22: Le diagnostic prénatal non invasif sur sang maternel

Chapitre 22


Le diagnostic prénatal non invasif sur sang maternel



Dans son approche conventionnelle, le diagnostic prénatal des maladies (ou caractéristiques) génétiques du fœtus et la recherche d’anomalies chromosomiques fœtales requièrent un geste invasif (amniocentèse, biopsie de villosités choriales, ponction de sang fœtal) dont la finalité est l’obtention d’un matériel génétique fœtal représenté historiquement par les cellules fœtales intactes. Ce besoin de cellules intactes est conditionné par la nécessité d’une mise en culture (réplication cellulaire) afin d’en analyser le contenu chromosomique à travers les méthodes habituelles de caryotypage. Les développements récents en matière de « caryotypage moléculaire » ont eu des conséquences importantes sur les différentes approches de diagnostic prénatal invasives ou non [1, 2].


On sait depuis longtemps que le recours à ces gestes invasifs pose problème en termes de risque accru de perte fœtale induite. Ce risque de perte fœtal est apparu de moins en moins acceptable depuis l’introduction des politiques de dépistage de la trisomie 21 fœtale par analyse des marqueurs sériques maternels. En effet, bien que ce dépistage conduise à la détection de 85 % environ des trisomies 21 fœtales, il génère dans le même temps un nombre important de gestes invasifs (environ 5 % pour le dépistage au premier trimestre) et, par voie de conséquence un nombre important de pertes fœtales, pour des fœtus dont la plupart sont indemnes d’anomalie chromosomique. L’idée d’un Diagnostic prénatal non invasif (DPNI) s’impose donc naturellement, particulièrement pour les anomalies chromosomiques, même si les stratégies de dépistage ont progressé, avec le dépistage combiné au 1er trimestre associant marqueurs sériques et mesure de la clarté nucale, en termes de nombre de gestes invasifs induits.


Historiquement, les laboratoires ont donc naturellement cherché à isoler des cellules fœtales intactes particulièrement à partir du sang maternel. Cette approche cellulaire représente en effet « la voie royale » puisqu’elle donne accès à une source de génome fœtal « pure » (sans interférence de matériel maternel) et donc en théorie à la possibilité de diagnostiquer la plupart des maladies génétiques mais aussi chromosomiques (même en l’absence de possibilité de culture via un caryotypage moléculaire). Toutefois, cette approche s’est heurtée depuis 30 ans à la question de l’isolement et de l’enrichissement de ces cellules circulantes car présentes en très faible nombre (1 à 2 par mL de sang) et à ce jour aucune application clinique ne s’est concrétisée en routine mais il est possible que cette approche devienne performante dans un avenir proche [3].


Dans tous les cas, ces nouvelles procédures devront être compétitives en termes de capacité d’analyse (potentiellement plus de 700 000 tests chaque année), notamment par rapport aux approches utilisant les acides nucléiques plasmatiques plus propices à une automatisation, mais également en termes de coût. C’est notamment la relative simplicité et la robustesse de l’analyse de l’ADN fœtal circulant qui a permis au DPNI de devenir une réalité clinique quelques années seulement après la découverte de ce phénomènephysiologique qu’est le transfert d’ADN et d’ARN fœtal dans la circulation sanguine maternelle.


Depuis la première description de la présence d’ADN fœtal libre circulant dans le plasma de femmes enceintes [4], de très nombreux travaux ont été réalisés afin de mieux comprendre ce phénomène physiologique. On sait maintenant que l’ADN fœtal est relargué dans la circulation maternelle majoritairement à partir des villosités choriales (cellules cyto- et syncytio-trophoblastiques) [5], vraisemblablement dès l’implantation de l’embryon mais ne devient détectable avec les techniques actuellement disponibles qu’à partir de la 5e semaine d’aménorrhée [6]. Sa concentration augmente tout au long de la grossesse puis il disparaît très rapidement (en quelques heures) après l’accouchement [7] et, point essentiel, ne persiste pas d’une grossesse à une autre dans le sang maternel [8]. Plus récemment, il a été démontré que des ARNs spécifiquement exprimés au niveau placentaire (ARN fœtaux) étaient également présents dans la circulation maternelle [9, 10]. La physiopathologie de ces ARNs fœtaux est en tous points identique à celle de l’ADN circulant.


Les applications actuelles du DPNI par l’analyse de l’ADN plasmatique concernent l’analyse de gènes totalement absents du génome maternel et dont la détection est « relativement » simple car indépendante de la présence majoritaire de l’ADN maternel dans le plasma.



