Chapitre 22 Écoulements mamelonnaires
L’écoulement mamelonnaire, dont la prise en charge est mal codifiée, se rencontre chez 3 à 10 % des femmes qui consultent pour une anomalie [1]. La cause est le plus souvent bénigne, la fréquence de l’étiologie maligne variable selon les séries avec une incidence de cancers de 9 à 23 % [1].
Description clinique
L’examen clinique, pratiqué si possible avec une lampe-loupe, note : date, caractère spontané (tachant les sous-vêtements) ou provoqué (parfois par la pression élective d’un « point-gâchette »), abondance, localisation (uni-, pauci- ou pluri-orificiel ; uni- ou bilatéral), coloration (en étalant quelques gouttes sur une compresse : lactescent, clair séreux, jaune, orange, vert plus ou moins foncé, marron, rouge hématique, noir).
• les galactorrhées, ou écoulements multi-orificiels, bilatéraux, lactescents, parfois abondants ;
• l’écoulement purulent dans un contexte inflammatoire, évoquant une ectasie canalaire compliquée ;
• les écoulements multipores jaunâtres ou verdâtres, évoquant un dysfonctionnement mammaire (sécrétions d’ectasie canalaire ou de mastopathie fibrokystique) ;
• les écoulements uni- ou pauci-orificiels, souvent spontanés et récidivants, séreux ou hématiques, secondaires à une pathologie canalaire.
Classiquement, l’écoulement unilatéral, unipore, non vert, spontané et persistant est considéré comme « pathologique », car il est associé à un risque augmenté de pathologie sous-jacente. La probabilité de cancer augmente quand l’écoulement est clair ou hématique, ou associé à une masse palpable (tableau 22.1) [1].
Écoulement physiologique | Écoulement non physiologique |
---|---|
Multipore Laiteux, vert, marron Provoqué | Uni- ou pauci-orificiel Séreux, hématique, orangé, jaune Spontané |
Bilan hormonal
Il n’est pratiqué que devant une galactorrhée, en l’absence de grossesse, et une fois les causes iatrogènes médicamenteuses recherchées par l’interrogatoire. Il comporte le dosage du taux de prolactine et le plus souvent de la TSH. Si le taux de la prolactine est élevé à plusieurs reprises, une IRM hypothalamo-hypophysaire sera pratiquée à la recherche d’un adénome hypophysaire ou d’une autre cause organique.
Il existe d’autres causes de galactorrhée : consommation de cannabis, excès de consommation de caféine, frottements répétés d’un soutien-gorge mal adapté à la pratique sportive [2].
Examen cytologique (frottis d’écoulement)
Il doit être systématiquement pratiqué dans l’écoulement unipore, quelle que soit sa couleur. Il est parfois utile de le répéter car sa sensibilité est moyenne.
Examens radiologiques
Mammographie
Anomalies
Des macrocalcifications de type bénin, rondes en coquille d’œuf, de localisation rétro-aréolaire sont évocatrices d’un papillome. Mais quand il s’agit de microcalcifications, aucun aspect particulier ne permet d’orienter vers une pathologie canalaire bénigne de type papillome, les microcalcifications des papillomes étant d’ailleurs plutôt d’aspect indéterminé (fig. 22.1) [3]. La mammographie peut révéler des microcalcifications ACR 5 orientant d’emblée vers une pathologie canalaire maligne.
Échographie
Anomalies
L’échographie peut montrer une ectasie canalaire (calibre supérieur à 3 mm), concordante avec un(des) écoulement(s) vert(s) ou laiteux.
L’échographie peut révéler une masse intraluminale (fig. 22.2), le problème étant alors le diagnostic différentiel entre papillome, cancer intracanalaire et lésions complexes de mastopathie fibrokystique. Le papillome, même de petite taille (quelques millimètres), est vascularisé (fig. 22.3). Lors qu’il s’étend dans le galactophore, il progresse à travers les arborisations canalaires, ce que Stavros décrit comme le signe du « lazy Y » [4]. Il faut savoir que les papillomes peuvent avoir un aspect suspect de masse extraluminale avec pseudo-invasion.
Fig. 22.2 55 ans. Écoulement sanglant unipore droit.
Échographie : canal sous-aréolaire dilaté avec masse intracanalaire. Macrobiopsie : papillome.