Chapitre 2
Techniques diagnostiques
Tests diagnostiques
En dermatologie, les données minimales nécessaires à l’établissement d’un diagnostic incluent les raclages cutanés, la cytologie cutanée et auriculaire. L’objectif est d’identifier l’ensemble des infections secondaires (par exemple pyodermite, démodécie, dermatophytose, otite, dermatite à Malassezia, pododermatite infectieuse), puis d’établir un plan diagnostique permettant d’identifier et de contrôler la maladie sous-jacente/primaire (c’est-à-dire allergies, endocrinopathies, troubles de la kératinisation, dermatoses auto-immunes) (encadré 2.1).
Raclages cutanés
Les raclages cutanés sont les examens les plus couramment utilisés en dermatologie (lame n° 1 dans la technique des trois lames). Ces examens relativement faciles et rapides peuvent permettre d’identifier de nombreuses affections parasitaires (tableau 2.1). Bien qu’ils ne soient pas toujours diagnostiques, leur relative facilité d’emploi et leur moindre coût les rendent essentiels dans l’établissement d’une base de donnée minimale en vue d’un diagnostic en dermatologie.
Méthodes
Raclages cutanés superficiels (Sarcoptes, Notoedres, Demodex gatoi, Cheyletiella, Otodectes, Trombicula)
Une lame de bistouri émoussée est tenue perpendiculairement à la peau, une pression modérée y est appliquée afin d’effectuer un raclage dans le sens de la pousse du poil. Si la région est recouverte de poils, il peut être nécessaire de tondre une petite fenêtre pour accéder à la peau. Pour tenter de mettre en évidence la présence relativement rare des acariens responsables de la gale chez le chien, les raclages sont effectués sur des plages importantes (2,5 à 5 cm). L’application d’huile minérale directement sur le site cutané destiné à être raclé contribue à déloger les débris et facilite le prélèvement du produit de raclage. Ces acariens ne vivant pas en profondeur de la peau, il n’est pas nécessaire d’effectuer un raclage jusqu’à la rosée sanguine ou de faire saigner. Les sites les plus riches en sarcoptes sont en marge des pavillons auriculaires et en face externe des coudes. Des publications anecdotiques suggèrent que Demodex gatoi serait plus facilement rencontré en face externe de l’épaule chez le chat. Généralement, plusieurs lames sont nécessaires afin d’étaler le matériel recueilli sur une couche suffisamment mince permettant de réaliser un examen microscopique satisfaisant.
Raclages cutanés profonds (Demodex spp. sauf D. gatoi)
Une lame de bistouri émoussée est tenue perpendiculairement à la peau et une pression modérée y est appliquée afin d’effectuer un raclage dans le sens de la pousse du poil.
Figure 2.2 Techniques diagnostiques. A. Vue microscopique (objectif × 10) mettant en évidence la silhouette polygonale typique d’un kératinocyte mature normal. Noter l’absence de noyau et la présence de petits grains de mélanine (souvent confondus avec des bactéries, mais dotés d’une pigmentation brune). B. Vue microscopique (objectif × 10) révélant la présence de granules pigmentés (bruns) au sein d’un kératinocyte anucléé aux contours typiquement polygonaux. Noter la présence d’une structure bleu foncé ; il s’agit certainement d’un kératinocyte enroulé. C. Vue microscopique montrant l’aspect typique d’un neutrophile au grossissement × 10. D. Afin de prélever un échantillon idéal en vue d’un examen cytologique, il convient de gratter délicatement la croûte superficielle puis d’appliquer fermement la lame de verre sur la peau. E. Afin de prélever un échantillon idéal en vue d’un examen cytologique, il convient de gratter délicatement la croûte superficielle puis d’appliquer fermement la lame de verre sur la peau. Note : il peut être plus facile de recueillir l’échantillon si la peau est légèrement surélevée par pincement ou présentée en monticule.
Figure 2.3 Raclage cutané. A. Une lame de bistouri neuve et émoussée est utilisée pour racler dans le sens de la pousse du poil. B. Pour les raclages cutanés profonds, la peau est généralement pincée après apparition de la rosée sanguine afin d’effectuer un dernier raclage cutané. C. Noter la présence d’un suintement capillaire lors du prélèvement du produit de raclage. D. Le prélèvement est réparti de façon homogène sur une lame de verre ajoutée d’une goutte d’huile minérale. E. Vue microscopique d’un Demodex à l’objectif × 10.
Cytologie cutanée
La cytologie est la technique la plus fréquemment utilisée après les raclages cutanés dans la démarche diagnostique en dermatologie (lame n° 2 dans la technique des trois lames). Son objectif est d’aider le praticien à identifier les agents bactériens ou fongiques (levures), les types cellulaires infiltrants, les cellules néoplasiques ou les cellules acantholytiques (typiques d’un pemphigus).
