21: Accompagnement et prise en charge psychologique

Chapitre 21


Accompagnement et prise en charge psychologique



21.1


La rencontre entre la médecine et la psychiatrie fœtales




Introduction


La survenue d’une pathologie fœtale est un véritable malheur pour toutes les personnes concernées par l’avènement de cet enfant, qu’elles soient parents, fratrie, famille ou soignants. Ainsi, la maladie, l’angoisse, la honte, l’incertitude, la souffrance et la mort émergent à l’endroit où l’on attendait le surgissement de la vie et la réalisation des rêves. C’est la raison pour laquelle la sophistication technique et les avancées scientifiques dans le domaine de la périnatalité mettent les cliniciens devant des situations humaines complexes et, souvent, inédites. Pour de nombreux cas, les frontières entre l’éthique du sujet, l’éthique médicale et le point de vue de la société, apporté par les différents acteurs de cette rencontre clinique, sont floues ou en conflit. L’enjeu quotidien pour les cliniciens de la périnatalité est celui de problématiser les composantes humaines, médicales et éthiques autour de la pathologie fœtale, pour dégager une déclinaison unique de la réflexion éthique pour chacune de ces situation [1].


Historiquement, l’avènement de la médecine fœtale a été suivi de l’émergence de la psychiatrie fœtale, vers la fin des années 1970 [2]. Il s’agit d’une collaboration très fertile, affirmant la nécessité de transversalité dans le domaine périnatal. Ainsi, les formidables progrès théoriques, cliniques et techniques que la médecine fœtale apporte autour de la biologie de la transmission de la vie humaine, sont le socle sur lequel la psychiatrie fœtale aborde le devenir parents des adultes et la construction d’un enfant humain, dans l’entrecroisement de son patrimoine biologique et de son univers relationnel [3]. Dans le domaine clinique, cette collaboration permet aux obstétriciens et aux pédiatres d’être confortés dans leurs pratiques quotidiennes par des professionnels de la psyché, qui, à leur tour, se soucient de la rencontre entre un bébé, en bonne santé, malade ou mort, et ses parents, dans une logique de prévention, dépistage et soins des troubles précoces de développement et de la parentalité. S’esquisse ici l’effort de garantir la prise en compte de la globalité des enfants, des parents et des soignants et de préserver la continuité entre le pré- et le post-natal, entre le biologique et le relationnel, entre parents, enfants et soignants. Le respect de cette continuité et de cette globalité est essentiel à nos dispositifs de soins périnatals, car il permet aux cliniciens d’offrir une médecine soignante, au-delà et en deçà du pouvoir curatif et réparateur de la médecine fœtale, soulageant ainsi parents et soignants de la rencontre avec des réalités biologiques vis-à-vis desquelles nous sommes souvent dans l’impuissance et le désespoir.



Revue de la littérature



La situation de grossesse


La grossesse et la rencontre avec un enfant constituent une crise maturative [4], à l’instar de l’adolescence, marquant le passage du statut d’enfant à celui de parent, par la remise en question des moments fondateurs de l’identité du sujet [3]. Les travaux de Lee et al. [5] viennent confirmer le fait que la grossesse est un moment de fragilité et de sensibilité accrues, car 54 % d’une cohorte de 357 femmes suivies tout au long de la grossesse présentent un état d’anxiété et que 34 % souffrent de dépression, alors qu’elles n’ont pas d’antécédents psychiatriques et que leur grossesse se déroule normalement. De plus, les effets de la dépression maternelle anténatale sur le fœtus et sur le nouveau-né sont maintenant bien connus, comprenant une augmentation de l’activité fœtale, un petit poids à la naissance, un retard de croissance, une augmentation des niveaux de cortisol et une diminution de l’activité de la dopamine et de la sérotonine, une fréquence majorée de prématurité et des difficultés d’adaptation néonatale [6].


Plus marquant encore, 10 à 15 % de femmes sans antécédent qui accouchent d’un enfant normal à l’issue d’une grossesse normale vont présenter une dépression du postpartum, pendant la première année de la vie post-natale [7]. Parmi ces enfants de mères déprimées, 24 % [8] auront des troubles précoces du développement (attachement insécure, fonctionnement socio-émotionnel affaibli, déficits cognitifs, de l’attention et du langage expressif et troubles du comportement). Ainsi, les troubles affectifs maternels en période périnatale constituent donc à eux seuls un véritable enjeu de santé de santé publique (encadré 21.1).




