Chapitre 21
Tumeurs du foie et des voies biliaires
Les tumeurs du foie et des voies biliaires constituent un groupe hétérogène de tumeurs bénignes et malignes qui se développent dans les épithéliums et les différents types de stroma du foie. Divers cancers d’autres tissus métastasent dans le foie, s’étendent ou métastasent dans le voisinage des voies biliaires, mais toutes les tumeurs du foie ou des voies biliaires ne sont pas malignes (tableau 21-1).
Évaluation des masses hépatiques
Approche diagnostique
Les tumeurs hépatiques peuvent être classées comme bénignes ne nécessitant habituellement qu’une simple observation, comme bénignes mais nécessitant une évaluation et un traitement, ou comme malignes nécessitant une prise en charge appropriée (voir tableau 21-1). La démarche clinique requiert une anamnèse attentive, un examen physique, des analyses de laboratoire et une imagerie appropriée ; elle peut aussi faire appel à une biopsie hépatique pour confirmation histologique. Le traitement optimal doit tenir compte de l’âge du patient et des comorbidités (fig. 21-1).
Tumeurs hépatiques bénignes communes
Épidémiologie: Sur la base d’autopsies, l’hémangiome caverneux, qui est la tumeur bénigne du foie la plus commune, est présent chez près de 7 % des individus. Il existe une prédominance féminine allant de 1,5:1 à 5:1, les hémangiomes étant plus fréquents chez les femmes multipares. Les hémangiomes sont multiples dans 30 % des cas.
Manifestations cliniques: Les hémangiomes caverneux sont généralement asymptomatiques, bien que de grands hémangiomes sous-capsulaires puissent causer une gêne ou des douleurs abdominales. La thrombose d’un hémangiome géant (> 10 cm) peut provoquer des symptômes inflammatoires généraux tels que fièvre, perte de poids et anémie.
Imagerie: Les hémangiomes caverneux hépatiques présentent en imagerie des caractéristiques particulières. À l’échographie, ils sont hyperéchogènes de manière homogène, bien circonscrits, avec des bords lisses, mais, en cas de stéatose hépatique, ils peuvent apparaître hypoéchogènes. Certains résultats sont atypiques, montrant des lésions hypoéchogènes entourées d’une mince bordure hyperéchogène ou d’une enveloppe épaisse et festonnée.
Hyperplasie nodulaire focale
Définition: Une hyperplasie nodulaire focale est une réaction bénigne à une malformation artérielle congénitale dans le foie. La lésion se compose généralement d’une cicatrice stellaire vasculaire avec du tissu conjonctif, des canalicules biliaires entourés par des hépatocytes en prolifération et des cellules de Kupffer séparées par des cloisons fibreuses.
Épidémiologie: Une hyperplasie nodulaire focale se développe principalement chez les femmes en âge de procréer. La relation avec l’utilisation de contraceptifs oraux est controversée ; certaines études suggèrent une association entre l’utilisation à long terme de contraceptifs oraux et une hyperplasie nodulaire focale et des complications comme l’hémorragie ou un infarctus. Toutefois, l’arrêt de la contraception orale ne mène habituellement pas à la résolution de l’hyperplasie nodulaire focale. Il existe une prédominance féminine allant de 2 : 1 à 4 : 1, et les lésions sont habituellement diagnostiquées chez des femmes âgées de 20 à 50 ans. Les hyperplasies nodulaires focales sont parfois multiples (10 à 20 %), ou accompagnent des hémangiomes caverneux (20 %).
Manifestations cliniques: La plupart des hyperplasies nodulaires focales sont asymptomatiques. Des lésions étendues ou sous-capsulaires peuvent se manifester par des douleurs abdominales ou par une masse abdominale. Contrairement à ce que l’on observe en cas d’adénome hépatique, une douleur abdominale aiguë due à un saignement ou une nécrose de la tumeur est très rare.
Diagnostic: À l’échographie, les hyperplasies nodulaires focales peuvent être aussi bien hypoéchogènes, hyperéchogènes ou isoéchogènes, mais elles sont le plus souvent hypoéchogènes, à l’exception de la cicatrice centrale. L’examen Doppler montre fréquemment un flux sanguin dans la cicatrice stellaire centrale.
En TDM dynamique, sans produit de contraste, les hyperplasies nodulaires focales sont de même densité (isoatténuées) ou légèrement moins denses (hypoatténuées) que les tissus voisins. Avec un produit de contraste, on constate un rehaussement rapide et intense au cours de la phase artérielle et, durant la phase veineuse, une perte rapide du contraste qui s’échappe de la lésion, la densité de celle-ci redevenant la même que celle des tissus voisins (iso-intense). Une cicatrice avasculaire centrale est souvent perçue, parfois avec une artère nourricière s’insinuant au milieu de la lésion.
Adénome hépatique
Épidémiologie: L’adénome hépatique est une tumeur bénigne du foie qui se développe principalement au cours des troisième et quatrième décennies de la vie. Il existe une prédominance féminine allant de 2:1 à 6:1, ainsi qu’une forte association avec l’utilisation de contraceptifs oraux. Le risque relatif de développer un adénome hépatique est de 2,5 au bout de 3 à 5 ans de contraception orale et de 25 à 40 après 9 ans d’utilisation, soit une incidence de 4 pour 100 000 contre 1 par million dans la population générale.
Physiopathologie: Les adénomes hépatiques se développent également chez les utilisateurs de stéroïdes androgènes, dans un contexte familial associé au diabète, dans le diabète de début de maturité du jeune, chez les patients atteints de glycogénose de types 1A et 3, d’hémochromatose et d’acromégalie. Les adénomes sont multiples dans 20 % des cas, en particulier chez les patients atteints de glycogénose.
Manifestations cliniques: Les adénomes hépatiques sont habituellement asymptomatiques et sont découverts à l’occasion d’imagerie, mais les patients peuvent se plaindre de douleurs intermittentes ou de gêne dans l’abdomen supérieur ou dans son quadrant supérieur droit. Les adénomes ont aussi une propension à la rupture, avec hémorragie intrahépatique douloureuse ou, rarement, hémopéritoine et choc. Leur taille peut diminuer après le retrait des contraceptifs oraux, mais c’est plutôt rare ; parfois, elle peut même augmenter.