Méthodes
Étalement sur calque par impression directe
Un exsudat humide peut être récolté à partir de pustules, d’érosions, d’ulcères ou de lésions suintantes. Il est également possible de soulever les croûtes afin de mettre à nu une région humide sous-jacente. Les lésions papuleuses peuvent être rompues à l’aide du coin d’une lame de verre ou d’une aiguille, puis une pression peut être exercée afin d’en extraire le contenu. Les dermatites à levures peuvent être échantillonnées par des applications répétées de la lame sur les régions lichénifiées ou en utilisant une lame de bistouri sèche pour prélever le produit avant de l’étaler sur une lame sèche. Quelle que soit la technique utilisée, on laisse l’échantillon humide sécher. La lame est ensuite colorée à l’aide d’un colorant cytologique du commerce (par exemple coloration de Wright modifiée [Diff-Quik, RAL 555]), puis délicatement rincée. L’objectif à faible grossissement est utilisé pour balayer la lame et permettre une sélection des régions intéressantes en vue d’un examen plus approfondi. L’objectif au fort grossissement (× 40 ou de préférence × 100 à l’immersion) est utilisé pour identifier les types cellulaires ainsi que les organismes bactériens ou fongiques.
Aspiration à l’aiguille fine
Une aiguille (22–25 gauge) et une seringue de 6 ml sont utilisées pour ponctionner la masse. La région doit être nettoyée si nécessaire avec de l’alcool ou de la chlorhexidine. La région est ensuite immobilisée. Le praticien doit insérer l’aiguille dans le nodule en visant le centre de la lésion, puis tirer sur le piston pour aspirer, relâcher puis rediriger et tirer à nouveau sur le piston. Il convient d’interrompre la manœuvre si du sang apparaît au niveau de la garde de l’aiguille car cela diluerait l’échantillon cellulaire. La pression négative doit être relâchée avant que l’aiguille ne soit retirée de la lésion. Une alternative à cette technique consiste à introduire de façon répétée l’aiguille démontée dans la lésion tout en changeant son orientation à chaque insertion. Cette dernière technique, (sans pression négative) qui limite le risque de dilution accidentelle de l’échantillon par une contamination sanguine, est idéale pour le prélèvement de masses molles. Après prélèvement, le produit est éjecté sur une lame par application d’une pression à partir d’une seringue remplie d’air montée sur l’aiguille. Le produit est ensuite délicatement étalé afin d’amincir les amas cellulaires puis coloré avec un colorant cytologique. La lame doit être balayée au faible grossissement (objectif × 4 – × 10) afin de repérer une zone adaptée à un examen au fort grossissement. Un objectif à fort grossissement (× 40) peut être utilisé afin de mettre en valeur le type cellulaire infiltrant ainsi que les atypies cellulaires.
Test à la cellophane adhésive (Scotch®-test)
Les tests à la cellophane adhésive sont utilisés pour évaluer diverses affections. La technique de base suppose l’utilisation d’un ruban adhésif parfaitement transparent (simple ou double face) afin de récolter un échantillon de poil ou de débris cutanés superficiels.
Test à la cellophane adhésive pour la recherche d’acariens
La méthode du test à la cellophane adhésive peut être très efficace pour prélever et fixer des Cheyletiella ou des poux en vue d’un examen microscopique. Les acariens sont généralement de taille suffisante pour être directement visualisés et prélevés par le biais d’un fragment de cellophane adhésive. Le ruban adhésif empêche le spécimen de s’échapper.
Test à la cellophane adhésive pour les poils (trichogramme)
Le ruban adhésif permet de maintenir les poils en place sur la lame de verre. L’échantillon est examiné au faible grossissement (objectif × 4– × 10). (Voir la partie « Trichogramme » pour plus d’informations sur les techniques d’analyse.) L’utilisation de l’huile est généralement préférable pour les trichogrammes.
Test à la cellophane adhésive pour la recherche de levures
La méthode du test à la cellophane adhésive fait partie des méthodes les plus efficaces pour l’identification des dermatites à Malassezia. Bien que cette méthode ne soit pas aussi fiable et quantitative que la mise en culture par impression sur milieu de Sabouraud, sa rapidité et sa facilité d’emploi la placent en tête des méthodes les plus couramment utilisées dans l’identification des Malassezia. La lésion lichénifiée (peau d’éléphant en face ventrale du cou ou en région abdominale) est prélevée par l’application répétée de la face adhésive du ruban directement sur la lésion. Le ruban est alors collé sur une lame de verre et coloré avec une coloration cytologique (en omettant la première solution de fixation alcoolique). Le ruban sert de lame couvre-objet et peut être examiné au fort grossissement (× 100, huile) afin de visualiser les Malassezia. Cette technique est utile, mais les cas de résultats faux négatifs dans l’identification des Malassezia sont fréquents, quelle que soit la méthode de prélèvement utilisée.
Figure 2.4 Cytologie. A. Une lame de verre est pressée sur une lésion cutanée afin de prélever l’exsudat humide pour une évaluation cytologique (calque d’impression). B. Une aiguille est insérée dans une lésion nodulaire afin de prélever des cellules pour une évaluation cytologique (cytoponction à aiguille fine). C. Une fois sèche, la lame cytologique subit une coloration de Wright modifiée (Diff-Quik, RAL555). D. Vue microscopique à l’objectif × 100 (huile) de neutrophiles et de Staphylococcus. E. Image microscopique de levures à Malassezia à l’objectif × 100 (huile). F. Image microscopique d’un kératinocyte, de granules de mélanine et de Simonsiella à l’objectif × 100 (huile). Simonsiella est une bactérie buccale commune ; sa présence suggère que le patient s’est léché (prurit). G. Image microscopique de neutrophiles et d’une cellule acantholytique à l’objectif × 100 (huile). Les cellules acantholytiques suggèrent l’existence d’un pemphigus.