La situation de la prématurité


La situation des bébés prématurés et de leurs parents a été davantage étudiée que celle marquée par la survenue d’une pathologie fœtale. Pourtant, ces deux circonstances périnatales partagent de nombreux points communs, notamment une atteinte du corps de l’enfant, un engagement dans des soins complexes et de longue haleine impliquant une séparation précoce, une mise à l’épreuve des capacités d’adaptation des bébés et des parents et un éprouvé de détresse somatique et psychique [9]. Le développement des enfants prématurés, même en absence de lésions neurosensorielles ou neuromotrices avérées, est plus fréquemment marqué par des troubles cognitifs, des troubles de la régulation socio-émotionnelle, des troubles du comportement et des troubles des apprentissages scolaires [10].


Certains chercheurs ont montré l’impact négatif de la prématurité sur la relation mère-bébé [9], tandis que d’autres soulignent le rôle majeur que joue la relation parents-bébé dans le devenir des prématurés, au-delà des lésions neurosensorielles avérées [11]. Dans ce sens, différents travaux [12] démontrent que la sévérité des facteurs de risque périnatal ne peut pas prédire, à elle seule, les difficultés développementales et que l’intensité de la réaction de stress parentale est un facteur favorisant la survenue des difficultés développementales chez les enfants. Enfin, la qualité du lien mère-bébé est un des principaux facteurs pouvant exacerber ou, au contraire, atténuer les effets de la prématurité sur le développement des enfants, indépendamment du risque périnatal ou du statut socio-économique des parents (encadré 21.2).




Les données concernant la malformation fœtale



Les aspects épidémiologiques, de santé publique et éthiques


La France est un des pays où la surveillance périnatale est la plus poussée pour les femmes enceintes sans facteur de risque. Cette véritable avancée dans le champ de la santé publique permet une meilleure sensibilité de dépistage et l’accès rapide à toutes les ressources dont dispose la médecine moderne en cas de trouvaille suspecte. Néanmoins, ces progrès interrogent les cliniciens et les pouvoirs publics quant aux limites et au sens de cette action de prévention et de dépistage. L’exigence éthique ici serait de veiller à ce que l’idéal de prévention ne devienne pas iatrogène pour un certain nombre de situations. Plusieurs publications [2] montrent les effets traumatiques de l’annonce de fœtopathie sur le vécu parental, associant les effets durables de la blessure d’avoir conçu un enfant anormal, des incertitudes diagnostiques, de la lourdeur des explorations et des soins, de la remise en question de la vie de couple et de la vie familiale et du poids du deuil périnatal. Ainsi, une étude prospective, sur 293 cas, montre une sévérité aggravée de la dépression et de l’angoisse chez les parents qui doivent assumer sans accompagnement psychologique l’annonce prénatale de malformation de leur enfant, comparés à ceux dont le diagnostic de malformation s’est révélé à la naissance [14]. Ces travaux font la démonstration de l’impérieuse nécessité de construire des dispositifs de soin transversaux, associant précocement tous les acteurs de la périnatalité afin de proposer un accueil et une stratégie thérapeutique respectueuse de la globalité des patients.


D’autres travaux [15] mettent en évidence l’importance majeure de l’établissement d’une alliance thérapeutique entre l’équipe multidisciplinaire et les parents. Une alliance de qualité peut permettre aux parents de rester les acteurs de l’avènement de leur bébé, situation ayant un effet protecteur sur la manière dont ils pourraient intégrer ultérieurement cette expérience traumatique. En revanche, une alliance de mauvaise qualité laisse les parents dans l’incertitude, la solitude et la monstruosité devant irruption de la pathologie fœtale dans leur projet d’enfant, situation pouvant majorer l’effet traumatique de cette expérience. Parallèlement, le côtoiement de cette clinique éprouvante ne laisse pas dans l’indifférence les soignants, dont le vécu de ce quotidien dépend pour beaucoup de la cohérence et de la qualité de la communication à l’intérieur des équipes. De cette manière, la prise en compte du ressenti et des émotions suscités chez les soignants par la rencontre avec les fœtus malades et leurs parents apparaît aujourd’hui comme un élément essentiel dans la structuration d’un dispositif de soin en périnatalité garantissant un bon niveau de sécurité des patients et des praticiens.



