Chapitre 24. Le consentement
Introduction262
Le consentement libre ou volontaire263
L’information et la compréhension264
L’observance267
La prescription269
LE CONSENTEMENT LIBRE OU VOLONTAIRE
Quand un individu se présente à une consultation, il est supposé implicitement qu’il cherche de l’aide et qu’il tiendra compte des conseils donnés par le médecin, le psychologue, l’infirmière ou l’assistante sociale. De ce point de vue, l’ordonnance issue de la rencontre peut être envisagée de deux manières : d’un côté comme un traitement répondant à une pathologie particulière, et de l’autre comme ce qui symbolise l’avis qui a été prodigué. Emmener avec soi ce bout de papier à la sortie d’une consultation peut donner à une personne le sentiment qu’elle n’est plus seule dans sa tentative de résolution d’un problème.
Mais justement, si la question du consentement éclairé occupe le devant de la scène, ces dernières années, c’est précisément parce que nous ne voulons plus que les choses se déroulent de cette manière. Nous remettons en question cette pratique qui institue le fait qu’un consultant ambulatoire ne nous laisse pas l’espace indispensable pour énoncer toutes nos difficultés. Nous nous présentons en état de faiblesse, inquiets en raison des symptômes qui nous amènent à consulter et de l’anticipation de la confrontation avec un médecin, un infirmière, un psychologue ou qui que ce soit. Nous sommes conscients que d’autres patients attendent leur tour dans la salle d’attente. Quand les 10 à 15min allouées à la consultation sont dépassées, nous ressentons clairement que le médecin se demande s’il aura le temps de déjeuner ou l’heure à laquelle il va rentrer chez lui si tous les entretiens lui prennent autant de temps.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres, nous acceptons la plupart du temps sans protester cette ordonnance. Cependant, les données disponibles nous apprennent que la plupart des personnes qui reçoivent une prescription d’antidépresseurs, par exemple, ne les prennent pas plus de 4 semaines bien qu’il soit généralement recommandé de les prendre durant 3 ou 4 mois. Ceci pourrait être dû au fait que le médicament ne leur a pas convenu, mais il semble aussi que de nombreuses personnes n’ont pas donné leur consentement volontaire à ce traitement et que dès le moment où elles ont pu se soustraire à la pression générée par le dispositif clinique, elles ont manifesté, de cette façon, leur désaccord.
La manque de consentement qui s’exprime ici ne reflète probablement pas une opposition au traitement médicamenteux en lui-même, mais plutôt à la façon dont il a été prescrit : un médecin occupant une fonction symbolique d’autorité décidant seul de ce qui convient le mieux pour son patient et délivrant ses instructions. Ce qui est implicite dans ce type d’approche, c’est l’idée que la science médicale se serait développée à un point tel que nous approchons d’un niveau suffisamment élevé de certitude en ce qui concerne la façon appropriée de gérer la plupart des pathologies. Le médecin est un expert, une autorité qui sait, en tout cas certainement mieux que le patient, ce que celui-ci devrait faire.
À l’opposé de cette conception, nombre d’interlocuteurs ont, ces dernières années, avancé l’idée que les soins médicaux devraient faire preuve d’une plus grande reconnaissance de ce qui reste du domaine de l’ignorance et de l’incertain dans le chef des praticiens. Ces derniers pourraient dès lors inviter les patients à instaurer une collaboration [3–5]. Dans ce cadre, le traitement pourrait être une affaire de négociation plutôt que de pédagogie. Une négociation qui reconnaîtrait que la maladie est un événement dans le drame intime d’une personne et que pour une série de raisons, adhérer de façon rigide à un protocole de traitement, avec tous les effets indésirables que cela induit, pourrait ne pas être sa première priorité.
De ce point de vue, le consentement volontaire rejoint la question de la bonne pratique clinique. Celle-ci ne peut pas être définie par une loi. Même les formulaires de consentement signés par les patients, dans certaines circonstances, ne peuvent pas être interprétés par un tribunal comme un consentement valide. D’un autre côté, l’absence d’un tel document n’indique pas forcément l’absence d’un consentement et ne pourrait pas servir à obtenir une compensation légale dans le cadre d’une plainte pour un traitement ayant occasionné un dommage.
La loi est là pour trancher. Idéalement, la profession devrait se donner quelques règles sur ces questions essentielles. Dans le cas qui nous occupe, il serait nécessaire de fournir des informations claires aux patients sur les effets des médicaments psychiatriques et sur leur rôle dans la gestion des désordres nerveux. La difficulté en santé mentale est qu’il est difficile d’obtenir de la part de tous les membres d’une équipe un discours commun concernant les traitements qu’ils administrent. À une échelle nationale, il sera encore plus difficile de mettre d’accord l’ensemble des psychiatres sur un discours expliquant ce que font les antipsychotiques. En l’absence d’un tel accord, les patients confrontés à divers professionnels de santé mentale ont de fortes chances de recevoir des avis très différents ou contradictoires sur la nature ou le but de leur traitement. Un livre comme celui-ci pourrait peut-être résoudre ce problème en présentant une série d’affirmations claires avec lesquelles les thérapeutes peuvent être en accord ou en désaccord, mais qui les obligeraient à expliquer clairement quelle est leur approche thérapeutique.
Le style d’approche clinique qui a le plus de chance d’aboutir à un consentement valide et qui tient compte des risques inclus dans tout acte posé en santé mentale repose, selon moi, sur la capacité du professionnel du soin d’assumer explicitement son ignorance concernant l’issue de son intervention auprès d’un patient au parcours singulier. La reconnaissance de son ignorance et le partage des connaissances et du pouvoir que propose cette approche sont loin d’être acceptés par tous les professionnels de santé mentale, et ne sont pas toujours faciles à assumer, même dans des circonstances limitées. En effet, cette conception du traitement n’est pas toujours bien accueillie par les patients. Certains d’entre eux veulent se retrouver face à quelqu’un qui sait. Nous souhaitons, parfois, nous appuyer sur quelqu’un qui décide à notre place et endosse seul la responsabilité du traitement.
L’INFORMATION ET LA COMPRÉHENSION
De quelle quantité d’informations les gens ont-ils besoin concernant les risques et les bénéfices de tel ou tel traitement ? La plupart des personnes autorisées penchent en faveur d’une information pour les usagers qui ne reprendrait que les risques les plus importants et pas tous les inconvénients possibles.

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