelques millimètres plus distal que le pli de flexion palmaire du poignet (figure 29.1). Le large lambeau palmaire bilobé délimité par l’incision sinusoïdale est destiné à former le versant palmaire du néo-pouce et de la première commissure. À la face palmaire de l’index, cette incision doit atteindre le pli de flexion de l’interphalangienne proximale. Si cette incision est trop proximale, à travers la première phalange de l’index, ou dans la région du pli de flexion palmaire digital basal, l’effet obtenu sera celui d’un néopouce à trois phalanges, trop fin et trop grêle à sa base. Le placement correct de cette incision transversale est donc capital pour le résultat définitif. Le point X ou point d’angle proximal, marquant la limite proximale du lambeau cutané dorsal, est situé sur le bord latéral de l’index en un point qui pourrait représenter le prolongement latéral du pli de flexion palmaire distal de la main. Ce point d’angle va migrer en direction proximale et palmaire lors de la pollicisation pour atteindre sa destination finale représentée par le point Y, limite de l’incision latérale. L’incision A2-B2 est destinée à permettre l’intégration du segment A1-B1. Cette incision est réalisée à la fin de l’intervention, lorsque le néopouce est en place.




Dissection de la veine dorsale superficielle de drainage


La dissection débute par la réalisation de l’incision sinusoïdale du bord radial. La berge dorsale est alors soulevée, permettant d’accéder au réseau veineux dorsal superficiel. Une veine dorsale unique est sélectionnée et disséquée pour assurer le retour veineux du néo-pouce. Toutes ses branches collatérales sont ligaturées et sectionnées (figure 29.2). La dissection de la veine doit être effectuée sur toute la longueur de cette exposition dorsale et le minimum de tissu graisseux doit être conservé au contact de cette veine, afin de ne pas augmenter le volume du pédicule de l’index, ce qui rendrait délicat le temps ultérieur d’agencement cutané. Les branches sensitives du nerf radial destinées à l’index peuvent être disséquées au cours de la même étape et conservées en continuité. Elles assureront l’innervation sensitive dorsale du transplant. Une fois la veine parfaitement dégagée et réclinée, l’accès devient libre à toutes les autres structures dorsales. L’appareil extenseur de l’index est facilement identifié (extenseur propre et extenseur commun), en vue des étapes ultérieures. L’aponévrose du premier muscle interosseux dorsal est aussi incisée lors de ce temps dorsal.




Dissection des éléments pédiculaires palmaires


La valve palmaire de l’incision est maintenant soulevée. La dissection débute en distal, à hauteur de la face palmaire de P1 de l’index. La première structure recherché et disséquée est représentée par le pédicule collatéral palmaire de l’index, côté radial. L’artère, structure la plus dorsale, est repérée, puis le nerf immédiatement palmaire. Ces deux structures doivent être disséquées sur toute la longueur de l’incision palmaire (figure 29.3). La dissection se poursuit alors en direction médiale, soulevant le lambeau cutané en regard de la gaine du tendon fléchisseur jusqu’à rencontrer le pédicule collatéral palmaire ulnaire. L’artère et le nerf sont identifiés à hauteur de la phalange proximale, puis suivis de distal en proximal. La dissection de l’artère va alors conduire jusqu’à la division de l’artère digitale commune du deuxième espace. Cette bifurcation en Y est soigneusement identifiée, puis l’artère collatérale palmaire radiale du troisième doigt est ligaturée puis sectionnée (figure 29.4). Désormais, l’alimentation artérielle de l’index est assurée par l’artère digitale commune du deuxième espace. Pour augmenter la longueur utile globale du pédicule, il faut également réaliser une intra-neuro-dissection sur le nerf digital commun, séparant le contingent fasciculaire destiné à l’index de celui allant vers le troisième doigt (figure 29.5). Une disposition anatomique particulière doit être mentionnée ici et consiste en un passage de l’artère digitale dans un dédoublement du nerf correspondant. On parle alors d’une boutonnière vasculaire et ce type de disposition est susceptible de limiter les possibilités de dissection proximale de l’artère. Si, pour des raisons d’arc de rotation, la dissection doit se poursuivre au-delà de cette boutonnière vasculaire, une des seules solutions est parfois de sacrifier un petit contingent fasciculaire du nerf (figure 29.5, en cartouche).


Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Apr 22, 2017 | Posted by in PÉDIATRIE | Comments Off on 29: Pollicisation de l’index

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access