Le paradigme des « soft markers »


Dans le domaine du diagnostic prénatal, la détection de soft markers constitue une situation douloureuse pour les patients, mais paradigmatique pour la recherche. En effet, ces parents vont éprouver les affres de l’annonce de suspicion d’une éventuelle anomalie fœtale, puis s’engager dans la lourdeur et l’incertitude d’une phase d’exploration et d’une démarche diagnostique, situation qui se soldera par la naissance d’un enfant pour lequel aucune pathologie au pronostic connu n’a pu être avérée. Il s’agit donc pour les parents de porter le poids d’une suspicion sur la normalité de l’enfant que seule sa naissance pourra dissiper dans les meilleurs des cas. Pour d’autres, la naissance ne lèvera qu’une partie du doute, et ce n’est qu’au fil du temps et de l’évolution de l’enfant que l’incertitude concernant un trouble potentiel du développement lié à la découverte du signe suspect, ne sera éclaircie. Pour autant, les quelques études dont nous disposons à ce propos [16] nous indiquent que ces enfants ne sont pas perçus comme étant tout à fait normaux par des parents qui, de leur côté, sortent endommagés de cette expérience et connaissent durablement des difficultés dans l’établissement du lien avec le bébé. Il s’agirait donc d’une population particulièrement à risque, pour laquelle, l’annonce de la possibilité que l’enfant attendu pourrait ne pas être normal est à l’origine d’une cascade d’événements, dans l’intimité psychique des parents et dans leur monde relationnel, s’enchaînant d’une manière telle que l’établissement de la relation parents-bébé peut être entravée et le développement de l’enfant infléchi [17].


Ce rapide survol de la littérature permet d’affirmer que l’impact de la pathologie fœtale sur la biologie de l’enfant pourrait être majoré ou minoré par la qualité de la relation parents-bébé, elle-même mise à l’épreuve par cette expérience potentiellement désorganisatrice. Quant à l’expérience parentale, sa potentialité désorganisatrice semble liée autant à la confrontation avec la vulnérabilité et le risque vital de l’enfant qu’à l’aspect invasif et de haute technicité de nos dispositifs de soins, ayant tendance à imposer une séparation précoce et prolongée et donnant aux parents le sentiment d’être dépossédés, réduits à la passivité et à l’impuissance (encadré 21.3).



Encadré 21.3   La pathologie fœtale : la rencontre entre le bébé, ses parents et ses soignants



► Effets traumatiques et durables sur les parents : blessure d’avoir conçu un enfant anormal, incertitudes diagnostiques, lourdeur des explorations et des soins, remise en question de la vie de couple et de la vie familiale et poids du deuil périnatal.


► Faux positifs : I’annonce que l’enfant attendu pourrait ne pas être normal est à l’origine d’une cascade d’événements, dans l’intimité psychique des parents et dans leur monde relationnel, s’enchaînant d’une manière telle que l’établissement de la relation parents-bébé peut être entravée et le développement de l’enfant infléchi.


► Nécessité de construire des dispositifs de soin transversaux, associant précocement tous les acteurs de la périnatalité afin de proposer un accueil et une stratégie thérapeutique respectueuse de la globalité des patients.


► Une relation parents-soignants de bonne qualité permet aux parents de rester les acteurs de l’avènement de leur bébé, situation ayant un effet protecteur sur la manière dont ils pourraient intégrer ultérieurement cette expérience traumatique.


► Une relation parents-soignants de mauvaise qualité laisse les parents dans l’incertitude, la solitude et la monstruosité, majorant ainsi l’effet traumatique de cette expérience.


► La prise en compte du ressenti et des émotions suscités chez les soignants est un élément essentiel d’un dispositif de soin en périnatalité, garantissant un bon niveau de sécurité des patients et des praticiens.