Détermination du sexe fœtal


Elle repose sur la détection de séquences dérivées du chromosome Y (gène SRY ou séquences répétées DYS14) ; l’identification de ces séquences dans le plasma maternel permet d’identifier un fœtus masculin, et par défaut son absence révèle la présence d’un fœtus féminin. L’utilité principale de la prédiction du sexe sur sang maternel concerne les maladies récessives liées au chromosome X qui nécessitent un diagnostic prénatal uniquement lorsque les fœtus sont de sexe masculin. La biopsie de trophoblaste était la seule technique permettant de déterminer précocement le sexe du fœtus, après 10 SA, par analyse du caryotype et d’entreprendre une analyse génétique moléculaire en cas de fœtus masculin. Les inconvénients liés à cette procédure invasive (fausse couche induite et échec de prélèvement) sont dommageables en cas de fœtus féminin, puisque ceux-ci sont indemnes des maladies récessives liées au chromosome X. Le diagnostic de sexe fœtal sur sang maternel, réalisé pour cette indication à partir de la 10e SA qui atteint des niveaux de sensibilité et de spécificité maximales, a ainsi permis de réduire de 50 % les procédures diagnostiques invasives [11]. La détermination précoce du sexe fœtal est également utile dans la prise en charge des couples à risque de transmettre une hyperplasie congénitale des surrénales [12]. Environ 500 patientes sont concernées chaque année pour ces deux indications en France. Ce test trouve sa place également dans le contexte des anomalies des organes génitaux externes en complément des études échographiques.



Le génotypage Rhésus D fœtal


Cette application plus récente a été rendue possible grâce à la découverte du mécanisme moléculaire associé au groupe sanguin Rhésus D [13]. Il a été en effet démontré que le phénotype RhD négatif résulte majoritairement dans la population caucasienne, sauf rares exceptions, d’une délétion complète du gène RHD (absent du génome maternel chez une patiente RhD-négatives). La mise en évidence de séquences dérivées de ce gène RHD dans le plasma de la femme enceinte (absentes du génome maternel chez une femme RhD-négative) est donc la signature d’un ADN fœtal et permet ainsi de définir le génotype RHD positif du fœtus [14]. Par défaut, son absence révèle la présence d’un fœtus de génotype RHD négatif.


L’intérêt de la détermination non invasive du génotype RHD fœtal est évidente chez les patientes déjà en situation d’allo-immunisation anti-D, puisque la connaissance du statut du fœtus, donc de la situation d’incompatibilité pour la grossesse va permettre soit d’alléger la surveillance en cas de fœtus RHD négatif (environ 30 % à 40 % des cas), soit de mettre en place une surveillance spécifique plus lourde en cas de fœtus RHD positif : dosage pondéral et microtitration de l’anti-D, surveillance échographique orientée vers la recherche d’une anémie fœtale. Environ 700-800 patientes sont concernées chaque année en France. Les recommandations d’une immunoprophylaxie anti-D (Rhophylac®) systématique à 28 SA chez toutes les femmes enceintes RhD-négatives, soit près de 150 000 chaque année en France, ont relancé le débat autour d’un génotypage RHD fœtal préalable devenu possible à grande échelle [15, 16]. Ce génotypage fœtal rend plus pertinente cette immunoprophylaxie anti-D ; 1’allo-immunisation évitée pour 278 femmes traitées en l’absence de connaissance du statut fœtal, contre seulement 166 si la prophylaxie est réservée aux seules patientes dont le fœtus est de génotype RHD positif connu [15]. Par ailleurs, les immunoglobulines anti-D restent un produit dérivé du sang (risque infectieux probablement négligeable mais non exclu) dont l’approvisionnement peut être limité.


Les principales limitations à l’utilisation de ce test tiennent d’une part au coût de l’analyse et à son impact négatif sur le plan économique, en particulier dans un contexte de génotypage systématique [17].


Bien que la détermination du sexe fœtal et du génotypage RHD ne constituent pas à proprement parlé du diagnostic prénatal puisque ne relevant pas d’une affection mais plus d’une « caractéristique » génétique d’un fœtus, cette activité est considérée comme un acte de diagnostic prénatal à part entière. À ce titre, elle est encadrée par l’Agence de la Biomédecine qui émet un avis sur l’autorisation des laboratoires à leur réalisationet recueille chaque année l’ensemble des données relatives à ces activités.

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Aug 1, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 22: Le diagnostic prénatal non invasif sur sang maternel

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