Chapitre 23 Tumeurs et pseudotumeurs du pied
Introduction
Les masses des parties molles du pied et de la cheville sont souvent découvertes assez tôt en raison des sollicitations mécaniques permanentes, de la finesse des tissus sous-cutanés et du confinement dans la chaussure. La grande majorité d’entre elles sont bénignes [1]. Cependant, malgré leur rareté, les tumeurs malignes sont facilement confondues avec des lésions bénignes.
Méthodes d’imagerie
Échographie
Elle est utile pour la détection de lésions superficielles des parties molles.
Elle affirme le caractère liquidien d’un kyste.
Le doppler est très utile pour quantifier le flux d’une lésion vasculaire.
Enfin, rappelons qu’une absence de signal Doppler n’exclut pas le caractère tissulaire d’une masse.
Tumeurs et pseudotumeurs des parties molles
Pseudotumeurs et tumeurs bénignes des parties molles
Tumeurs et pseudotumeurs vasculaires bénignes
Le terme d’hémangiome est souvent employé par excès pour décrire sans distinction les anomalies vasculaires, qu’elles soient malformatives à flux lent (malformations veineuses, capillaires, capillaroveineuses et lymphatiques), à flux rapide (malformation artérioveineuse) ou tumorales [2]
Les radiographies peuvent montrer des phlébolithes.
L’échographie est utile pour apprécier le flux.
En T2, il existe des régions serpigineuses, globuleuses en hypersignal, cernées par des septas fibreux en bas signal (fig. 23-1). Des zones de très bas signal T2 correspondent à des phlébolithes, des calcifications ou des foyers d’ossification [3,4]
Après injection, le rehaussement est variable.
Le flow void en bas signal T2 se rencontre en cas de circulation rapide (malformation artérioveineuses) [3]
Fibromatose profonde ou tumeur desmoide extra-abdominale (fig. 23-2b)
Les tumeurs desmoïdes touchent l’adulte vers 2535 ans[5]. Elles sont plus rares que la fibromatose superficielle.
Elles sont multifocales dans 15 % des cas et sont d’autant plus agressives chez les sujets de moins de 20 ans[6]
L’IRM montre une lésion centrée sur un fascia ou muscle, de signal hétérogène, souvent de forme irrégulière, spiculaire avec un aspect localement agressif, invasif dans le muscle et parfois dans les structures vasculonerveuses. L’extension le long du fascia donne le fasciai tailsign Les lésions jeunes, actives, cellulaires sont hyperintenses en T2 [7] et se rehaussent fortement [8,9]. Secondairement, le contenu en collagène augmente et entraîne une chute du signal T2 [9,10]
Tumeurs et pseudotumeurs nerveuses bénignes
Schwannome et neurofibrome
Ces tumeurs nerveuses bénignes touchent autant les hommes que les femmes entre 20 et 50 ans. Elles peuvent être associées à une neurofibromatose degré I.
Quatre pour cent des schwannomes intéressent la cheville.
Le schwannome est encapsulé, bien limité, excentré par rapport au nerf car il se développe à partir de sa gaine[11]. Il siège préférentiellement dans la région des fléchisseurs : nerf tibial postérieur et branches de division plantaires (fig. 23-3)En IRM, le signal est intermédiaire en T1 et généralement élevé en T2 [12].
Le neurofibrome n’a pas de capsule. Il infiltre les fibres nerveuses et élargit le nerf en fuseau. Le classique signe de la cible (centre fibreux en bas signal T2, périphérie myxomateux en signal T2 élevé), plutôt en faveur du neurofibrome [13], se voit également dans le schwannome et apparaît donc peu spécifique.
Tumeurs et pseudotumeurs d’origine synoviale
Kyste synovial ou mucoïde [14]
Deuxième masse des parties molles après le névrome de Morton, le kyste peut être uniloculaire ou multiloculaire [15]. Il est souvent proche d’une capsule articulaire ou d’une gaine tendineuse, mais peut en être totalement séparé (du moins macroscopiquement). Il se développe souvent sur le versant dorsal du pied ou dans le sinus du tarse.
Le caractère liquidien est affirmé en échographie. En IRM, le diagnostic est facilement affirmé devant une formation en hypersignal T2 franc, hyposignal T1 et non rehaussée après injection, en dehors d’une fine prise de contraste des parois(fig. 23-4). Ce dernier point est fondamental, car une tumeur maligne peut avoir un aspect faussement rassurant, pseudokystique [16]
L’imagerie doit rechercher un pédicule communiquant avec une éventuelle arthropathie sous-jacente.
Tumeurs à cellules géantes et synovite villonodulaire
La synovite villonodulaire (SVN) articulaire est une prolifération tumorale bénigne de la synoviale, focale (fig. 23-5) ou diffuse(fig. 23-6).
La tumeur à cellules géantes (TCG) des gaines et des tendons représente la forme extra-articulaire de SVN. Souvent unique, elle touche préférentiellement le 1erou le 2e rayon chez un sujet entre 30 et 50 ans[17]
Les radiographies montrent des érosions dans 56 % des SVN articulaires [18] et environ 10 % des TCG [19]
Le signal IRM des TCG des gaines (fig. 23-7) et de la SVN(fig. 23-5et23-6)est évocateur surtout en T2 : les dépôts d’hémosidérine donnent des ponctuations en bas signal T2 qui se majorent sur les séquences en écho de gradient par effet de susceptibilité magnétique [20]
Chondromatose synoviale primitive [21]
Il s’agit d’une métaplasie synoviale avec formation de nodules cartilagineux multiples qui se calcifient ou s’ossifient (ostéochondromatose) [22]. Elle peut se développer dans la synoviale articulaire d’une bourse ou d’une gaine tendineuse [23]. Elle touche l’adulte jeune.
Les radiographies peuvent montrer de multiples corps calcifiés ou ossifiés ainsi qu’un scalloping osseux. L’articulation est préservée ou peu atteinte à la différence d’une ostéochondromatose secondaire (fig. 23-8). L’arthroscanner confirme la nature intra-articulaire des corps étrangers.
Lipome
Le lipome, la plus fréquente des tumeurs des parties molles, ne représente que 6 % des tumeurs bénignes du pied [1]
Il survient au cours de la 5e ou 6e décennie, plus souvent chez l’homme. Il peut être superficiel ou profond (en dedans des plans aponévrotiques), intramusculaire, parfois dans une gaine tendineuse [24]. Il est généralement asymptomatique.
Le contenu graisseux peut être visible sur les clichés standard (fig. 23-9a). Il est affirmé en TDM et IRM (hyper T1 et T2, annulation du signal graisseux) [fig. 23-9b et 23-9c].
Autres tumeurs et pseudotumeurs des parties molles
Pathologie tendineuse
Une rupture tendineuse partielle peut se présenter comme une masse des parties molles. La notion de traumatisme peut être absente. L’échographie, le scanner et l’IRM permettent de redresser le diagnostic.