Les enjeux de l’échographie obstétricale et de l’annonce de fœtopathie


Le formidable progrès qu’est l’échographie obstétricale et sa large utilisation dans la clinique quotidienne ne doivent pas nous faire oublier qu’elle n’est banale ni pour le médecin qui la réalise, aux prises avec les exigences du diagnostic prénatal et avec des impératifs médico-légaux, ni pour les parents, confrontés sans appel à la réalité de leur enfant. Cette rencontre prénatale avec la réalité de l’enfant circonscrit certaines virtualités de la vie imaginaire parentale (sexe, poids taille, motilité, vitalité) et, à l’opposé, en alimente d’autres, pouvant favoriser ou entraver l’établissement de la relation à l’enfant, en fonction de l’histoire de chacun. Ainsi, l’échographie fait désormais partie du devenir parents des adultes et contribue de manière déterminante à la construction de la relation avec l’enfant à venir [2]. Lors de l’échographie, la femme se retrouve dans une position régressive, allongée, partiellement dénudée, impuissante, dépendante, devant accepter une position de passivité vis-à-vis du médecin porteur d’un savoir oraculaire qui s’immisce dans l’intérieur de son ventre. Le père est confirmé dans son sentiment d’être exclu de l’intimité biologique de la grossesse car son enfant se construit dans un ventre qui n’est pas le sien. Toutes ces circonstances accordent à l’échographiste la place d’un parent tout-puissant, omniscient, dont la parole est attendue pour conjurer ou confirmer l’imaginaire des futurs parents. À l’évidence, cette situation est bouleversée lorsque le médecin décèle une image inquiétante et doit en faire l’annonce aux parents.


L’annonce constitue un traumatisme pour tous les protagonistes de cette découverte qui vont réagir en fonction leurs propres histoires car l’anomalie vient toujours résonner avec un événement du passé. Bien souvent, il y a un décalage entre le vécu des parents, leur compréhension de la réalité du fœtus, la gravité et le pronostic de la situation et ce que les cliniciens pensent avoir transmis [2]. Ainsi, tout s’oppose à ce que les parents puissent être les acteurs éclairés de cette circonstance traumatique et les cliniciens doivent adapter leur discours et attitudes au degré de désorganisation, voire de stupeur, de chaque couple et de chaque parent. Il est essentiel que le clinicien veille à ce que les parents regagnent un statut de sujet afin d’évoquer avec eux l’image suspecte. Toute parole médicale concernant la trouvaille émise pendant le déroulement du geste technique ne peut être que malaisée.


Ainsi, lorsque la lumière revient, le clinicien permet à la mère de quitter sa position régressive, en se rhabillant, en l’accompagnant à s’asseoir avant de faire l’annonce. Les premières réactions parentales donnent souvent dans le registre de la sidération, de la douleur morale intense, du désespoir et de l’angoisse. Les parents peuvent alors éprouver une grande hostilité à l’égard du fœtus et du médecin, demandant une IMG dans la précipitation, niant ou disqualifiant la compétence médicale. En dépit de la gravité de l’anomalie et des premières réactions parentales, le clinicien ne peut abolir tout espoir lors de l’annonce et le premier acte soignant qui lui revient est celui de consoler et contenir la douleur et la violence de l’irruption du malheur dans l’attente d’un enfant. Cette qualité soignante implique un véritable effort pour le clinicien, lui aussi éprouvé dans son humanité par la découverte qu’il vient de faire et par ses effet sur les parents (encadré 21.4).




Répercussions de la pathologie fœtale sur la dynamique psychique de la grossesse


La pathologie fœtale vient mettre à l’épreuve la crise maturative qu’est la dynamique psychique de la grossesse, fragilisant les parents, les couples, les familles et constituant un facteur de risque non négligeable pour leur qualité de vie ultérieure. Voici un aperçu des répercussions que l’on observe le plus souvent [1].



• La fœtopathie peut venir résonner avec des événements traumatiques du passé des parents, les précipitant sur l’enfant et sur le lien parents-bébé. Ici, la culpabilité et l’angoisse sont au premier plan, brouillant la perception qu’ont les parents de la réalité biologique du fœtus. De ce fait, le corps médical peut être assimilé à des parents arbitraires et abusifs, d’autant plus qu’ils proposent fermement une IMG. Ici, les soignants peuvent être l’objet d’une violence inhérente au parcours de la réalité de la fœtopathie et à leurs propres attitudes, risquant ainsi de perturber la rencontre entre les soignants et les soignés.


• La pathologie fœtale majore l’angoisse, l’ambivalence et l’incertitude propres à toute grossesse. Dans ces situations, le mystère du ventre gravide devient la concrétisation d’une inquiétante étrangeté unique pour chaque parent. De ce fait, l’oscillation, consciente et surtout inconsciente, entre ce qui attache les parents à la vie de leur bébé et ce qui les amène à souhaiter sa mort, peut devenir insupportable et fortement culpabilisatrice [2]. On observe ainsi des couples dans la négation ou, à l’opposé, dans le collage à la réalité biologique du fœtus.


