20: Tumeurs endocrines pancréatiques

Chapitre 20


Tumeurs endocrines pancréatiques








Définition: Les tumeurs endocrines pancréatiques (TEP) sont également appelées tumeurs des cellules des îlots, mais parce que la cellule d’origine de la plupart est inconnue, le terme général TEP est préféré. Ce terme est aussi un terme impropre, car les TEP peuvent également se développer en dehors du pancréas. Dix TEP sont bien définies (tableau 20-1). D’autres syndromes TEP fonctionnels ont été rarement rapportés : TEP sécrétrices de rénine, TEP sécrétrices d’érythropoïétine, TEP sécrétrices d’hormone lutéinisante, qui provoquent une virilisation, et TEP sécrétrices d’IGF II (insulin-like growth factor II) responsables d’hypoglycémie. En outre, des TEP qui produisent la neurotensine, la calcitonine et la ghréline ont été rapportées, mais aucun syndrome distinct n’a été décrit.



Les TEP sont fréquemment classées comme fonctionnelles ou non fonctionnelles (voir tableau 20-1) selon que l’hormone libérée de manière autonome cause ou non un syndrome clinique. Les TEP non fonctionnelles libèrent fréquemment des hormones et des peptides (polypeptide pancréatique, neurotensine, sous-unités α-β de la gonadotrophine chorionique humaine, énolase spécifique des neurones, chromogranine A et produits de dégradation) qui ne causent aucun syndrome clinique distinct.




Physiopathologie: Toutes les TEP partagent certaines caractéristiques. Des TEP sont classées comme APUDomes (amine precursor uptake and decarboxylation ; capture des précurseurs d’amines et décarboxylation), qui partagent des caractéristiques cytochimiques avec les tumeurs carcinoïdes, les mélanomes et d’autres tumeurs endocrines (phéochromocytomes, cancer médullaire de la thyroïde). Sauf pour les insulinomes, ces tumeurs sont souvent malignes. Toutes les TEP semblent similaires histologiquement, avec peu de mitoses. La microscopie électronique montre des granules denses contenant des peptides, des amines, des produits de différenciation neuroendocrine (énolase spécifique des neurones, chromogranines, synaptophysine). La chromogranine, que l’on peut détecter par des anticorps, sert maintenant largement de marqueur pour l’identification du caractère endocrine de ces tumeurs.


Les études moléculaires montrent que les TEP ont une pathogénie différente de celle des adénocarcinomes gastro-intestinaux communs, car elles montrent rarement les altérations des gènes suppresseurs de tumeur (par exemple le gène du rétinoblastome p53) ou des oncogènes communs (ras, c-Jun, c-Fos). Des altérations de p16INK4a, du gène NEM1 et de l’expression de facteurs de croissance, ainsi que des pertes chromosomiques (1q, 3p, 3q, 6p, X) et des gains (17p, 17q, 20q), ont été associées, dans de nombreuses études, à un mauvais pronostic. D’autres facteurs ont une signification pronostique, le plus important étant la présence de métastases hépatiques. Récemment, l’Organisation mondiale de la santé a proposé un système de stadification TNM pour les TEP fondé sur la taille de la tumeur, la présence de métastases, le caractère invasif et les indices de prolifération ; plusieurs études récentes ont démontré sa valeur pronostique.


Quatre affections héréditaires autosomiques dominantes sont associées à une fréquence accrue de TEP : la néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (NEM 1 ; 80 à 100 % développent une TEP), la maladie de von Hippel-Lindau (VHL ; 10 à 17 % développent une TEP), la maladie de von Recklinghausen (neurofibromatose de type 1 ([NF-1] ; 12 % développent un somatostatinome duodénal) et la sclérose tubéreuse (< 1 % développent une TEP).



Syndromes liés aux tumeurs endocrines du pancréas fonctionnelles



Syndrome de Zollinger-Ellison (gastrinomes)





Physiopathologie: Selon une étude statistique récente, les gastrinomes se développent deux à cinq fois plus souvent dans le duodénum, où ils sont généralement plus petits (< 1 cm) que ceux du pancréas. Parfois, le SZE est la conséquence d’un gastrinome situé dans le hile splénique, le mésentère, l’estomac ou seulement dans un ganglion lymphatique ou dans un ovaire. Des gastrinomes extrapancréatiques responsables d’un SZE ont été trouvés dans le cœur, tandis que d’autres étaient associés à un cancer pulmonaire à petites cellules. Comme pour les autres TEP, le caractère malin ne peut être reconnu de manière fiable que par la mise en évidence de métastases ; la microscopie optique ou électronique ne peut établir clairement la nature cancéreuse.


