24. Le consentement

Chapitre 24. Le consentement



Introduction262


Le consentement libre ou volontaire263


L’information et la compréhension264


L’observance267


La prescription269



INTRODUCTION



Alors que la question du consentement éclairé ne se posait pas en médecine avant les années 1970 [1], elle occupe aujourd’hui le centre des débats. Elle a permis l’instauration de nouveaux codes d’éthique dans ce champ, et notamment dans le domaine de la recherche, à partir de la déclaration d’Helsinki de 1964.

Ce que recouvre ce terme pourrait sembler limpide à première vue, mais un bref moment de réflexion dissipe cette illusion. Par exemple, une étude a été réalisée avec des volontaires auxquels étaient communiquées une quantité variable d’informations sur les propriétés et les effets indésirables attendus d’un médicament. Plus ils recevaient d’informations, plus ils étaient hésitants à prendre le médicament, même contre rétribution [2]. Quand ils se sont rendu compte que le médicament testé était l’acide acétylsalicylique (Aspirine®), la plupart des sujets ont déclaré qu’ils ne changeraient pas d’avis. À leur retour chez eux, en revanche, ils eurent à nouveau recours à ce produit de la même façon qu’auparavant pour soulager une douleur ou faire tomber une fièvre.

D’une certaine façon, le consentement éclairé n’implique pas non plus que l’on soit complètement informé. Trop d’informations peut être tout aussi préjudiciable que le manque d’informations pour obtenir un consentement. Il s’agirait plutôt d’un consentement valable ou volontaire. Le qualificatif « valable » supposerait une information adéquate et appropriée, ce qui en pratique implique que la personne concernée en a une compréhension suffisante. De plus, le consentement doit être libre ou volontaire et non pas obtenu sous la pression, de quelque forme qu’elle soit.

Ces questions nous amèneront aussi à aborder celle de la compétence légale.


LE CONSENTEMENT LIBRE OU VOLONTAIRE



Mais justement, si la question du consentement éclairé occupe le devant de la scène, ces dernières années, c’est précisément parce que nous ne voulons plus que les choses se déroulent de cette manière. Nous remettons en question cette pratique qui institue le fait qu’un consultant ambulatoire ne nous laisse pas l’espace indispensable pour énoncer toutes nos difficultés. Nous nous présentons en état de faiblesse, inquiets en raison des symptômes qui nous amènent à consulter et de l’anticipation de la confrontation avec un médecin, un infirmière, un psychologue ou qui que ce soit. Nous sommes conscients que d’autres patients attendent leur tour dans la salle d’attente. Quand les 10 à 15min allouées à la consultation sont dépassées, nous ressentons clairement que le médecin se demande s’il aura le temps de déjeuner ou l’heure à laquelle il va rentrer chez lui si tous les entretiens lui prennent autant de temps.

Pour toutes ces raisons et bien d’autres, nous acceptons la plupart du temps sans protester cette ordonnance. Cependant, les données disponibles nous apprennent que la plupart des personnes qui reçoivent une prescription d’antidépresseurs, par exemple, ne les prennent pas plus de 4 semaines bien qu’il soit généralement recommandé de les prendre durant 3 ou 4 mois. Ceci pourrait être dû au fait que le médicament ne leur a pas convenu, mais il semble aussi que de nombreuses personnes n’ont pas donné leur consentement volontaire à ce traitement et que dès le moment où elles ont pu se soustraire à la pression générée par le dispositif clinique, elles ont manifesté, de cette façon, leur désaccord.

La manque de consentement qui s’exprime ici ne reflète probablement pas une opposition au traitement médicamenteux en lui-même, mais plutôt à la façon dont il a été prescrit : un médecin occupant une fonction symbolique d’autorité décidant seul de ce qui convient le mieux pour son patient et délivrant ses instructions. Ce qui est implicite dans ce type d’approche, c’est l’idée que la science médicale se serait développée à un point tel que nous approchons d’un niveau suffisamment élevé de certitude en ce qui concerne la façon appropriée de gérer la plupart des pathologies. Le médecin est un expert, une autorité qui sait, en tout cas certainement mieux que le patient, ce que celui-ci devrait faire.


De ce point de vue, le consentement volontaire rejoint la question de la bonne pratique clinique. Celle-ci ne peut pas être définie par une loi. Même les formulaires de consentement signés par les patients, dans certaines circonstances, ne peuvent pas être interprétés par un tribunal comme un consentement valide. D’un autre côté, l’absence d’un tel document n’indique pas forcément l’absence d’un consentement et ne pourrait pas servir à obtenir une compensation légale dans le cadre d’une plainte pour un traitement ayant occasionné un dommage.

La loi est là pour trancher. Idéalement, la profession devrait se donner quelques règles sur ces questions essentielles. Dans le cas qui nous occupe, il serait nécessaire de fournir des informations claires aux patients sur les effets des médicaments psychiatriques et sur leur rôle dans la gestion des désordres nerveux. La difficulté en santé mentale est qu’il est difficile d’obtenir de la part de tous les membres d’une équipe un discours commun concernant les traitements qu’ils administrent. À une échelle nationale, il sera encore plus difficile de mettre d’accord l’ensemble des psychiatres sur un discours expliquant ce que font les antipsychotiques. En l’absence d’un tel accord, les patients confrontés à divers professionnels de santé mentale ont de fortes chances de recevoir des avis très différents ou contradictoires sur la nature ou le but de leur traitement. Un livre comme celui-ci pourrait peut-être résoudre ce problème en présentant une série d’affirmations claires avec lesquelles les thérapeutes peuvent être en accord ou en désaccord, mais qui les obligeraient à expliquer clairement quelle est leur approche thérapeutique.

Le style d’approche clinique qui a le plus de chance d’aboutir à un consentement valide et qui tient compte des risques inclus dans tout acte posé en santé mentale repose, selon moi, sur la capacité du professionnel du soin d’assumer explicitement son ignorance concernant l’issue de son intervention auprès d’un patient au parcours singulier. La reconnaissance de son ignorance et le partage des connaissances et du pouvoir que propose cette approche sont loin d’être acceptés par tous les professionnels de santé mentale, et ne sont pas toujours faciles à assumer, même dans des circonstances limitées. En effet, cette conception du traitement n’est pas toujours bien accueillie par les patients. Certains d’entre eux veulent se retrouver face à quelqu’un qui sait. Nous souhaitons, parfois, nous appuyer sur quelqu’un qui décide à notre place et endosse seul la responsabilité du traitement.

Nov 19, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 24. Le consentement

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