• La pathologie fœtale majore l’écart habituel entre la réalité externe de la grossesse et la réalité interne du vécu des parents. Ceci explique le fait que, souvent, les parents restent imperméables au discours médical (porteur de la réalité externe), pour demeurer dans une position marquée par leur vie imaginaire. Les limites de la pédagogie et de l’information médicales s’insinuent ici [2].


• Le temps de la grossesse [4], la réalité biologique du fœtus demeure irreprésentable pour les parents. Les liens parents-bébé ne se tissent pas alors avec le fœtus, mais avec l’enfant des rêves qui a pris corps à l’intérieur du ventre gravide. La pathologie fœtale vient susciter ou alimenter des fantasmes de monstruosité qui peuvent expliquer les difficultés des parents à anticiper et à vivre la rencontre avec l’enfant réel lors de l’accouchement. Cette situation est source d’une grande souffrance difficile à partager, risquant ainsi d’entraver le processus de deuil.


• Le temps de la grossesse [4], le bébé est donc cet enfant des rêves qui appartient à la psyché des parents. De ce fait, la fœtopathie est une véritable atteinte à l’intégrité psychique des parents, comportant une profonde blessure narcissique et suscitant de la culpabilité et de la honte. Ainsi, par la fœtopathie c’est bien une partie de parents qui est endommagée, malade, malformée ou morte.



Répercussions de la malformation sur la situation du fœtus et de la dynamique psychique de la fratrie


Nous savons peu de choses [3] quant à la vie psychique des fœtus pendant la grossesse, a fortiori s’ils sont malades. Néanmoins, cette méconnaissance ne doit pas nous faire oublier le souci éthique de les considérer comme des sujets à part entière, êtres précieux pour leurs parents, dignes de respect et d’attention [1]. Ces considérations vis-à-vis du sujet qu’est le bébé permettent aux parents d’anticiper la rencontre avec sa réalité biologique et nous amènent à veiller sur les éventuelles souffrances qu’il pourrait endurer.


Insistons sur la complexité du statut du fœtus sur les plans juridiques, scientifiques, sociologiques, anthropologiques, psychiques et éthiques. Absent de la scène sociale, la fœtopathie nous impose sa présence inquiétante dans un quotidien qui n’est pas encore le sien. Personne humaine en devenir, ses droits et ses devoirs s’attachent davantage à la promesse qu’il sera qu’à ce qu’il est déjà. Prolongation psychique de ses parents, l’enfant de la grossesse est aimé pour ce qu’il porte de l’histoire familiale et attendu pour ce qu’il est mandaté à modifier dans la filiation à ses lignées. Source de fascination scientifique, dernière frontière de la médecine, le fœtus prolonge la lutte contre-phobique que les médecins ont engagée vis-à-vis de la maladie, la souffrance, la folie et la mort, les gratifiant souvent par des avancées non négligeables, ou les renvoyant parfois à l’impuissance et à l’échec à l’occasion des situations dramatiques. De ce fait, le fœtus malade court le risque de devenir un objet à multiples facettes devant les prérogatives des adultes qui gravitent autour de lui : objet d’horreur que l’on fuit ou que l’on détruit, objet omnipotent qui nous anéantit, malédiction surgissant du fond des âges, partie malade des parents que l’on doit réparer en dépit de la réalité, objet de l’illusion de toute-puissance médicale. Ainsi, le centre de diagnostic prénatal doit assumer le souci éthique de veiller à ce que le fœtus malade devienne un sujet, pour les parents, pour la famille et pour les soignants, seul statut nous permettant de construire un projet de naissance, quel qu’il soit, digne et respectueux de tous.


En outre, nous connaissons les effets des événements périnatals sur les fratries, aussi bien les aînés que les puînés [2]. Ainsi, l’entrave au deuil, la culpabilité, le désarroi, la dépression, l’atteinte à l’intégrité psychique des parents, la réactualisation des traumatismes du passé et leur précipitation sur le lien avec les enfants vivants ou à venir peuvent perturber durablement la vie familiale et compromettre le développement de la fratrie. De plus, la fœtopathie impose un deuil à part entière aux aînés, qui, au cours de la grossesse, ont investi naturellement ce bébé de leur amour et de leur hostilité [2]. Certains aînés peuvent percevoir le malheur qui frappe la famille comme la réalisation concrète de l’hostilité qu’ils ont nourrie à l’égard des parents et surtout de l’enfant à venir. Il va sans dire que certains parmi ces enfants auront besoin d’une aide psychologique (encadré 21.5).


Aug 1, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 21: Accompagnement et prise en charge psychologique

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access