La gastrine stimule non seulement la sécrétion d’acide par les cellules pariétales, mais également la croissance des cellules de la muqueuse gastrique. Une hypergastrinémie chronique augmente donc l’épaisseur de cette muqueuse, la profondeur des plis et le nombre de cellules pariétales et de cellules entérochromaffines. Chez les patients atteints de gastrinome, la production basale et maximale d’acide est augmentée. Helicobacter pylori ne semble pas jouer un rôle important dans la pathogénie de l’ulcère du SZE, contrairement à celle des ulcères gastroduodénaux habituels. La diarrhée est fréquente car l’acide gastrique qui afflue dans l’intestin grêle endommage la muqueuse, causant inflammation, atrophie des villosités et œdème) ; il interfère aussi avec le transport des graisses, inactive la lipase pancréatique et précipite les acides biliaires. Ces mêmes mécanismes, s’ils se prolongent, peuvent conduire à une stéatorrhée. Lorsque l’hypersécrétion acide est contrôlée, la diarrhée s’arrête.



Manifestations cliniques: La douleur abdominale due à un ulcère gastroduodénal est le symptôme le plus fréquent (> 80 %). La plupart des ulcères se forment dans le duodénum (> 85 %), mais ils surviennent parfois dans la zone postbulbaire, le jéjunum, l’estomac ou dans plusieurs sites. Au début, la douleur est généralement similaire à celle ressentie en cas d’ulcère gastroduodénal typique. Avec le temps, les symptômes deviennent persistants et, en général, répondent mal aux traitements visant à éliminer H. pylori ainsi qu’aux doses habituelles d’antagonistes des récepteurs de l’histamine (anti-H2) ; ils résistent également au traitement chirurgical de la maladie ulcéreuse, qui actuellement n’est plus que rarement appliqué. Par comparaison, les doses usuelles d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) (par exemple oméprazole, lansoprazole, pantoprazole, ésoméprazole, rabéprazole) peuvent masquer les symptômes de la plupart des patients atteints de SZE, mais ils peuvent aussi imiter le SZE en causant une hypergastrinémie. L’utilisation répandue des IPP contribue à retarder le diagnostic du SZE.


Les brûlures d’estomac sont également fréquentes (20 %), tout comme la diarrhée (60 à 70 %), qui peut être le premier symptôme (10 à 20 %). Vingt à 25 % des patients atteints du SZE ont une NEM 1. Ces patients ont des hyperplasies ou des tumeurs de multiples glandes endocrines (hyperplasie parathyroïdienne [> 90 %], tumeurs de l’hypophyse [60 %] et des TEP [80 à 100 %]). Dans la NEM 1, le SZE est le syndrome de TEP fonctionnelle le plus courant (54 %), mais habituellement les premières manifestations sont soit des calculs rénaux liés à l’hypercalcémie, elle-même due à l’hyperparathyroïdie, soit une production excessive de prolactine par une tumeur de l’hypophyse, le SZE ne se manifestant que plus tard. Cependant, des études montrent que, chez 20 à 40 % des patients atteints de NEM, les symptômes du SZE sont précoces.


Chez les patients atteints du SZE, presque tous les symptômes sont dus à l’hypersécrétion d’acide gastrique, mais après un certain temps, la tumeur elle-même peut occasionner des symptômes. Environ un tiers des patients ont des métastases hépatiques au moment du diagnostic, mais moins de 20 % des autres patients développent une maladie métastatique du foie au cours d’un suivi de 10 ans.


Chez jusqu’à 5 % des patients atteints du SZE, l’hormone corticotrope (ACTH) sécrétée par le gastrinome provoque un syndrome de Cushing. Ces patients ont généralement des métastases hépatiques, un SZE sans NEM 1 et un pronostic défavorable.



Diagnostic: Un SZE doit être suspecté chez tout patient dont l’ulcère gastroduodénal se complique de diarrhée, est récurrent, résiste au traitement, n’est pas associé à une infection à H. pylori, se complique d’hémorragie, d’obstruction ou de sténose de l’œsophage, est multiple, se forme dans des endroits inhabituels ou est associé à une tumeur pancréatique. Un SZE devrait également être suspecté en cas de diarrhée sécrétoire chronique, d’ulcère gastroduodénal associé à de profonds plis gastriques, d’antécédents personnels ou familiaux de calculs rénaux, d’endocrinopathies ou de résultats d’examens de laboratoire montrant une hypercalcémie, une hypergastrinémie ou une hypersécrétion d’acide gastrique.


En cas de suspicion, le test initial est le dosage de la gastrine sérique à jeun ; le taux est élevé chez 99 à 100 % des patients atteints de SZE. Cependant, d’autres causes d’hypergastrinémie sont : une insuffisance rénale, une infection à H. pylori, une réponse physiologique à l’achlorhydrie ou l’hypochlorhydrie liée à une anémie pernicieuse, une gastrite atrophique ou une utilisation d’IPP. Si le taux de gastrine sérique est élevé, il faut mesurer le pH gastrique à jeun. Si la gastrine sérique dépasse 1000 pg/ml (normale < 100) et le pH est inférieur à 2,0, le patient est presque certainement atteint de SZE ; environ 40 % des patients ont cette combinaison. Si la gastrine est augmentée de plus de dix fois et le pH est inférieur à 2,0, on doit évaluer la production basale d’acide et pratiquer un test à la sécrétine. La production basale d’acide est augmentée chez les patients atteints de SZE et, chez plus de 95 % d’entre eux, la valeur dépasse 15 mEq/heure si, bien sûr, le patient n’a pas subi de résection gastrique qui aurait pu réduire la production d’acide gastrique. En raison de leur longue durée d’action, on doit, si possible, arrêter les IPP pendant au moins 1 semaine afin de s’assurer que la cause de l’hypergastrinémie n’est pas le médicament lui-même.



Diagnostic différentiel: Un test à la sécrétine peut exclure divers syndromes qui peuvent imiter un SZE : une infection à H. pylori, un syndrome de l’antre exclu, une activité excessive ou une hyperplasie des cellules G antrales, une insuffisance rénale chronique et une obstruction à la vidange gastrique. Chez les individus physiologiquement normaux, une injection intraveineuse de sécrétine augmente le taux de gastrine de 120 pg/ml au plus, alors que, chez 94 % des patients atteints de SZE, le test positif correspond à une élévation du taux de gastrine à jeun pouvant dépasser jusqu’à dix fois la norme. Sauf chez les patients avec achlorhydrie, on n’a rapporté aucun faux positif. Chez tous les patients atteints de SZE, la recherche d’autres endocrinopathies et une anamnèse portant sur les antécédents familiaux doivent exclure une NEM 1.



Imagerie et endoscopie: Chez tous les patients, il faut rechercher par imagerie la localisation de la tumeur. L’injection d’octréotide complexé à l’acide diéthylènetriamine penta-acétique-D-phénylalanine-1 et marqué à l’indium-111 permet de repérer les tissus porteurs de récepteurs de la somatostatine par tomographie numérique d’émission monophotonique. C’est la méthode de choix pour localiser la tumeur ; elle identifie 60 % des gastrinomes primitifs et plus de 90 % des patients avec des métastases hépatiques avec une sensibilité égale à l’ensemble des techniques conventionnelles d’imagerie combinées (imagerie par résonance magnétique [IRM], tomodensitométrie [TDM], échographie, angiographie). Pour les gastrinomes pancréatiques, l’échographie endoscopique est particulièrement sensible. Souvent, les petits gastrinomes duodénaux (< 1 cm) ne sont pas détectés par imagerie, mais peuvent l’être, lors d’une duodénotomie. Des études récentes montrent que deux nouvelles techniques d’imagerie peuvent être utiles pour les petits gastrinomes et d’autres TEP : la combinaison de la TDM, ou de l’IRM, avec une scintigraphie des récepteurs de la somatostatine (somatostatin receptor scintigraphy [SRS]) et la tomographie par émission de positons, surtout avec des analogues de la somatostatine marquée au gallium-68.



Traitement



Traitement médical


Les patients nécessitent un traitement médical qui devrait contrôler l’hypersécrétion d’acide gastrique et, si possible, un traitement chirurgical pour éliminer le gastrinome. Les IPP sont actuellement les médicaments de choix. En raison de leur longue durée d’action, l’hypersécrétion acide peut être inhibée chez tous les patients avec une ou deux doses quotidiennes. La dose initiale recommandée pour l’oméprazole est de 60 mg une fois par jour. Chez 30 % des patients, des doses plus élevées sont nécessaires, en particulier chez les patients atteints de NEM 1, ayant une chirurgie gastrique antérieure ou avec des antécédents de grave reflux gastro-œsophagien. Les patients doivent être traités indéfiniment, à moins que la chirurgie ne les guérisse. Une thérapie à long terme est sûre, et chez des patients maintenus sous oméprazole pendant près 20 ans, le médicament est resté efficace. Cependant, des carences en vitamine B12 peuvent survenir et nécessiter un apport supplémentaire. Les antihistaminiques H2 sont également efficaces, mais des doses élevées et fréquentes (toutes les 4 à 6 heures) sont requises. La gastrectomie totale, le traitement historique, est destinée uniquement aux patients qui ne peuvent pas ou ne veulent pas prendre de médicaments antisécrétoires oraux. Une vagotomie sélective diminue la sécrétion d’acide, mais une faible dose de médicament reste nécessaire chez de nombreux patients. Une parathyroïdectomie est indiquée en cas de NEM 1 avec hyperparathyroïdie et SZE, car elle diminue la sécrétion acide et augmente la sensibilité aux médicaments antisécrétoires.

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May 6, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on 20: Tumeurs endocrines pancréatiques

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